Clochemerle au pays de Jeanne d’Arc

par Fergus
jeudi 20 janvier 2011

Une terrible affaire de cornecul vient d’agiter la chronique au cœur de la Lorraine profonde : le député-maire UMP de Freyming-Merlebach (Moselle) s’est vu sauvagement planter des cornes par un médecin du cru. Accusé par l’édile cocufié d’avoir poussé un peu loin le bâton d’Asclépios en trahissant le serment d’Hippocrate, le vil séducteur a été traîné devant le Conseil de l’Ordre...

La période n’étant à se gausser ni des fils de Puteaux, ni des filles de Garches, pas plus que de ce pauvre maire d’Eu, c’est en passant par la Lorraine que l’on peut aujourd’hui s’amuser d’une affaire municipale quelque peu croquignolette, et surtout de nature à nous distraire des pitoyables déclarations « tunisiennes » de Michèle Alliot-Marie ou Frédéric Mitterrand. Et quelle affaire ! En l’occurrence, un pur vaudeville qui eût ravi tout à la fois Feydeau, Labiche et Courteline. Comme le veulent les canons du théâtre populaire, on y retrouve les trois protagonistes du boulevard, réunis naguère par Sacha Guitry dans le titre de sa pièce la plus célèbre : Le mari, la femme et l’amant.

D’un côté, un stomatologue réputé, le Dr Bernard Daclin, qui loin d’avoir une dent contre la femme du maire, a réussi à pousser ses investigations bien au delà de la seule cavité buccale de sa patiente. Pas le moins du monde sur le déclin, Daclin a même démontré qu’il savait prendre de la hauteur, au moins localement, pour honorer sa maîtresse. Au grand dam du dépité maire, profondément affecté par les railleries d’une population prompte à la gaudriole.

De l’autre, un ex-pharmacien cocufié que ses éminentes fonctions électives ont été impuissantes – le mot n’en est que plus dur ! – à protéger de la trahison la plus vile. Rendu furieux par son infortune, comme on disait autrefois, le mari marri, M. Pierre Lang, a pris langue avec le Conseil de l’Ordre des Médecins afin d’obtenir un châtiment exemplaire de l’outrecuidant stomatologue, accusé, selon lui, d’avoir pratiqué des injections illicites, en violation d’un serment d’Hippocrate ravalé au rang de serment d’hypocrite.

Enfin, entre les deux rivaux, une épouse, peut-être délaissée par un mari sans cesse au four et au moulin – comprendre à la Mairie ou à l’Assemblée nationale – et bien peu dans le lit conjugal. Á moins, autre hypothèse, que la femme convoitée n’ait été plus sensible aux désopilantes descriptions d’anastrophies dentaires ou de kystes odontogéniques, joyeusement distillées par son amant sur un mode guilleret, qu’à la justification du retour des exécutions capitales réclamées par son époux* sur un ton nettement moins comique.

Quoi qu’il en soit, le fait est là, et le tout-Freyming en frémit encore : le potard a été fait cocu par le toubib, et raillé durant des mois, non seulement par la population de sa circonscription électorale, mais jusque sur les ondes par l’intermédiaire des micros grivois de Laurent Ruquier et de sa bande d’énergumènes égrillards. Une insupportable atteinte à la dignité d’un représentant du peuple ! D’où la plainte déposée par M. Lang et défendue en audience le 10 décembre dernier.

Hélas ! il était dit que le malheureux élu boirait le calice jusqu’à la lie : le Conseil de l’Ordre, après en avoir délibéré, a débouté le plaignant ce lundi 17 janvier. Dégoûté, le débouté l’a pris de haut dans un premier temps avant de se raviser et de renoncer à faire appel, sans doute sur le conseil de Me Martine Génin, son avocate. Génin qui, loin d’être une ingénue, s’est ingénié à convaincre son client de stopper là pour ne pas donner plus de publicité aux galipettes de son épouse et à son propre cousinage avec les cervidés. 

Le mot de la fin reviendra au viril Dr Daclin. Lors d’une conférence de presse donnée lundi après qu’eût été prononcé le verdict, il a déclaré : « Mon honneur est lavé. (...) Je remercie mes pairs pour leur sagesse. Ils démontrent que le Conseil de l’Ordre n’est pas une juridiction fourre-tout. » Sacré Dr Daclin, toujours prêt pour une bonne saillie !

* Pierre Lang avait déposé une proposition de loi en avril 2004 visant à rétablir la peine de mort pour les terroristes


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