Parce que la Loire...

par C’est Nabum
jeudi 24 mai 2018

Question de point de vue.

C’est l’histoire d’une sortie en Loire, un récit à plusieurs niveaux, question de point de vue sans doute pour montrer que les loisirs nautiques ne sont jamais innocents, qu’il convient de prendre ses précautions tout en n’oubliant jamais que l'impondérable est toujours possible. D’ailleurs, le même jour, un autre marinier voyait son bateau tout neuf couler par cinq mètres de fond, preuve que la rivière a toujours le dernier mot quand s’enchaînent les difficultés. Mais revenons à cette banale sortie pour mieux la décrire.

C’est le dernier jour férié, il convient d’en profiter, d’autant plus que le mauvais temps va revenir selon les prévisions météorologiques. Monsieur Y propose à madame X une sortie sur la Loire à bord d’un bateau dont il vient de faire l’acquisition. Madame X a accepté avec joie la proposition d’autant plus qu’elle éprouve quelques sentiments pour ce charmant personnage. Elle n’est pas seule, elle se fait accompagner par son fils, un garçon d’une douzaine d’années, au cœur des années en Z, les plus délicates en somme, fruit d’une rencontre sans lendemain. L’occasion est belle de distraire le gamin, pour qui, les jours fériés sont parfois un long tunnel d’ennui. L’enfant accepte sans enthousiasme pourtant cette invite que le privera un temps de sa chère toile !

Le trio embarque dans un port ligérien dont je ne puis rien dire. L’improvisation est la règle pour cette sortie impromptue, fruit d’un désir qui ne parvient pas encore à dire son nom. Y n’avait pas envisagé une sortie en Loire, cette idée lui est venue au débotté, il n’a pas pris ses rames de secours, pas plus qu’une bourde. Seul le moteur était dans son coffre avec un peu d’essence dans une nourrice. À la guerre comme à la guerre, tout irait bien pour les beaux yeux de X.

Z rechigne un peu. Le bateau n’est pas le yacht dont il rêvait pas plus qu’un bolide fendant les flots. C’est une simple barcasse en bois, un rafiot bringue-ballant qu’il ne photographiera pas pour faire bisquer ses camarades. Le risque est grand qu’il soit la risée de sa bande, demain au collège. S’il « aurait su » , il ne serait pas venu (comme l’eut dit le Petit Gibus). Encore une idée de sa mère… Y se désole un peu de la présence de l’adolescent. Il sera un poids et à coup sûr un obstacle à ses desseins. Ce n’est que partie remise sans doute, en attendant, il est évident qu’il n’était pas prévu au programme. Pourquoi lui a-t-elle proposé de venir ? Éprouve-t-elle quelques réticences ou bien voulait-elle divertir le gentil monstre ? En tout cas, vu sa trogne, c’est raté !

X ne pense à rien de tout ça. Catalane , elle est ravie de retrouver l’air du large même si ce n’est que la Loire, qu’elle découvre depuis peu. Elle est ravie de sortir, d’avoir l’occasion de bouger d’échapper à toutes les tâches ménagères qui s’accumulent, elle qui est sans cesse débordée, sans espoir de parvenir à tout faire d’ici bien longtemps. Qu’importe, l’occasion était trop belle et puis, Y est un charmant homme. Pourquoi pas … Le trio quitte le quai, remonte le courant. La Loire a grossi, elle est montée de plus d’un mètre en deux jours, le courant est fort, le niveau d’eau empêche tout risque de haut-fond. La vie est belle, qu’ils profitent de l’instant. Y décrit le paysage qu’il adore, X l’écoute, enchantée, Z regarde ses messages sur son portable. Une famille presque ordinaire en somme.

Le moteur hoquette, le moteur tousse, le moteur s’arrête. Y se précipite pour relancer le maudit réfractaire, rien n’y fait, il refuse de se remettre en marche. Il se promet de ne pas montrer son inquiétude, d’autant qu’il avait pensé au coup de la panne si X était venue seule. Il s’était promis pareille fantaisie, juste à l’approche d’une île en prenant les rames pour l’atteindre. Une belle émotion qui aurait peut-être marqué le début d’une idylle. Les rames, mon dieu, il ne les a pas prises. Quel âne ! Et il y a le gamin. Il a vraiment bonne mine !

X constate que quelque chose d’anormal se déroule. Y s’échine à redémarrer le moteur et rien ne se passe. La bateau dérive, il n’est pas aisé de le diriger sans piautre. Elle devine que sous l’apparence de calme, son ami est un peu en panique. Elle ne veut surtout pas l’angoisser plus par une réaction véhémente, elle joue le jeu de la décontraction pour ne pas provoquer de drame, surtout avec son fils.

Z, qui semble ne pas être avec eux, a tout perçu de l’incident. Il s’exclame que c’était bien la peine de venir pour que la balade s’arrête déjà. Il râle, se moque un peu, joue les ironiques avant que de finir par comprendre que la bateau n’est plus dirigé. Il se voit déjà contraint de plonger dans la rivière, l’eau lui parait étrangement mouvante, sans doute guère chaude. Quelle belle ânerie cette sortie !

Y cherche à trouver au plus vite une solution. Il dirige tant bien que mal son embarcation, portée par le courant et les circonstances. Fort heureusement le port et son redoutable pont de pierre, sont encore loin. Il va essayer de gagner le rivage. Dans l’affolement il est le seul à s'affairer, à chercher des parades à la catastrophe imminente même s’il garde une façade parfaitement sereine. Ce n’est qu’une apparence, la tempête grogne dans son crâne tout en se jurant de ne rien en montrer pour ne pas se ridiculiser devant X. Il pense enfin à jeter l’ancre. Il passe de l'arrière du bateau à l'avant en enjambant l'équipage.

X justement vient de demander vertement à son fils de la fermer, de cesser de mettre la pression à son ami. Elle tient des propos encourageants, affirme sans même le croire que la situation est en main, qu’ils vont bien accoster sans le moindre problème. Le fûtreau reste solidement accroché à son ancre, la situation est stabilisée au milieu d’une Loire tumultueuse.

Z veut sauter, il en a assez de ce cirque. Il voit bien que plus rien n’est sous contrôle. Il est persuadé de regagner aisément la berge en deux coups de nage. Il présume certainement de ses forces et plus encore, ne connaît rien à la Loire. Cette fois, Y doit prendre la parole pour le ramener à la raison. Un bon coup de gueule salutaire puisque le gamin boude et l’adulte retrouve ses esprits. Il se souvient de ses années moto, coupe l’arrivée d’essence, tire plusieurs fois sur le lanceur, remet l’essence et le moteur repart avec un vilain crachat d’une fumée noire.

L’honneur est sauf. Y traverse une nouvelle fois l’embarcation pour relever l’ancre. Cette fois, c’est elle qui fait des siennes, elle reste accrochée. Des algues sournoises la retiennent. Quand elle finit par se libérer, le moteur s’arrête avec des exclamations venant des deux autres passagers. C’est de nouveau la panique à bord. Finalement, le moteur n’est plus récalcitrant , il démarre au quart de tour. Le retour au point de départ se fait ainsi sans autre problème. X et Y n’ont qu’une hâte, ramener Z à sa maison et partir s’isoler un peu pour se trouver enfin seuls. L’incident les a rapprochés. Le coup de la panne a fonctionné, de bien curieuse manière certes mais il fut efficace.

À l’avenir pourtant, il ne faudra pas négliger les mesures de sécurité élémentaires. Une belle histoire se dessine, il convient de ne pas la gâcher par trop de légèreté. La Loire, pour belle qu’elle soit, n’en reste pas moins une dame capable de bien des travers. Y se promet de retenir la leçon d’autant plus que désormais, une belle perspective s’offre à lui. La vie est belle, ce n’est pas la peine de la mettre stupidement en danger ! Bon vent à eux ...

Romancement leur.

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