Pour le plaisir des mots : la gargoulette...

par rosemar
jeudi 19 juillet 2018

« J'ai un pressentiment que nous trouverons dans la vallée de Biban-el-Molouk une tombe inviolée, disait à un jeune Anglais de haute mine un personnage beaucoup plus humble, en essuyant d'un gros mouchoir à carreaux bleus son front chauve où perlaient des gouttes de sueur, comme s'il eût été modelé en argile poreuse et rempli d'eau ainsi qu'une gargoulette de Thèbes.

- Qu'Osiris vous entende, répondit au docteur allemand le jeune lord : c'est une invocation qu'on peut se permettre en face de l'ancienne Diospolis magna ; mais bien des fois déjà nous avons été déçus ; les chercheurs de trésors nous ont toujours devancés."

Tels sont les premiers mots de l'oeuvre de Théophile Gautier, Le roman de la momie. Un des deux personnages transpire abondamment et son visage qui laisse perler de la sueur est comparé à une "gargoulette".

Le mot "gargoulette" rayonne de sonorités du sud : ce récipient poreux en terre cuite est utilisé pour conserver l'eau fraîche, dans les régions du sud, notamment dans le midi de la France.

Avec ses consonnes gutturales redondantes, "g" et "r", ce mot nous fait entendre un bruit d'eau qui s'écoule.

Le son "ou" prolonge ce bruissement d'eau, la finale de diminutif "-ette" donne un air sympathique à ce vase.

Le bec étroit de la gargoulette permet de diriger le jet directement vers le fond de la gorge, tout en maintenant le bec à distance de la bouche. De là vient l'expression "boire à la gargoulette", synonyme de "boire à la régalade". Il n'est pas facile de boire à la gargoulette et cela demande une technique particulière mais on perçoit dans ces expressions tout un bonheur de s'abreuver et de goûter une eau fraîche.

La gargoulette évoque des images du sud, des paysages incendiés de soleil, une eau apaisante au coeur de l'été, un plaisir de boire à l'ancienne, comme on le faisait autrefois avec des récipients rustiques de terre cuite.

La gargoulette suggère des sources limpides, où l'on puise l'eau pour s'abreuver en été, elle nous fait voir des formes élégantes, une matière naturelle, aux couleurs de terre cuite...

La base pansue s'épanouit, les anses se déroulent voluptueusement autour du vase et l'encerclent de formes pleines de douceurs et d'harmonie.
 

La gargoulette ressemble à un objet d'art, aux teintes vernissées ou mates...

Ce mot fait "gargouiller" l'eau, il nous éblouit par son expressivité, ses sonorités du sud, ses éclats de voyelles.

D'ailleurs, ce mot provient, sans doute, de l’occitan "gargoleta, le cruchon" ou de l'ancien français "garoule, gargouille" et peut-être, plus anciennement, du grec "γαργαρίζειν, gargarízein, se gargariser", il serait apparenté au latin "gula, gosier, gorge".

La "gargoulette" possède bien un "gosier", par lequel s'écoule l'eau.

Objet anthropomorphe, la gargoulette nous séduit par ses formes, son utilisation, sa beauté d'oeuvre d'art.

Ce mot, aux origines lointaines nous fait entendre la langue originelle, le grec, langue du sud aux sonorités familières et étranges, à la fois.

La gargoulette nous fait goûter la langue et l'accent du sud, celui de Pagnol, de Giono qui décrivent la Provence, la racontent, et soulignent la beauté et la rudesse de ses paysages.

La gargoulette nous fait voir la garrigue, des senteurs du sud, du thym qui serpente sur les chemins, qui exalte les collines et enivre les promeneurs.

Elle dessine des ciels bleus, balayés par le mistral, des envolées de nuages qui se dispersent soudain, une source qui murmure dans la campagne, des parfums de menthe, de romarins...

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2015/07/rempli-d-eau-ainsi-qu-une-gargoulette.html

 

Documents joints à cet article


Lire l'article complet, et les commentaires