La harpe au fil de l’eau
par C’est Nabum
samedi 19 mai 2018
Nadia, matelot des notes et des flots.
L’amour des rivières et des canaux est commune à tous ceux qui vivent au bord de l’eau tout comme la musique est un langage universel. On fait toujours de merveilleuses rencontres dans les fêtes fluviales, de doux dingues qui vivent une étrange passion, loin des préoccupations de ceux qui restent à terre. C’est ainsi qu’à Embraud, un curieux timonier belge attira ma curiosité, une femme à la chevelure fauve s’exprimant avec un accent qui manifestement n’était pas celui des rives de l’Allier. Je voulus en savoir plus, d’autant que la harpe celtique titille nécessairement l’imagination d’un conteur.
Nadia est Belge, elle aime venir retrouver ses amis d’Embraud avec lesquels elle partage deux violons d’Ingres : la musique traditionnelle et la navigation. Elle est forcément là en pays de connivence. Son bonheur sur l’eau n’est cependant pas de même nature que nos amis les Chavans. Tandis que les lascars défendent bec et ongles le déplacement à la bourde, à la rame et à la voile, loin du bruit des moteurs, Nadia pilote des péniches de plus de cinquante mètres en attendant de passer à la taille supplémentaire. Qu’importe le gabarit, l’essentiel est de vivre sur l’eau, pour l’une comme pour les autres.
Nadia est donc pour l’instant matelot certifié pour la navigation fluviale. Elle termine sa formation de Timonier. Elle est donc, en dépit de sa belle crinière, homme d’équipage, la féminisation n’a pas encore mis le pied sur le pont. Elle passera très bientôt sa certification, en Belgique, pour montrer qu’elle maîtrise parfaitement le Code Européen de Navigation Intérieure. Il lui tarde de franchir ce palier afin de se lancer dans son rêve…
Mais revenons un peu sur nos pas. Elle est née dans un univers musical, joue très tôt du violon alto, son instrument de formation classique. Elle se lance dans une carrière professionnelle avec des enfants en difficultés, pratique l’hypothérapie, devient éducatrice spécialisée tout en donnant naissance à cinq enfants. Une vie bien remplie entre famille, musique et une profession qui conduit souvent à s’engager dans des associations.
Puis un jour, le virus de l’eau lui prend. Elle désire voyager sur les canaux et rivières qui traversent les régions francophones en bonne wallonne qu’elle est. Elle ajoute plusieurs autres cordes à son instrument, se prenant l’envie de jouer de la harpe celtique afin d’explorer un autre univers musical. C’est le début d’un projet qui prendra corps au fil du temps, un désir qui en fait une nomade, une belle itinérante.
Elle envisage de créer un bateau scène mobile pour accueillir des amis artistes tout en proposant ses propres prestations. Elle joue et chante seule tout en accompagnant également à la harpe deux conteuses. Vous devinez bien que l’idée d’essayer une collaboration éphémère ou plus suivie nous a caressé l’esprit lors de nos conversations sans avoir osé un impromptu lors de la fête, la timidité sans doute !
Son bateau serait aussi sa maison d’habitation, un désir partagé par des gens de plus en plus nombreux. Il est clair que vivre autrement est devenu un refuge pour s’évader d’une société qui s’enfonce dans un matérialisme désolant et un individualisme coupable. L’eau, le vagabondage, l’expression artistique sont autant de merveilleuses alternatives et les combiner toutes trois est le fol espoir de Nadia.
Elle m’évoqua sa passion puis me chanta un texte de l’ami Rohan Le Barde. Nous avions donc relations communes, je lui proposais deux textes sur la batellerie, une chanson inspiré de la vie de notre batelier lorrain. Le temps fera son œuvre. Tout ceci restera peut-être lettre morte, rêve fugace ou bien prendra corps au gré des circonstances. C’est là tout le charme de nos fêtes marinières, la rencontre et le partage.
Nadia prit la route vers sa Belgique en s’accordant des étapes dans quelques ports sur le trajet. Jamais bien loin de son bonheur fluvial, elle pose son véhicule routier aménagée sommairement en attendant de tenir le macaron de sa future demeure. Si vous apercevez une femme et son chien en bord de canal, demander lui de vous jouer un air de harpe celtique. Prenez bien garde à ne pas être envoûté. La dame est sans doute une fée à moins que ce ne soit une diablesse aux cheveux de feu. Je vous aurai mis en garde !
Rencontrement sien.