La résurrection de Lazare dans l’Evangile de Jean

par Emile Mourey
lundi 31 mars 2008

Voila bien le récit le plus controversé des Evangiles qui fait se diviser nos contemporains. Tandis que les uns ironisent, les autres regrettent les temps bénis où l’on ne se posait pas toutes ces questions. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les ouvrages de plus en plus nombreux que les maisons d’édition publient sur Jésus. Or, le débat est forcément faussé pour la simple raison que les intervenants appuient leurs certitudes et leurs raisonnements sur des traductions imparfaites d’un texte original hébreu qui, comme l’explique le professeur Tresmontant, ne nous est pas parvenu. A cela s’ajoute la confusion qu’entretiennent les exégètes. Contrairement à tout ce qui a été dit, les Evangiles ont été écrits ainsi dès l’origine et la plus grande erreur qu’on puisse faire serait de sous-estimer l’intelligence de leurs auteurs. Le problème est qu’ils ne pensaient pas comme nous, aujourd’hui, nous pensons et qu’ils n’écrivaient pas comme nous, aujourd’hui, nous écrivons.

« Le village de Béthanie était proche de Jérusalem, à environ quinze stades (moins de 3 km, Jn 11, 18). C’était le village de Marie et de Marthe, sa sœur.  » (Jn 11, 1)
Etymologiquement, Béthanie signifie la maison d’Anne. Suivant mon interprétation que j’ai développée par ailleurs, Anne est la vieille population juive qui, dans le protévangile de Jacques, est restée fidèle aux Juifs déportés à Babylone et qui les a accueillis à leur retour (première dispersion). Marie est la jeune population qui a soutenu ses prêtres lors de l’affaire de l’aigle d’or et qui, après la répression d’Hérode de l’an - 4, a dû s’exiler (deuxième dispersion). Marthe est la population qui l’a accueillie (cf. mon Histoire du Christ, tome 1, chapitre 18). |left>

« Jésus aimait Marthe, et sa sœur, et Lazare.  » (Jn 11, 5)
Ouvrons le Dictionnaire du Nouveau Testament de Xavier Léon-Dufour. Nous y lisons : Lazare, en grec Lazaros, de l’hébreu èl âzâr. Ouvrons la Bible. Nous y lisons : « Yahvé dit à Moïse : "Prends Ieschoua (Josué) - l’esprit est en lui -. Pose tes mains sur lui. Dis-lui de se mettre debout face au grand prêtre Eléazar, devant tout le peuple rassemblé. Puis, de façon que tout le monde voie, donne-lui tes ordres afin de lui transmettre de ton autorité sur les fils d’Israël." Eléazar, le prêtre, demandera alors à Yahvé de faire connaître sa décision par la voie de l’oracle. Quand cela sera fait, les fils d’Israël se mettront sous les ordres de Ieschoua (Josué). Il leur donnera l’ordre d’entrer et il leur donnera l’ordre de sortir. » (Nbre 27, 16-23). C’est ainsi que se déroula la cérémonie de transmission des pouvoirs entre Moïse et Josué.

Que l’on compare maintenant le texte de l’Ancien Testament au miracle de la résurrection de Lazare. Ieschoua (Jésus) se rend devant le tombeau où repose Lazare (en hébreu : Eléazar). Toute la communauté est présente. Ieschoua lève son regard vers le ciel comme pour demander au Père de lui donner un peu de son autorité. Puis, il le remercie d’avoir exaucé sa demande, c’est-à-dire de lui avoir accordé le pouvoir sur les fils d’Israël pour les faire entrer ou sortir du tombeau. « Ieschoua ordonne alors : "Eléazar, viens... sors !" » (Jn 11, 1-44)

Flavius Josèphe écrit que de son temps, on voyait encore le tombeau du grand prêtre Eléazar à Gabata. Où se trouve Gabata ? Personne n’a pu me le dire. Mais si Gabata et Béthanie sont une même localité, ce n’est pas un Lazare inconnu qui est sorti du tombeau, mais le grand prêtre Eléazar de l’Ancien Testament en personne, avec toute sa semence, c’est-à-dire avec toute sa descendance spirituelle jusqu’aux maîtres de la parole transpercés ou brûlés vifs par Hérode le Grand en l’an - 4.

La parabole de la résurrection de Lazare/Eléazar est un véritable appel à l’insurrection que l’Evangile de Jean lance par Jésus interposé aux Juifs en exil, et en particulier aux victimes de la tyrannie d’Hérode. Il demande tout simplement au grand prêtre Eléazar - aux prêtres que ce dernier a spirituellement engendrés - de ressusciter, de sortir du tombeau, véritable miracle. Il demande au clergé en exil, issu de la semence spirituelle du grand prêtre Eléazar, de prendre, en Judée, la tête du mouvement insurrectionnel.

« Lorsque le Salut de Yahvé (Iechoua/Jésus) s’était annoncé, Marthe avait aussitôt prévenu sa jeune sœur Marie et celle-ci s’était levée bien vite. Elle était tombée aux pieds du Salut de Yahvé et elle lui avait dit : "Seigneur, si tu avais été là, mon frère Lazare (les maîtres de la parole exécutés par Hérode avec leurs séminaristes en l’an - 4) serait toujours là." Et tous les Juifs pleuraient avec elle. Jésus avait été troublé dans son esprit. Il avait grondé en lui-même (contre le pouvoir hérodien) et il avait pleuré (sur la jeunesse assassinée par Hérode). Les Juifs disaient : "Voyez comme ils étaient aimés." » (Jn 11, 20-36). Il faut, en effet, se rappeler que lors de l’affaire de l’aigle d’or, Yahvé n’était pas intervenu pour sauver les prêtres de la fureur d’Hérode ce qui pouvait laisser supposer qu’ils n’étaient plus aimés.

Dès lors qu’on a compris que la résurrection de Lazare est un appel au soulèvement, ou plutôt au réveil d’une opposition politique contre le pouvoir des fils d’Hérode, la logique de l’Histoire s’impose à l’esprit.

A Béthanie, la foule afflue de toutes parts pour assister à la cérémonie du sacre. Suivant l’exemple des rois d’Israël, Jésus reçoit l’onction sainte que lui répand sur les pieds Marie, la Jérusalem exilée. Le conseil nazaréen de la révolution - dans lequel Jésus fait ses oeuvres, comme Yahvé fait ses oeuvres dans le peuple élu - le conseil nazaréen clandestin, dis-je, est rassemblé autour de la table. Les prêtres (Lazare), relevés par Jésus, sont présents. La cité d’accueil (Marthe) où s’est installé le siège du gouvernement théocratique provisoire sert les convives (Jn 12, 1-3).

A Jérusalem, les grands prêtres au pouvoir, inquiets de ce tumulte, tiennent conseil. Ils décident d’étouffer dans l’œuf la tentative d’insurrection et pour cela de tuer encore une fois Lazare (Jn 12, 10).

Mais le Salut de Yahvé prend de vitesse les Pharisiens. Aucune lance, aucune flèche, aucun obstacle ne peut arrêter le souffle de la liberté qui s’engouffre dans la ville. L’esprit et la parole de Yahvé (Ieschoua/Jésus) se répand dans le peuple. On brandit des rameaux de palmiers et on s’écrie : « Hosanna ! » (Jn 12, 12-13)

Le Sanhédrin se rend compte qu’il n’est plus maître de la situation. Tout dépend de l’attitude que vont prendre les Hellénistes qui sont dans la ville.

Mais voilà que le Salut de Yahvé vient à eux et leur dit : « L’heure est venue de choisir entre le pouvoir impie et le pouvoir (essénien) des justes. L’heure est venue de conduire une autre politique : celle qui élève l’homme vers Dieu. Que ceux qui ont peur sachent qu’en voulant conserver la vie dans le déshonneur, en réalité ils la perdent. Quant à ceux qui perdront la vie en me suivant, ils gagneront la vie éternelle. » (Jn 12, 25)

A ce moment-là, Jésus sent tressaillir en lui tous les martyrs du prochain combat. Troublé, il lève son regard vers le Père et lui dit : «  Père, sauve-moi dans cette heure ! car l’heure pour laquelle je suis là est maintenant arrivée. Que ton nom soit glorifié !  »

Du haut du ciel, une voix descend qui dit : «  Ainsi qu’il a déjà été glorifié (par le sacrifice des maîtres de la parole, de la jeunesse et par la grande manifestation qui suivit en l’an - 4), ainsi il doit être de nouveau glorifié. »
La foule croyait que c’était un coup de tonnerre, mais Jésus lui dit : « Ce n’est pas à moi que la voix s’est adressée mais à vous. Il vous appartient de choisir : ou bien vous me suivez en masse, ou bien vous ne me suivez pas. Mais sachez qu’à ceux qui me suivront, je promets quoi qu’il arrive, la vie éternelle. » (Jn 12, 27-32)

Bref, c’est une grande manifestation populaire que voulait déclencher, à Jérusalem même, le conseil nazaréen dans lequel Jésus faisait ses oeuvres. Cette grande manifestation a-t-elle atteint son objectif ? Tout porte à croire que non. Flavius Josèphe n’en parle pas. Le grand prêtre Caïphe envisage tranquillement la condamnation à mort de Jésus (Jn 11, 50). Et le texte évangélique conclut : «  Bien qu’il ait fait tant de choses devant eux, ils ne croyaient pas en lui.  » (Jn 11, 37).

Au IVe siècle, les Gaulois du pays éduen comprenaient encore assez bien le sens de la parabole. Revenus en Palestine dans la suite de l’impératrice Hélène, c’est une étonnante scène qu’ils ont sculptée sur la façade de l’église du Saint-Sépulcre.

Le messie annoncé par Jean, voici qu’il est arrivé à Jérusalem. Le Christ de Gourdon, de Chalon et d’Autun a ouvert le livre des Ecritures. Il fait le signe que les Esséniens avaient dit qu’il ferait pour se faire reconnaître. Le clergé bien vivant de la dispora de Bibracte a ouvert la tombe de Lazare. Hélas, Lazare sentait mauvais. A genoux, aux pieds du Christ éduen, la vieille Jérusalem implore le sauveur et lui demande de ressusciter son clergé. Cette sculpture appartient au style des monuments éduens.


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