Maurice-Ruben Hayoun, Franz Rosenzweig, une introduction

par Robin Guilloux
samedi 3 septembre 2016

Maurice-Ruben Hayoun, Franz Rosenzweig, une introduction, Pocket, Editions Agora, 2016

Table des matières :

Remerciements

Introduction

1. La perplexité d'un destin paradoxal - 2. L'héritage de Moise Mendelssohn - 3. Herman Cohen, l'autorité morale et intellectuelle d'un grand philosophe - 4. Martin Buber, le collaborateur et l'ami le plus proche de Rosenzweig - 5.Léo Baeck et son essence du judaïsme (1905,1922) - 6. Franz Rosensweig, un intellectuel germanique ? Luther, Goethe, Hegel, Schelling et Hölderlin.

Chapitre I. La crise spirituelle et l'amitié avec Eugen et Margrit Rosenstock-Huessy

1. La nuit du 7 juillet 1913 : Franz Rosenzweig et E. Rosenstock-Huessy - 2. Franz Rosenzweig et E.Rosenstock-Huessy cinquante ans après - 3. Le sens véritable de ce dialogue entre un juif et un chrétien - 4. Les lettres à Margit Rosenstock-Huessy -

Chapitre II. La (re)naissance d'une vocation juive

1. Le désastre de la Première Guerre mondiale - 2. Romain Rolland (1866-1944) et Stefan Zweig (1881-1942) : deux humanistes face à la barbarie de la Première Guerre Mondiale - 3. La faillite de la culture européenne : une identié juive-refuge ? - 4. Franz Rosenzweig et Friedrich Meinecke - 5. La création du Freies Jüdisches Lehraus de Francfort-sur-le-Main - 6. La parution de L'Etoile de la Rédemption en 1921 : critique de l'idéalisme allemand - 7. L'Etoile de la Rédemption, une oeuvre juive ? - 8. Rosenzweig et le sionisme.

Chapitre III. Franz Rosenzweig en tant qu'éducateur

1. La méthode interactive du Freies Jüdisches Lehraus : témoignages - 2. "Il est grand temps" (Zeit ist) - 1918 : Lettre ouverte à Hermann Cohen - 3. Le nouveau Lernen (l'enseignement traditionnel remis au goût du jour) - 1920 - 4. La culture à l'infini : (Bildung und Keine Ende) - 1920. Lettre ouverte à Edouard Strauss - 5. "Les Bâtisseurs" (Die Baleute) - 1923, Lettre ouverte à Martin Buber - 6. "Le Nouveau Penser" (Das neue Denken) - 1925

Chapitre IV. Franz Rosenzweig, un génie traducteur

1. La Bible hébraïque en allemand par Martin Luther - 2. La traduction de la Bible hébraïque avec Martin Buber - L'approche bubérienne et rosensweigienne de la traduction biblique - Le lien architectonique et les mots-clés - Redécouvrir le sens fondamental des termes bibliques - 3. La traduction de Buber-Rosenzweig : une rétrospective - 4. La découverte des poésies médiévales de Jehuda Halevi, l'auteur du Cusari - 5. Le langage : Rosenzweig et Johann Georg Hamann (1730-1788)

Chapitre V. L'Etoile de la rédemption une oeuvre de Religionsphilosophie

1. L'angoisse face à la mort - 2. L'individu vivant et concret au centre de la philosophie - 3. Les Weltater (Ages du monde) de Schelling et les thèmes de la kabbale lourianique - 4. Les trois catégories fondamentales de L'Etoile de la Rédemption - 5. Qu'est-ce que la Vérité ?

Chapitre VI. Le christianisme et le judaïsme

1. La conversion manquée et ses répercussions dans l'âme de Rosenzweig - 2. L'emprise de la réligion chrétienne sur la culture germanique - 3. Qu'est-ce qui sépare le judaïsme du christianisme ? - 4. Si la vérité est une, quelle religion l'emporte sur l'autre ? - 5. La part résiduelle du paganisme dans le christianisme

Chapitre VII. Un philosophe en rupture avec son temps

1. Rosensweig et Geshom Scholem à propos de la langue hébraïque : Franz Rosensweig (1925) et Gershom Scholem (1927) sur la sacralité de la langue hébraïque - L'hébreu, langue sacrée ou langue parlée de tous les jours ? - Du côté de Franz Rosensweig - Gershom Scholem à Franz Rosensweig... Confession au sujet de notre langue (1927) - 2. Rosenzweig et ses cousins Hans et Rudolf Ehrenberg - 3. Rosenzweig et Viktor von Weizsäcker - 4. Franz Rosenzweig et Martin Heidegger

Chapitre VIII. Le livret sur l'entendement sain et malsain

1. Une oeuvre posthume publiée par Nahum Norman Glatzer - 2. Le discours symbolique du Livret sur l'entendement sain et malsain - 3. La mort de Franz Rosenzweig

Chapitre IX. Rosenzweig et le peuple juif

1. Le reste d'israël (shéérit Israël) - 2. L'avenir du judaïsme - 3. temporalité et éternité du peuple juif - 4. Le sionisme, meilleur rempart contre l'assimilation ? - 5. Rosenzweig et les juifs de l'Est (Ostjuden) - 6. Rosenzweig et les séfarades d'Europe

La postérité de la pensée de Franz Rosenzweig - Des oeuvres de Franz Rosenzweig - Annexes - Glossaire

Philosophe et écrivain, docteur ès Lettres, Maurice-Ruben Hayoun est spécialiste de la philosophie médiévale juive et de la pensée judéo-allemande moderne. L'Académie des sciences morales et politiques lui a décerné le prix Gegner 1995 pour son oeuvre sur le philosophie judéo-andalou Maïmonide (Lattès, 1994). La Tribune de Genève, le Huffington Post et Le Figaro accueillent régulièrement ses contributions portant sur l'histoire des religions, l'islam, la judaïsme et la laïcité. Germaniste, hébraïsant et philosophe, il est l'auteur de nombreux ouvrages de référence dans ces deux domaines, dont Les Lumières de Cordoue à Berlin  : une histoire intellectuelle du judaïsme (2008), L'identité juive et la culture européenne : sachons préserver notre héritage commun (2010), Le Zohar, aux origines de la mystique juive (2012), Martin Buber, une introduction (2013) et Franz Rosenzweig, une introduction (2016), qui ont tous paru dans la collection "Agora" des éditions Pocket.

Franz Rosenzweig (1886-1929), grand philosophe judéo-allemand, découvrit la nature profonde de sa religion alors qu’il s’apprêtait à la quitter pour rejoindre le protestantisme auquel nombre de ses proches et amis s’étaient déjà convertis. Il rédigea dans les tranchées l’œuvre philosophique la plus marquante de son époque, L’Étoile de la rédemption, publiée en 1921, qui a inspiré la quasi-totalité des philosophes juifs qui lui ont succédé, à commencer par Emmanuel Levinas. Aucun autre philosophe juif n’est allé aussi loin que Rosenzweig dans le rapprochement avec le christianisme. "Juifs et chrétiens, écrit-il, sont les deux visages d’une même vérité, et Dieu a besoin des deux… Quant à la vérité, Dieu en est le seul tenant." Cet ouvrage est le premier à entrelacer la vie et la pensée de ce grand pédagogue et remarquable éducateur. Cette pensée a été qualifiée par Paul Ricœur de "théologie philosophante".

Notes de lecture :

L'ouvrage de Maurice-Ruben Hayoun permet de mieux comprendre la genèse de l'oeuvre philosophique le plus marquante du XXème siècle, "l'une des plus ardues de toute l'histoire de la philosophie, une de celles dont on peut dire que ce n'est pas parce qu'on les a lues qu'on les a comprise. " (Gershom Scholem) : L'Etoile de la Rédemption (Der Stern der Erlösung) de Franz Rosenzweig et de favoriser ainsi l'accès pour le lecteur même non spécialiste à une pensée réputée difficile.

M.-R. Hayoun montre que ce monument de la pensée juive contemporaine (Religionsphilosophie) n'est pas "un météore surgi "d'on ne sait où"...

Note :

L'Étoile de la Rédemption (Der Stern der Erlösung) est une œuvre du philosophe allemand Franz Rosenzweig, parue en 1921. Rosenzweig a commencé à écrire L'Étoile de la Rédemption dans les tranchées, durant la Première Guerre mondiale, sur des cartes postales envoyées à sa famille, entre juillet 1918 et février 1919. "Le traumatisme originel fut ici celui de la Première Guerre mondiale. Pour Rosenzweig, elle marque la fin d'une civilisation fondée sur la croyance en un ordre rationnel", selon Stéphane Mosès. "Mais c’est paradoxalement sur les décombres de la raison historique que l’espérance peut reprendre son essor". L’ouvrage eut un retentissement considérable sur l’intelligentsia allemande de l’entre-deux-guerres, notamment sur Martin Heidegger, Walter Benjamin et Gershom Scholem. Il a exercé une profonde influence sur la pensée d’Emmanuel Levinas. L’ouvrage est resté peu connu en France jusque dans les années 1980. Bernard-Henri Lévy fut l’un des premiers philosophes à signaler son importance dans la pensée contemporaine. À sa suite, une nouvelle génération d’intellectuels, notamment Stéphane Mosès, Benny Lévy, Jean-Claude Milner, etc., lui ont reconnu un rôle fondamental dans l’histoire du judaïsme au XXème siècle siècle et celle de la philosophie. « Le judaïsme, dans la compréhension phénoménologique que Rosenzweig en a livré, souligne Bernard-Henri Lévy, ce n’est pas une identité biologique ; ce n’est pas seulement une identité religieuse et communautaire ; ce n’est évidemment pas une identité seulement nationale ; c’est une identité qui existe par l’étude et qui procède de l’étude".

Maurice-Ruben Hayoun étudie les influences des penseurs juifs et non-juifs sur Franz Rosenzweig : l'héritage du principal représentant du judaïsme des Lumières (la "Haskala"), le contemporain d'Emmanuel Kant, Moïse Mendelssohn, l'autorité morale et intellectuelle d'Hermann Cohen, la collaboration et l'amitié avec Martin Buber, l'auteur de Je et Tu (Ich und Du) avec lequel Rosenzweig traduira la Torah en allemand, la controverse avec Léo Beck et s'interroge sur la part de judéité et de germanité dans la pensée de Rosenzweig - sur la conjonction de coordination "ET" dans l'expression "germanité ET judéité - sur l'influence de Luther, de Goethe, de Hegel, auquel l'auteur de l'Etoile de la Rédemption consacra sa thèse de doctorat, "Hegel et l'Etat", publiée en 1920, sous la direction du célèbre historien allemand Friedriech Meinecke (1862-1954), de Schelling et de Hölderlin.

M.-R. Hayoun souligne fortement l'enracinement existentiel de la pensée de F. Rosenzweig : les amitiés marquantes - notamment avec Rosenstock-Huerti, converti au protestantisme et qui chercha et parvint presque à convertir Rosenzweig à son tour, l'importance du dialogue, l'expérience des tranchées et de la proximité de la mort durant la première guerre mondiale qui soustraya Rosenzweig à l'influence de Hegel, ou du moins à l'idée que la Raison (Vernunft) est à l'oeuvre dans l'histoire humaine et qu'il y a une liaison nécessaire, en acte ou en puissance, entre le rationnel et le réel.

L'auteur consacre le premier chapitre de son ouvrage à l'amitié entre Franz Rosenzweig et Eugen Rosenstock-Huessy, décédé une cinquantaine d'années après Rosenzweig aux Etats-Unis, dans le Maine où il avait émigré au moment de la montée du nazisme et avec son épouse Margit Rosenstock-Huessy avec laquelle Rosenzweig échangea une longue et abondante correspondance.

Evoquant la crise spirituelle de Rosenzweig et la conversation avec Eugen Rosenstock, durant la nuit du 7 juillet 1913 où l'auteur de l'Etoile de la Rédemption faillit se convertir au christianisme. Maurice-Ruben Hayoun montre l'influence déterminante de cette amitié entre Franz, Eugen et Margit sur l'Etoile de la Rédemption, sur son itinéraire spirituel, sur sa "tentation chrétienne" et sa décision finale de rester fidèle au judaïsme et sur la manière dont il conçoit les liens entre christianisme et judaïsme : "Juifs et chrétiens sont les deux visages d’une même vérité, et Dieu a besoin des deux… Quant : à la vérité, Dieu en est le seul tenant."

Note : "on se souvient que l'un de ses amis, l'historien médiéviste Eugène Rosenstock, lors d'une longue nuit de débats passionnés, enjoignit à Rosenzweig de suivre son exemple, car "il était apte, selon lui, à apporter des réponses aux questions qu'il se posait". Durant le mois de juillet à octobre de cette même année 1913, Rosenzweig était prêt à se faire chrétien. Après avoir assisté à un office de Kippour, il décida de rester ce qu'il était : un Juif." (pp.110-111)

La dimension tragique de la guerre, l'effondrement du lien éthique l'expérience de l'absurde... convainquirent Franz Rosenzweig que face à la faillite de la culture européenne qui se manifeste dans la Première Guerre Mondiale, le judaïsme messianique (tournée vers le futur plutôt que vers le présent) et "anhistorique" (refusant de faire de l'histoire le lieu de déploiement de l'absolu) pourrait constituer un refuge contre les prétentions totalisantes (et virtuellement totalitaires) d'une certaine pensée allemande et même chrétienne, alors que, selon M.-R. Hayoun le christianisme, dans son essence, partage avec le judaïsme un même refus d'idolâtrer l'histoire et le présent : "L'idée juive de l'élection n'est autre que l'unicité d'un peuple qui se soustrait au déterminisme de l'Histoire pour vivre par anticipation l'utopie de la rédemption." (p.79)

Cette méfiance devant l'idéalisation hégelienne de l'Etat, que Rosenzweig se garde bien pourtant de confondre avec la conception bismarkienne qui, contrairement à celle de Hegel, ne doit par grand chose à la Révolution française, au Contrat social de Rousseau et au concept de "liberté", l'Etat bismarkien privilégiant la force comme ciment du lien social, explique, selon M.-R. Hayoun l'antisionisme de Rosenzweig : "C'est ce qui est advenu de l'Etat de Hegel entre les mains de Bismarck et de ses successeurs (F.R. n'a pas vécu assez longtemps pour assister à la l'accession des nationaux-socialistes au pouvoir et à la Shoa) qui alimenta l'antisionisme de Rosenzweig." ... ce dernier considérant que la force (la volonté de puissance de l'Etat) a toujours tendance à l'emporter sur la liberté et que les juifs ne peuvent pas à la fois se doter d'un Etat et répondre à leur vocation messianique, dilemme qui conserve toute son actualité.

A la suite de la crise de 1913, Rosenzweig renonce à la prometteuse carrière d'historien qui s'offre à lui au sein de l'université allemande pour créer après la guerre la Freies Jüdisches Lehrhaus (maison ou institut libre d'études juive) à Francfort-sur-le-Main, avec, selon M.-R. Ayoun, "L'ambition simple mais colossale de sauver sa communauté de la disparition (spirituelle)". (p.116)

Maurice-Ruben Hayoun propose des clés d'accès à "l'opus magnus" de Franz Rosenzweig : L'étoile de la Rédemption, en allemand Der Stern der Erlösung, en hébreu Khokhav ha-Guéoula, "l'une des oeuvres les plus ardues de toute l'histoire de la philosophie" (Gershom Scholem).

Hayoun qualifie l'ouvrage de Rosenzweig de "livre génial mais étrange, qui tranche par rapport à tout ce qui l'a précédé" (p.125)

"Rosenzweig propose le "Nouveau Penser" qui poursuit la connaissance de Dieu, du monde et du soi dans leurs interrelations, et ce à partir du point de vue de l'être humain au sein du temps." (p.127)

"Rosenzweig fonde un nouveau système qui s'articule autour de trois pôles : création, révélation et rédemption. Selon l'auteur, la création est notre expérience des choses d'un monde qui nous prééxiste. La révélation est notre expérience d'être appelé à devenir un moi, un sujet autonome. Et la rédemption est notre expérience du but ultime que nous partageons avec tous les êtres crées. C'est la vocation que le divin assigne à l'humain." (p.128)

"L'Etoile de la rédemption est une oeuvre aux multiples facettes. Elle illustre bien la fusion entre la philosophie et la théologie, censée être réalisée par le Nouveau Penser. Judaïsme et christianisme ont des formes communes dont les institutions et le calendrier liturgique introduisent l'éternité dans la temporalité." (p.129)

"L'Etoile de la rédemption est divisée en trois parts subdivisées en trois livres. Cette oeuvre est d'une lecture difficile et d'une élucidation malaisée. Rosenzweig semble en avoir été conscient puisqu'il donne une introduction avant chaque partie. La première partie présente les genres fondamentaux de l'être : Dieu, le monde et le moi : tels sont les éléments constitutifs du système. la seconde partie adopte la manière de communication entre ces trois niveaux pour parvenir à l'unité." (p.129)

"Mais dès le début de L'Etoile de la Rédemption on se trouve face à l'idée de la mort et à des considérations sur la nature mortelle de l'homme dont la spécificité irréductible conduit le tout, que la philosophie prétend connaître, à se diviser en trois parties fondamentales, indépendantes les unes des autres : Dieu, le monde et l'homme." (ibidem)

"La peur de la mort est à l'origine de la conscience de la fracture fondamentale entre le soi et le monde de l'être qui avait tant intrigué le jeune Rosenzweig au cours de ses années d'étude. C'est dans cette appréhension de la mort que l'individu ressent sa coupure d'avec le monde. L'homme se trouve confronté au dilemme suivant : mon JE sera un jour un CELA si je meurs. La réconciliation du moi et du monde n'est possible qu'avec la complétude du tout à travers la rédemption." (p.130)

"Dans la seconde partie de L'Etoile de la Rédemption, les catégories théologiques jouent un rôle majeur. Les trois notions fondamentales (le Monde, le Moi et Dieu) réussissent à accomplir ce que les philosophes se promettaient de faire. La création implique que Dieu entre en relation avec le monde. La révélation marque l'entrée en contact de Dieu avec le Moi individuel de chacun. La rédemption signifie une relation d'amour, d'apaisement et de reconciliation avec le monde." (p.131)

"L'auteur résume sa pensée de la manière suivante : la philosophie est témoin de la traduction concrète de ses constructions abstraites dans le témoignage qu'offre la théologie de la réalité ; et la théologie, quant à elle, trouve dans la philosophie les possibilités qui lui permettent de rendre compte de cette même réalité. Ce sont ces relations réciproques entre la philosophie et la théologie qui illustrent le mieux l'essence du Nouveau Penser." (p.132)

"Mais si L'Etoile de la Rédemption s'ouvre sur d'angoissantes réflexions sur la mort, elle se termine sur une note nettement plus optimiste : les portes du sanctuaire d'ouvrent, donnant accès à la vie." (ibidem)

Citations :

"Le fil ténu de la tradition parvenue jusqu'à moi (Yom Kippour, la soirée du séder, la Bar-mitsva) - car je n'ai pris conscience des prières du vendredi soir qu'à l'âge d'étudiant - est pourtant devenu le lien autour duquel tout a pu s'agréger." (Franz Rosensweig, Gesammelte Schriften I, p.1197, cité p.9, dans l' introduction : "Un philosophe-théologien en son temps")

"Mon arrière-grand-père, Samuel Meyer Ehrenberg, dont Zunz et moi furent les élèves, a le même lien de parenté avec mes cousins et cousines Ehrenberg. Jadis, cela m'avait fait forte impression. Et si je n'ai pas voulu jeter la manche après la cognée, ni dans un sens ni dans un autre (à savoir soit devenir sioniste, soit me faire chrétien), il me fallut réfléchir sérieusement à la manière d'amender et de sécuriser la voie médiane (la conjonction de coordination ET entre germanité et judéité) pour la parcourir enfin en toute sécurité... Et le peu que j'ai réussi à sauver je le dois à mon (grand) oncle Adam Rosenzweig ; grâce à lui, et à lui seul, je parvins à me faire une idée de ce que je nomme le monde juif et à en trouver l'accès. Ce sont là les rares impressions, certes peu nombreuses mais pourtant suffisantes qui me servirent de refuge et de source de jouvence afin de résister aux puissantes pressions d'un univers qui nie l'existence ou, au moins, le droit à l'existence de ce précieux patrimoine. Peut-être un peu plus que la plupart de ceux qui, comme vous et moi, sont demeurés fidèles au judaïsme, je pris conscience de la puissance et de la valeur propre des attaques dirigées contre le judaïsme qui s'était, en toute confiance, aventuré très près de la germanité par le biais de ce ET." (Lettre du 16 janvier 1918 à Hélène Sommer in Franz Rosenzweig, GS. 1, p.505, citée p.10)

"Judaïsme et christianisme s'affrontent depuis près de deux mille ans à propos du salut sur cette terre. l'un croit en la venue d'un Sauveur qu'il attend toujours, l'autre espère en le retour de celui qui est déjà venu. Deux vérités superposables, comme les deux triangles isocèles de la couverture du livre, mais qui ne seront jamais interchangeables." (p.140)

"La pensée n'est pas constitutive, ce n'est pas elle qui génère le monde." (p.270)

"Aux yeux de Rosenzweig, le mythe de la caverne s'est inversé : sortir de la caverne, c'est laisser derrière soi le monde illusoire des idées pour rejoindre enfin la réalité de l'expérience vécue. Ce que l'on voit, c'est bien ce qui existe hic et nunc, nul besoin d'aller chercher une essence occulte ni la chose en soi." (p.278)

"La parole est quelque chose qui est toujours à venir. C'est une utopie que l'homme tente de concrétiser à l'aide de la prière. Et c'est là le véritable mystère du langage : la parole parle. Le royaume de Dieu dans le monde est celui de la parole." (p.293)

 


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