Histoire de la sexualité
par bozobe
vendredi 27 mars 2009
La lecture du Tome 1 d’Histoire de la Sexualité a été pour moi un vrai choc intellectuel. En lisant ce livre, j’ai appris énormément de choses sur la société, la sexualité, et une démarche intellectuelle rigoureuse.
Michel Foucault aborde la sexualité de manière iconoclaste : plutôt que de défendre la théorie d’un sexualité réprimée du 17ème au milieu du 20ème siècle, il défend qu’au contraire elle s’est bien portée, qu’elle était animée d’une grande puissance. Comment arrive-t-il à cette conclusion ?
Historiquement, la sexualité a fait l’objet d’intenses études, de la part de l’église à partir du milieu du 17ème, et ensuite de l’ensemble du corps médical. Ce contrôle a culminé dans le « modèle victorien » de la fin du 19ème siècle : la femme idéale est une femme qui ne couche qu’avec son mari, gentiment ; l’homme, lui, peut courir les minettes et les prostituées. Les historiens en avaient conclu que cette époque a connu une répression importante en matière de sexualité. Michel Foucault soutient la thèse contraire.
D’où lui vient cette idée ? Michel Foucault remarque que, suite à la révolution sexuelle, les pays occidentaux sont les seuls au monde à déclarer qu’ils ont une sexualité libre. Le déclarer de manière si franche, si répétée, est un indicateur que la révolution sexuelle n’a pas atteint son but. Comme le remarque l’auteur, « nous sommes la seule civilisation où quelqu’un est payé (un psychologue) pour écouter votre vie sexuelle. ». Si nos sociétés insistent tellement sur cette liberté, c’est peut-être parce qu’il y a une construction sociale autour de la sexualité. Selon l’auteur, c’est la construction sociale de la sexualité qui explique le contrôle qu’ont voulu effectuer sur lui l’église et la médecine. La vie sexuelle d’un individu devient un sujet important pour sa réputation à partir du 17ème siècle, et atteint un pic au tournant du 20ème siècle : la bourgeoisie est la classe qui contrôle sa sexualité, face à une classe ouvrière débauchée.
La répression de la sexualité s’accompagne aussi du développement d’une sexualité qui s’est développée hors de ce contrôle, notamment par le biais de la prostitution. Les lois contre la prostitution sont surtout un moyen pour les gouvernements de contrôler et taxer un commerce juteux, non pour l’éradiquer.
Voici, un résumé assez succinct de ce premier Tome. L’approche est très intéressante, et facile à comprendre. En plus de nous faire mieux comprendre la façon dont nous vivons notre sexualité, ce livre nous offre une grille de lecture pour de nombreuses problématiques contemporaines, comme l’étude de l’individualisme dans nos sociétés. L’auteur rappelle que le concept « individualisme » à différentes époques signifiait des phénomènes différents : parle-t-on de réflexion sur soi, de mise en avant des actions personnelles, ou de séparation de la vie privée et publique ? Les premiers Chrétiens étaient individualistes car leurs prières étaient un intense travail sur soi-même ; les nobles sous Louis XIV étaient individualistes car toute action était notée par le roi et valait promotion, comme une importante victoire militaire ; au tournant du 20ème siècle, les bourgeois étaient individualistes car ils cachaient leur vie privée aux autres.
Ainsi, ce livre offre, de façon succincte – il peut être lu en une après-midi- une approche facile à l’œuvre et la méthode de Michel Foucault. Si l’on devait se rappeler d’une chose, c’est la suivante : si dans les discours, on cherche à condamner un phénomène, et qu’en coulisses on essaie d’en savoir le plus possible sur ce phénomène, c’est qu’on n’essaie pas vraiment de lutter contre ce phénomène, mais de mieux le comprendre pour mieux le maîtriser. En appliquant cette méthode à la sexualité, Michel Foucault a signé un livre qui reste encore d’actualité.