Edgar Morin – Amour, Poésie, Sagesse

par marko
mardi 16 mai 2017

Voici le deuxième article concernant Edgar Morin sur ce blog. Le dernier était consacré à une brève anthologie de ses textes (https://unmultiple.wordpress.com/2015/04/27/edgar-morin-la-complexite-humaine/) Cette fois-ci, il s’agit de présenter les textes de trois conférences réunis en un livret Amour, Poésie, Sagesse. Comme c’est toujours le cas avec les personnes qui entretiennent une pensée riche, bien que les textes appartiennent à des conférences distinctes, ils se complètent et se font parfaitement écho. Les thèmes de l’amour, la poésie et de la sagesse peuvent certainement être parfois évoqués avec plus de complétude en un silence qu’en plusieurs milliers de pages. Pourtant, et ce n’est pas une surprise, Edgar Morin parvient à développer les tensions essentielles sous-jacentes à ces questions au cœur de la dynamique humaine entre sagesse et folie, entre amour et raison… L’œuvre d’Edgar Morin est un tissage merveilleux, sa lecture est portée par un souffle stimulant et propice aux expériences de synchronicité… Comment ne pas mentionner le fait d’avoir commencé par hasard dans la foulée le livre d’Abdennour Bidar, Les Tisserands. En recopiant mes notes ci-dessous, j’ai eu l’impression de relire des pages lues il y a à peine une heure ou deux ! Voici à quoi on reconnaît des écrits pertinents sur des sujets tels que l’amour, la poésie et la sagesse : ce sont toujours des écrits stimulant un profond mouvement intérieur auquel s’associent les éléments extérieurs… Je vous souhaite une bonne lecture des extraits ci-dessous, ainsi que de prolonger celle-ci intérieurement en toutes vos activités, en toutes les dimensions, avec tout ce qui tombera à portée de votre champ d’expérience…

Voici le deuxième article concernant Edgar Morin sur ce blog. Le dernier était consacré à une brève anthologie de ses textes (https://unmultiple.wordpress.com/2015/04/27/edgar-morin-la-complexite-humaine/) Cette fois-ci, il s’agit de présenter les textes de trois conférences réunis en un livret Amour, Poésie, Sagesse. Comme c’est toujours le cas avec les personnes qui entretiennent une pensée riche, bien que les textes appartiennent à des conférences distinctes, ils se complètent et se font parfaitement écho. Les thèmes de l’amour, la poésie et de la sagesse peuvent certainement être parfois évoqués avec plus de complétude en un silence qu’en plusieurs milliers de pages. Pourtant, et ce n’est pas une surprise, Edgar Morin parvient à développer les tensions essentielles sous-jacentes à ces questions au cœur de la dynamique humaine entre sagesse et folie, entre amour et raison… L’œuvre d’Edgar Morin est un tissage merveilleux, sa lecture est portée par un souffle stimulant et propice aux expériences de synchronicité… Comment ne pas mentionner le fait d’avoir commencé par hasard dans la foulée le livre d’Abdennour Bidar, Les Tisserands. En recopiant mes notes ci-dessous, j’ai eu l’impression de relire des pages lues il y a à peine une heure ou deux ! Voici à quoi on reconnaît des écrits pertinents sur des sujets tels que l’amour, la poésie et la sagesse : ce sont toujours des écrits stimulant un profond mouvement intérieur auquel s’associent les éléments extérieurs… Je vous souhaite une bonne lecture des extraits ci-dessous, ainsi que de prolonger celle-ci intérieurement en toutes vos activités, en toutes les dimensions, avec tout ce qui tombera à portée de votre champ d’expérience…

 


Nous sommes condamnés au paradoxe d’entretenir simultanément en nous la conscience de la vacuité de notre monde et celle de la plénitude que peut nous apporter, quand elle le veut ou le peut, la vie. Si la sagesse nous demande de nous demande de nous détacher du monde de la vie, est-elle vraiment sage ? Si nous aspirons à la plénitude de l’amour, sommes-nous vraiment fous ?

Dans les textes qui suivent nous reconnaissons l’amour comme le comble de l’union de la folie et de la sagesse, c’est-à-dire qu’en l’amour sagesse et folie non seulement sont inséparables mais s’entre-génèrent l’une l’autre. Nous reconnaissons la poésie non seulement comme mode d’expression littéraire, mais comme l’état dit second qui nous vient de la participation, de la ferveur, de l’émerveillement, de la communion, de l’ivresse, de l’exaltation, et bien sûr de l’amour qui contient en lui toutes les expressions de l’état second. La poésie est libérée du mythe et de la raison tout en portant en elle leur union. L’état poétique nous transporte à travers folie et sagesse au-delà de la folie et de la sagesse.

L’amour fait partie de la poésie de la vie. La poésie fait partie de l’amour de la vie. Amour et poésie s’engendrent l’un et l’autre et peuvent s’identifier l’un à l’autre. Si l’amour est l’union suprême de la sagesse et de la folie, il nous faut assumer l’amour. Si la poésie transcende sagesse et folie, il nous faut aspirer à vivre l’état poétique, et éviter que la prose n’engloutisse nos vies, qui sont nécessairement tissées de prose et de poésie.

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L’excès de sagesse devient fou, la sagesse n’évite la folie qu’en se mêlant à la folie de la poésie et de l’amour.

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Dès lors nous pouvons assumer avec pleine conscience le destin anthropologique d’homo sapiens-demens, c’est-à-dire ne jamais cesser de faire dialoguer en nous sagesse et folie, hardiesse et prudence, économie et dépense, tempérance et « consumation », détachement et attachement.

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Le mot complexe doit être pris dans son sens littéral : complexus, ce qui est tissé ensemble. L’amour est quelque chose de « un », comme une tapisserie qui est tissée de fils extrêmement divers, et d’origines différentes.

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L’amour à la foi procède de la parole et précède la parole.

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L’amour prend figure dans la rencontre du sacré et du profane, du mythologique et du sexuel. Il sera de plus en plus possible d’avoir l’expérience mystique, extatique, l’expérience du culte, du divin, à travers la relation d’amour avec un autre individu.

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Le cycle de reproduction génétique, qui nous envahit par le sexe, est à la fois quelque chose qui nous possède soudain et que nous possédons : le désir. C’est la première possession. L’autre possession est celle qui naît du sacré, du divin, du religieux. La possession physique qui vient de la vie sexuelle rencontre la possession psychique qui vient de la vie mythologique. Voilà le problème de l’amour : nous sommes doublement possédés et nous possédons ce qui nous possède, le considérant physiquement et mythiquement comme notre bien propre.

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Comme tout ce qui est vivant et tout ce qui est humain, l’amour est soumis au deuxième principe de la thermodynamique qui est un principe de dégradation et de désintégration universel. Mais les êtres vivants vivent de leur propre désintégration en la combattant par la régénération.

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On vit de mort, on meurt de vie. L’amour devrait pouvoir, potentiellement, se régénérer, opérer en lui-même une dialogique entre la prose qui se répand dans la vie quotidienne et la poésie qui donne sève à la vie quotidienne.

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Pousser la raison à ses limites aboutit au délire.

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On ne peut pas vivre sans mythes, et j’inclurai parmi les « mythes » la croyance à l’amour, qui est un des plus nobles et des plus puissants, et peut-être le seul mythe auquel nous devrions nous attacher.

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L’amour peut aller du foudroiement à la dérive. Il possède en lui le sentiment de vérité, mais le sentiment de vérité est à la source de nos erreurs les plus graves.

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Mais la beauté de l’amour, c’est l’interpénétration de la vérité de l’autre en soi, de celle de soi en l’autre, c’est de trouver sa vérité à travers l’altérité.

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Et je terminerai en donnant à la recherche de l’amour la formule de Rimbaud, celle de la recherche d’une vérité qui soit à la fois dans une âme et un corps.

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L’avenir de la poésie est dans sa source même.

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L’homme habite la terre poétiquement et prosaïquement à la fois. (…) Or, dans nos sociétés contemporaines occidentales, une séparation, je dirais même une disjonction s’est opérée entre les deux états, la prose et la poésie.

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Le surréalisme signifie le refus de la poésie de se laisser enfermer dans le poème, c’est-à-dire dans une pure et simple expression littéraire. La poésie trouve sa source dans la vie.

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Le message politique du poète est de dépasser la politique.

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La découverte de notre situation de perdition dans un gigantesque cosmos est venue des découvertes de l’astrophysique. Cela veut dire qu’aujourd’hui un dialogue est possible entre science et poésie, parce que la science nous révèle un univers fabuleusement poétique tout en redécouvrant les problèmes philosophiques capitaux : qu’est-ce que l’homme ? Quelle est sa place ? Quel est son sort ? Que peut-il espérer ?

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Beaucoup d’astrophysiciens pressentent que ce monde de séparation de l’espace et du temps est comme l’écume, l’écume de quelque chose d’autre dans lequel les séparations de l’espace et du temps n’existent plus.

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Le but de la poésie reste tout aussi fondamental, c’est de nous mettre dans un état second, ou plutôt, de faire que l’état second devienne l’état premier. Le but de la poésie est de nous mettre en l’état poétique.

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Il n’y a aucun critère raisonnable de vie raisonnable. A la limite, on peut se demander si manger sainement, vivre sainement, ne pas prendre de risques, ne jamais dépasser la dose prescrite, est vraiment vivre, c’est-à-dire si la vie raisonnable n’est pas une vie démente. N’est-ce pas folie que de vouloir éradiquer la folie ? La vie comporte un minimum de dépense, de gratuité, de « consumation » (Georges Bataille), de déraison. Castoriadis a dit : « L’homme est cet animal fou dont la folie a inventé la raison. »

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Alors, être rationnel, ne serait-ce pas comprendre les limites de la rationalité et de la part de mystère du monde ? La rationalité est un outil merveilleux, mais il y a des choses qui excèdent l’esprit humain. La vie est un mixte d’irrationalisable et de rationalité.

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J’aimerais parler dans le cas de la poésie de ce que Georges Bataille appelait la « consumation », c’est-à-dire le fait de brûler d’un grand feu intérieur, opposé à la consommation, qui est un phénomène de supermarché. Il faut accepter la « consumation », la poésie, la dépense, le gaspillage, une part de folie dans sa vie… et c’est peut-être cela la sagesse. La sagesse ne peut être que mélangée à la folie.

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L’attitude de rationalisation consisterait à dire : Pour ne pas être malheureux, je n’aimerai plus personne, ainsi je n’aurai plus de chagrin. Le Tao-Tö-king dit : « Le malheur marche au bras du bonheur, le bonheur couche au pied du malheur. »

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En ce qui me concerne, j’essaie d’assumer non seulement ma propre dialogique de sapiens-demens, mais aussi la dialogique entre quatre forces qui sont très puissantes en moi, dont aucune n’arrive à dominer les autres et dont j’accepte la coexistence, le dialogue et le conflit. Je veux parler du doute et de la foi, de la rationalité et du mysticisme.

(…)

La sagesse doit savoir qu’elle porte en elle une contradiction : il est fou de vivre trop sagement. Nous devons reconnaître que dans la folie qui est l’amour, il y a la sagesse de l’amour. L’amour de la sagesse – ou philosophie – manque d’amour. L’important dans la vie, c’est l’amour. Avec tous les dangers qu’il comporte.

 

Source : https://unmultiple.wordpress.com/2017/05/12/edgar-morin-amour-poesie-sagesse/


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