Des éponges imbibées d’eau fraîche...

par rosemar
mardi 31 juillet 2018

Dans un extrait du célèbre Roman de la momie de Théophile Gautier, on voit deux explorateurs utiliser des éponges, pour se rafraîchir et apaiser les chaleurs du désert, juste avant de pénétrer dans une tombe...

"La chaleur devenait si intense que le jeune lord se défit de son paletot blanc, et le docteur de son habit noir, que suivirent bientôt leur gilet et leur chemise ; Argyropoulos, voyant leur souffle s'embarrasser, dit quelques mots à l'oreille d'un fellah, qui courut à l'entrée du souterrain et rapporta deux grosses éponges imbibées d'eau fraîche, que les deux voyageurs, d'après le conseil du Grec, se mirent sur la bouche pour respirer un air plus frais à travers les pores humides, comme cela se pratique aux bains russes quand la vapeur est poussée à outrance.
On attaqua la porte, qui céda bientôt.
Un escalier taillé dans le roc vif se présenta avec sa descente rapide."

Le mot "éponge", si familier, a des origines lointaines et une histoire très ancienne !

Encore un mot venu du passé dont on ne soupçonne pas toute l'ancienneté, la noblesse et le prestige...

L'éponge qui absorbe les liquides, grâce à sa substance poreuse, qui revêt de somptueuses couleurs de sable nous séduit et nous étonne !

La douceur de l'éponge, sa rondeur, sa souplesse en font un objet sympathique et bienveillant...

Sa capacité d'absorption surprend : voilà un outil magique qui retient l'eau et la libère, par la simple pression de la main !

Le mot, avec ses consonnes labiale, chuintante n'est-il pas empreint de charme et d'élégance ? La voyelle nasalisée "on" lui confère, aussi, une légèreté infinie.

Les anfractuosités forment comme des remous, des vagues sinueuses sur l'objet, lui donnent des reliefs, des pleins, des déliés, une structure surprenante.

L'éponge, pleine de délicatesse dans sa texture, nous fait percevoir toute sa subtilité, on aime ses aspérités légères, aériennes.

L'éponge peut être d'origine animale, végétale ou synthétique...

L'éponge marine ou "porifera", est la plus étonnante : cet animal aux couleurs variées de rose profond, vert, blanc, mauve, aux formes diverses, nous fait entrer dans l'univers des profondeurs marines, mystérieuses, étranges, secrètes... Et on découvre que les éponges ont, ainsi, toutes sortes de propriétés, elles sont capables de se régénérer, de revivre, de s'associer !

Les éponges pourraient, même, être les plus vieux êtres vivants du monde !

Ces animaux sédentaires ont le pouvoir de vivre et de s'incruster sur différents supports : roche dure, sédiment meuble, coquilles, carapaces de crustacé...

Les éponges peuvent même abriter d'autres animaux, comme des crevettes, ou les larves de certains insectes...

Le mot, lui-même, très ancien nous fait remonter aux origines lointaines de notre langue, le latin et le grec. Le terme latin "spongia" vient du grec "spoggia"...ou "spoggos".

On trouve ce mot dans l'Odyssée d'Homère, par exemple dans cet extrait du chant I au vers 111... On y voit des serviteurs de la maison d'Ulysse nettoyer les tables, grâce à des éponges :

" Athéna part en s'élançant des sommets de l'Olympe et s'arrête au milieu de la population d'Ithaque, devant le vestibule d'Ulysse, sur le seuil de la cour. La déesse, sous les traits de l'étranger Mentès, roi des Taphiens, tient entre ses mains sa lance redoutable ; elle trouve les fiers prétendants se livrant au jeu de dés, couchés sur des peaux de bœufs qu'ils avaient immolés eux-mêmes ; /des hérauts et des serviteurs actifs s'empressaient, les uns de mêler le vin et l'eau dans les cratères, les autres de nettoyer les tables avec des éponges douées et poreuses, de les mettre en place et de diviser les viandes par morceaux. /Le premier qui aperçoit au loin la déesse est Télémaque, semblable à un dieu ; assis parmi les prétendants à la main de sa mère, son cœur est dévoré de chagrins..."

/"κήρυκες δ᾽ αὐτοῖσι καὶ ὀτρηροὶ θεράποντες

οἱ μὲν οἶνον ἔμισγον ἐνὶ κρητῆρσι καὶ ὕδωρ,

οἱ δ᾽ αὖτε σπόγγοισι πολυτρήτοισι τραπέζας

νίζον καὶ πρότιθεν, τοὶ δὲ κρέα πολλὰ δατεῦντο."/

Ainsi, ce mot ancien, utilisé par un des premiers auteurs de la littérature grecque, Homère, nous apparaît d'autant plus précieux, chargé d'histoire, d'un passé prestigieux...

L'éponge ! Mot venu du grec ! Les grecs, peuple de marins, ont dû découvrir, très tôt les propriétés étonnantes de l'éponge et s'en servaient déjà pour nettoyer différents supports !

L'adjectif qui qualifie le mot dans le texte grec, "polytrétos" signifie "aux mille trous", et caractérise bien la nature même de l'objet, couvert de crevasses et d'aspérités...

Voilà un mot qui nous fait découvrir des profondeurs marines, emplies de splendeurs, qui nous fait voyager dans le temps, qui nous charme de sonorités séduisantes !

Voilà un objet aux propriétés magiques, aux contours sinueux, remplis de douceurs !

 

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2015/07/des-eponges-imbibees-d-eau-fraiche.html

 


Lire l'article complet, et les commentaires