La fierté bretonne

par C’est Nabum
jeudi 23 août 2018

Plomodiern en fête

Plomodiern, comme chaque année au 15 août célèbre Marie et son enracinement breton. Cercles et bagads se partagent la rue au son aigrelet et perçant des bombardes et des cornemuses. La foule des estivants se presse sur le/tout au long du parcours de ce cortège chamarré, se mêlant dans la même communion, avec les autochtones. Les plus émus sont les expatriés, revenus au pays, le temps des vacances ; ceux qui ont quitté le petit bout de terre pour des raisons professionnelles, reviennent avec plaisir vers leur chère Armorique.

Ici, les gens ont des racines sans se préoccuper de se savoir ou pas français de souche, gaulois ou bien citoyens du monde. Ils sont Bretons d’abord et avant tout, le chapeau n’est pas plus rond que celui qui le porte tandis que la coiffe est d’une dentelle aussi fine que les galettes que les parisiens appellent crêpes …

Devant l’austère église de granit, un homme, un calepin à la main, dénote parmi tous ceux qui ont l’œilleton visé devant l’œil. Il cherche lui aussi à saisir par les mots ce que tous les autres fixent à jamais en image. L’émerveillement est le même pour tous. Les hommes et les femmes sont vêtus de sombre ; pour celles-ci, la coiffe vient faire délicieux contraste dans cette austérité voulue. Des parements dorés d’une broderie experte viennent célébrer le soleil.

Les accordéons sont également du cortège. Discrets, ils ne figurent pas dans les bagads, gardiens sourcilleux de la tradition. Ils accompagnent les évolutions des danseurs, membres de cercles qui toute la journée vont marteler le pavé de leurs sabots de bois. Plus loin, les bombardes résonnent tandis que le son des cornemuses enfle dans la rue, la transe gagne tous les pieds qui se mettent à guincher sur place. Devant les danseurs, des enfants en tenue, tiennent sagement les mains de leurs parents. Ils sont si émouvants qu’ils déclenchent des applaudissement nourris.

Des chars à bancs somptueusement décorés ouvrent le bal de chaque paroisse sans oublier l’inévitable drapeau breton porté à bout de bras. Chaque ensemble dispose d’une tenue différente, coiffes, rubans, broderies. Les variations multiples expriment les particularités et les distinctions sociales. L’horloge du temps s’est inversée même si le clocher continue d’égrainer les quarts d’heure. La modernité s’est effacée au profit d’une époque où nul touriste ne venait perturber l’immuable affairement des hommes sur cette terre rude, province certes mais nation avant tout.

Le Gwen Ha Du en est le symbole incontournable. Bandes blanches et noires alternées, il symbolise l’union de ces territoires partagés en deux langues distinctes : le breton et le gallo. Il rappelle l’appartenance viscérale de chacun à une autre Histoire, bien avant le drapeau tricolore, qui n’a pas sa place dans le cortège. Tous sont attachés farouchement à une originalité qu’ils portent comme un signe d’indépendance inaliénable.

Étrangers à cette culture, les touristes admirent la conservation des pratiques anciennes et ce souci de célébrer le passé qui échappe au folklore pour revendiquer haut et fort un particularisme qui ne se dissoudra jamais dans la grande machine à uniformiser les peuples. Ici, les crêperies ne laissent pas la place aux kebabs et aux pizzerias. Les korrigans vous attendent au coin de la lande. Les fées vous appellent de leurs chants qui se confondent dans le murmure de l’Océan. Les bardes peuplent les forêts.

Chacun peut sentir les embruns et la nostalgie marine, la rudesse d’une terre acide, les mystères des chemins creux, la misère qui était le lot quotidien dans ce pays rustique. Les terriens boutent leur chapeau devant les hommes de l’Océan ceux qui gagnaient leur vie souvent à la perdre. Tous se retrouvent main dans la main pour des danses fraternelles qui frappent la terre battue de leurs sabots. L’Ankou attendra son heure, quand ils sont tous ainsi réunis, il ne peut venir quérir une âme …

La foule se mêle au cortège. Elle dénote, elle fait tache. Il est préférable de rester à distance en frappant des mains. Ceux qui défilent devant elle sont les émanations d’un autre temps, ils symbolisent parfaitement ce sentiment d’étrangeté qui envahit le touriste. En Bretagne, vous n’êtes pas tout à fait en France, les gens y sont différents, les paysages uniques, l’ambiance plus détendue tandis que le climat joue sans cesse le délicieux troubleur de fête en offrant quatre saisons par journée.

Le Festival du Menez Hom se prolonge encore. Un public bigarré y assiste. Il semble pourtant qu’il ne figure pas la diversité de nos grandes villes. À de rares exceptions près, il y a là, une homogénéité qui ne se trouve plus ailleurs. La Bretagne éternelle demeure ancrée dans une tradition qui n’ouvre pas ses portes aux déracinés. Pour comprendre ce qui se passe en cet instant magique, il faut avoir de la terre collée à ses sabots.

Bretonnement leur..

Documents joints ŕ cet article


Lire l'article complet, et les commentaires