Au cœur de la vallée de l’Homme - 1 -

par C’est Nabum
jeudi 8 août 2013

Ailleurs, coule aussi une rivière ...

Rencontre du troisième type !

À la recherche d'un ami parti loin de la Loire, je suis passé à Montignac sans savoir rien d'autre qu'un prénom et son activité. Thierry, puisque que c'est de lui qu'il s'agit, avait troqué sa brasserie devant la gare d'Orléans pour un bar restaurant au bord de la Vézère. La chance m'a permis de le retrouver aux commandes de son comptoir, toujours accueillant et souriant. Nous devisâmes tranquillement jusqu'à ce qu'il me présente un drôle de personnage susceptible de me fournir un portrait.

Thierry savait de quoi il en retournait, lui qui en son temps eut droit à un billet. Il connaissait encore mon goût pour les aventures humaines. Bernard ne se fit pas prier et durant près de deux heures ne cessa de me raconter son histoire. Nous sommes à deux pas de la grotte de Lascaux, la saga ne pouvait prendre qu'une tournure picaresque …

C'est quand il avait 4 ans qu'un vieil oncle, architecte des bâtiments de France lui incuba le virus de l'Histoire. Tout commença ce jour-là par la visite du château de Beynac (près de Sarlat). Bien vite, l'enfant se nourrit de lectures. Il veut tout savoir de la période féodale. Il faut dire qu'il vit au cœur d'un pays chargé d'histoire. Dés la préhistoire (et nous y reviendrons), la vallée de la Vézère fut colonisée par les humains qui ne quittèrent plus jamais les rives de la rivière sauvage.

Bernard grandit, devint mécanicien par le hasard de la destinée et la loterie des études. Les mains dans le cambouis le jour, dans les livres la nuit, il n'a qu'un désir : aller faire des fouilles dès qu'il en a l'occasion. Puisque dans son pays, c'est la Préhistoire qui préoccupe les archéologues, c'est à Peyrapertuse qu'il posera sa pelle et ses pinceaux.

Durant 8 ans, ce médiéviste autodidacte va passer 3 semaines chaque été et des séjours à la Toussaint, Noël et Pâques à la recherche d'indices de vie d'avant les Cathares. Il vit alors dans une caravane et assouvit sa soif de connaissance. Il ne peut bientôt plus se satisfaire de ces épisodes heureux, le garage l'ennui, il va franchir le pas …

Il va devenir guide de la grotte de Lascaux. S'il a eu l'incroyable privilège de visiter par trois fois le sein des saints, la grotte originelle, c'est dans la reproduction : Lascaux II qu'il guidera des touristes par paquets de 40 pour quarante minutes (et pas une de plus) de visite menée au pas de charge.

Naturellement, ce genre de procédé ne peut satisfaire notre bonhomme. Il va se pencher sur les archives du château de Montignac. Il écrira une monographie qui attend qu'un frère, qui lui ne fuit pas le monde numérique, prenne le temps de la saisir pour la postérité. Il devra se rendre toutes les semaines aux archives de Périgueux pour effectuer ses recherches, utiliser les services d'un professeur de lettres pour traduire les textes en latin.

De cette aventure, il garde un brin d'amertume au cœur. Un lettré de Périgueux aura la préférence des archivistes. L'homme accèdera directement aux documents quand Bernard devra, à chaque fois, remplir le formulaire idoine et attendre qu'on veuille bien les lui fournir. Le privilégié a sorti un livre, Bernard lui trouve beaucoup de défauts et attend son heure pour le faire savoir.

Il me raconte alors son château. La duplicité du Duc d'Archambault qui n'eut de cesse de louvoyer entre Anglois et Francs jusqu'à ce qu'un siège, en juillet et août 1398 ne le mette à la raison. L'homme quitta la forteresse en armure, en compagnie de sa famille, abandonnant lâchement ses hommes et la demeure à la vengeance du roi de France. !

C'est du moins ce que je compris de l'affaire. Nous étions au comptoir, il n'est pas si facile de survoler l'histoire dans ces conditions d'autant que Bernard n'arrêtait pas une minute. Il me parlait déjà d'autre chose, des baronnies qui constituaient le comté du Périgord. Dans son flot de paroles, il en cita trois : Beynac – Bisron- Bourdeilles sans jamais pouvoir se souvenir de la quatrième. Maudite mémoire qui vous trahit toujours au plus mauvais moment !

Nous continuâmes ainsi à deviser ou plus exactement, je n'avais de cesse d'écouter cet homme. Tourmenté, agité, sans cesse en mouvement, il vivait chacun de ses propos. La passion demeurait intacte. Je devinais pourtant les coups qu'il avait pris, le manque de reconnaissance qu'immanquablement lui renvoyaient les savants bardés de diplômes universitaires. Laissons-le pour aujourd'hui, avant de le retrouver demain pour de nouvelles révélations.

Médiévalement vôtre.


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