La perception du temps

par L’enfoiré
lundi 15 mars 2010

La question posée par le Science et Vie de février m’intéressait tout particulièrement : "Pourquoi le temps passe de plus en plus vite ?".


Synchroniser les évènements de la vie en commun a toujours été une préoccupation grandissante de l’homme.

Toujours vers plus de précision, l’histoire de la mesure du temps, une histoire sans fin.

Le calcul du temps est devenu même une passion pour les horlogers.

Bien loin le temps du clepsydre antique. Bien loin, le temps astronomique que l’on découvre encore du haut de la Tour Zimmer à Lierre, pas loin de chez moi.

Les horloges atomiques maîtrisent, désormais, le temps à la limite du possible. Dernièrement, il fut même possible de déduire que suite au tremblement de Terre du Chili, la longueur du jour avait changé de manière presque insensible avec la déclivité de la Terre.

Einstein nous avait surpris et fait rêver à l’idée la relativité générale du temps. Peu de monde le comprend encore aujourd’hui. Avec l’idée de la courbure de l’espace-temps pour tenter de l’expliquer, un nouveau coup dans l’eau pour ce citoyen que l’on surnomme de "lambda". Le terrien reste accroché à ses impressions et à ses impossibilités d’assimiler une quelconque distorsion de temps, si ce n’est qu’en suivant les fuseaux horaires d’un contact avec un habitant de notre Terre devenue, récemment, un village. Arbitrairement fixés, ces fuseaux horaires ne font que s’aligner sur la durée du parcours du soleil dans le ciel pendant le jour.

Avec la relativité générale, Einstein passait à une autre échelle de temps, celles des étoiles. Elle n’est pas toujours pas contredite par les scientifiques à cette échelle des galaxies.

Selon lui, deux horloges ne compteraient pas les secondes avec la même durée en fonction de la distance qui les séparent. Temps= x1.x2 divisée par vitesse au carré. Avec certaines déductions, le rêve commençait dans la tête de ce terrien quand il s’imagina vieillir plus ou moins vite en fonction de la vitesse qu’il aurait pris pour se déplacer. Pas question de commencer à croire rajeunir pour retrouver un ami non synchronisé, vieilli et qui n’aurait pas eu la chance de voyager à bord d’un avion supersonique, d’un vaisseau spatial, comme la science fiction nous l’a montré.

La distorsion du temps reste infime et ce n’est qu’à des vitesses de l’ordre de la lumière que les différences sont perceptibles.

La vitesse de la lumière est la base de tous les temps mesurables. A la vitesse de 300.000 kms par seconde, la lumière nous permet d’aller voir, tout à coup, dans les espaces sidéraux vers notre passé en allant à le quête de la lumière que les galaxies ont émise, il y a des milliards d’années. On se rapproche, alors, du moment du Big Bang sans, pourtant, y parvenir complètement.

Tout se corse avec la physique quantique. Celle-ci affirmait carrément, dès 2003, que le temps n’existe pas. Pour dire cela, elle repose sur l’infiniment petit des particules. Quand on se positionne au niveau du milliardième de seconde, en suivant les photons, quel événement passe avant l’autre à cette échelle de l’infiniment petit ? Un chapitre de notre histoire du temps encore à écrire.

Mais, revenons sur Terre, là où il y a le temps dit scientifique et le temps physiologique qui, peut-être, deviendrait même psychologique.

Le temps y est tout aussi variable et dépendant de tellement de différents paramètres très humains sans avoir un rapport direct avec les réalités du chronomètre.

Dans cet univers, ce n’est pas peut-être qu’une illusion, qu’une imagination puisqu’on s’évertue ailleurs à le mesurer avec autant de précision possible. Et pourtant...

Se rendre compte de ce phénomène de la perception de l’âge en fonction de l’âge ou en fonction de l’occupation que l’on en fait., qui ne l’a pas fait ? Voilà, qu’on analysait cela pour en donner des raisons scientifiques. Relatif ce temps qui s’occupe nos heures, nos minutes en fonction de l’avancée en âge de ces habitants chronométreurs de précision, un comble. Le fait de prendre conscience du temps en le comptant et il prend tout à coup une longueur, une épaisseur même. Les neurosciences se chargent, cette fois, d’étudier cette variation de perception.

Les différences d’échelles de temps compliquent le processus d’ajustement avec la réalité du temps qui passe. Sur la route, estimer correctement la seconde avec le véhicule qui précède, en comptant mentalement les "crocodiles", sont connus comme des chronomètres mentaux. Comment, sans montre, estimer une heure ou pire évaluer la durée d’un jour complet de 24 heures sans le concours du soleil, est encore plus difficile. Des expériences dans des grottes ont prouvé que l’imprécision est importante. Dans un autre sens du temps, ne parlons même pas de ce qui est inférieur à la seconde.

C’est clair, comme pour la lumière qui ne nous permet de percevoir qu’une partie des longueurs d’onde, estimer la longueur du temps sans un outil comme le chronomètre, est loin d’être constant de personne à personne.

Dans sa généralité, le temps s’accélère en fonction de l’avancée en âge. Cette remarque date déjà de 1892, avec le psychologue William James. Les semaines, les mois, les années se dégraissent de leurs jours devenus plus courts en fonction de la fraction d’une vie qu’ils représentent. L’expérience grandissante pousse à perdre les repérages du temps, des "milestones", des points d’appui, deviennent plus que des étapes du vécu. Les anniversaires ne sont plus qu’une répétition pour s’amalgamer. Ils perdent leur efficacité de l’exception et ne donnent même plus l’envie d’entrer une mémoire déjà trop chargée d’événements. Dater ceux-ci devient vite un exercice de tous les erreurs. Une existence de 0 à 18 mois et la perception du temps reste au niveau des secondes. De 2 à 4 ans, le jeune identifie les différents repas de la journée comme référence. De 4 à 6 ans, ce sont les jours de la semaine. Vers 8 ans, les 12 mois sont évalués bien mieux parce qu’il est important à plus d’un titre. L’adolescent compte en années sans problèmes. Dès le 3ème âge, les durées s’émoussent et les dates disparaissent du passé.

Parfois, les événements sont considérés faussement proches par les plus jeunes ou au contraire, comme très lointains pour les plus vieux qui additionnent trop d’événements en même temps pour établir une chronologie entre eux. L’inverse est tout aussi possible et aboutirait aux mêmes conclusions en s’apercevant dans l’erreur que le temps est passé trop vite. Passer à l’évaluation du temps instantané va permettre d’éluder cette ambiguïté. En 1996, Peter Mangan demande à deux groupes d’âge opposés d’évaluer des tranches de 3 minutes écoulées sans aide mentale ou chronométrée. Les plus âgés dépasseront le temps réel. Sous-estimation des durées passées, mais pas toujours. La sensibilité aux temps s’émousse et le nombre des erreurs dans l’évaluation, l’amplitude des erreurs augmente. Le calcul du temps ne fait plus partie de des préoccupations de la personne âgée car l’attention s’étiole pour suivre l’horloge interne de l’ensemble du fonctionnement cérébral.

Un "modèle métaphorique" reste la meilleure interprétation de ce qui se passe comme le pense, Viviane Puthas, directrice de recherches au Laboratoire de neurosciences cognitives et imagerie cérébrale du CNRS, révélées par l’imagerie cérébrale. Un oscillateur à rythme variable, un accumulateur de la mémoire et du comparateur qui évalue la différence entre les deux, contrecarré par l’interrupteur des distractions. Le rythme biologique, comme les battements du cœur, l’alternance jour-nuit, l’horloge interne ne permettent pas d’annoncer un lien entre eux. Si l’excitation d’un sujet, quand sa température augmente, suite à l’emprise d’une émotion, le temps pousse sur l’accélérateur dans nos pensées parce que l’"horloge" va très vite, pas de lien direct avec le vieillissement. L’attention est déterminante dans la perception du temps. Concentré et l’interrupteur physiologique est ouvert pour autre chose que pour le calcul du temps. La mère de John Wearden lui disait "les jours semblent n’en plus finir, mais les mois passent très vite". Le temps perçu rétrospectivement, les inférences en relation avec les événements récents du passé prennent toute leur importance.

Des expériences sur les singes ont prouvé que certains neurones du cerveau, les "métronomes", se répartissent le travail de calcul et mémorisation du temps.

Exciter ou calmer le rythme des communications se ressent subjectivement par l’activité d’un "métronome" qui modifie le taux de la dopamine. Mémoriser les durées dépend de la quantité d’acétylcholine dans les neurones du cortex frontal. Élevé, cela voudra dire que le temps subjectif passe plus vite suite aux impulsions accélérées encodées en mémoire.

Si on ajoute la chimie au temps, cela se corse encore une fois. Le café, l’alcool, le tabac apportent une nouvelle complexité et perturbent l’équilibre subtil des neurones habilités à transmettre leurs informations. Le cannabis, par exemple, accélère l’instant mais se perd dans la précision de son estimation.

Des recherches de candidats testeurs d’estimation de la perception du temps terminaient l’article. Le but était d’estimer le temps à sa bonne mesure. Les candidats à l’expertise auront-ils le temps de le contrôler ? Rien n’est moins sûr..

Le temps, c’est vrai, est un ami dans les moments de joie, un ennemi dans les moments difficiles ?

J’écrivais, il y a cinq ans déjà, "Juste un coup de frein" avec une certaine philosophie de la nostalgie. Je tentais d’ajouter un frein à ce temps qui passe décidément trop vite. En disposer toujours un peu sous le pied, est tout un programme très personnel.

Le documentaire, la machine à voyager dans le temps, inspirait beaucoup de réflexions.

Retour à l’instant présent puisque tout le temps passé reste tellement relatif.

Quant à "Back to the future", réservons-le à notre imagination.

 

Je dédie ce billet à Jean Ferrat, lui qui ne voyait pas le temps passé mais qui ne chantait pas " pour passer le temps". Il nous reste tellement de beaux souvenirs de lui dans un temps infini. 

 

 

L’enfoiré,

 

Citations :

  • "Avoir du pouvoir, c’est contrôler le temps des autres le sien propre, le temps du présent et celui de l’avenir, le temps du passé et celui des mythes.", Jacques Attali

  • "Le temps est au début et à la fin de chaque vie humaine, et chaque homme a son temps, son temps différent.", Thomas Wolfe

  • "Depuis qu’on calcule le temps olympique en millièmes de secondes, un type qui a un grand nez a plus de chances que les autres.", Philippe Geluck

  • "Comme l’éternité doit sembler longue, surtout vers la fin", Woody Allen

 

 


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