Secret story en sarkozy et autres curiosités estivales

par Bernard Dugué
lundi 12 juillet 2010

Lorsque l’été arrive, l’information se fait légère et comme sur une plage découverte lors d’une grande marée, nous voyons se dessiner d’improbables figures estivales et autres incrustés dans l’écran et crustacés sur les routes, comme par exemple…

Les bouchons. Bison futile nous avait prévenu, du rouge et du noir. Un mélodrame stendhalien sur les routes. Des jeunes journalistes dépêchés en bord d’autoroute pour un point en direct. Le thème des départs en vacance, c’est un peu le bizutage pour les nouveaux entrants dans les boîtes médiatiques. Tout réside dans l’art de ne pas être ridicule et ce samedi 10 juillet, il fallait une bonne dose de professionnalisme pour commenter les bouchons alors qu’en arrière-plan, la caméra livrait les images d’une circulation fluide. Dans les studios parisiens, les animateurs des JT parlaient également des bouchons qui devaient impérativement se produire. C’est là le principe du nouveau journalisme. Les faits doivent coller à ce qui est prévu. Il devait y avoir des tas de morts et une pandémie galopante après le niveau 6 décrété par jument futée à l’OMS. On a vu le résultat. Ce samedi, il devait y avoir 600 kilomètres de bouchons. De temps à autre, je suis allé sur le site officiel des informations routières. A part les dix kilomètres de bouchon au sud de Bordeaux, sur l’autoroute menant au pays basque et à Arcachon, rien à signaler si ce n’est quelques accidents occasionnant des ralentissements. Très peu de rouge, sauf à la sortie de Paris mais beaucoup moins qu’en semaine où toute cette région est chroniquement embouteillée. Enfin, les journalistes ont fait leur travail. Nous sommes persuadés qu’il y a eu des bouchons, même si ce n’est pas vrai et que de surcroît, ça n’a aucune importance pour la majorité des Français.


L’été est propice à la diffusion d’émissions futiles. Depuis quelques semaines, toutes les chaînes diffusent cette nouvelle production du gouvernement, secret story en sarkozie. Dans la maison commune, chacun est filmé et nous devons tous découvrir le secret de chacun des participants. Alain a dépensé plus de 100 000 euros pour un déplacement et s’est fait offrir un permis de construire illégal. Christian, son secret, c’est qu’il fume des havanes à 50 euros la pièce. Liliane, elle a dilapidé sa fortune pour engraisser un gigolo castré se faisant passer pour un artiste. Eric, il s’est fait remettre une enveloppe avec des sous. Nicolas, il s’est fait remettre une enveloppe par Eric et en 1995, il passait les enveloppes à Edouard. Florence, c’est la femme d’Eric, et celle qui gère la fortune de Liliane. Rama, elle a une passion pour les chambres d’hôtel dans les palaces. Bernard, il occupe un emploi fictif au quai d’Orsay. Au stade où en est l’émission, on a découvert les secrets de Florence, de Christian et d’Alain. Ils ont dû sortir du jeu. Bientôt, un juge entrera dans la maison des secrets (de l’enquête préalable) pour deviner quel est le secret d’Eric et ce lundi, ce sera un pic d’audience quand Nicolas fera tout, devant David sur la Deux, pour garder son secret. A suivre…


La France actuelle présente quelques ressemblances avec d’autres époques. Et si on jouait aux devinettes ? Les ressemblances historiques déclinées comme un jeu de mauvais goût. Des comparaisons oiseuses peuvent être utiles pour pourrir l’ambiance de l’apéro au camping tout en passant pour un esprit savant. Il fait beau, les voisins de tente sont attablés sirotant un pastis en lorgnant les coins de ciel bleu dessinés par les branchages des pins. Les martinets tracent d’improbables arabesques dans le ciel où s’invite une volute de fumée laissée indélicatement par un avion de ligne. La brise fend doucement l’air, conférant à ce moment une teinte de sérénité que parfument les lavandes alors que les cirrus se parent de couleurs rosâtres comme pour célébrer le frais rosé servi avec un glaçon et siroté en toute convivialité. Tout ce petit monde est heureux lorsque vous commencez à commenter l’actualité en évoquant l’ambiance délétère puis en vous lançant dans des évocations historiques menée avec l’aisance oratoire d’un Alain Decaux.


La France de 2010 doit accomplir un sursaut républicain a dit François Bayrou. Oui, mais encore faut-il qu’il y ait un esprit républicain. On en est loin et si cette époque ressemble à quelques périodes historiques de notre pays, alors on pourrait les trouver dans la Terreur, la Commune et l’Occupation. Voilà un bel exercice pour utiliser l’histoire dans une quatrième catégorie que Nietzsche n’avait pas prévue, celle de l’Histoire pourrie, l’exacte opposée de l’Histoire grandiose. Une idée bien saugrenue mais qui aurait pu être proposée par Desproges qu’on imagine aisément dans le rôle du type qui vient casser l’ambiance le soir au camping. Il saura conter la Terreur et lire dans le visage de Xavier Bertrand le regard très méchant d’un type rêvant de passer à la guillotine Edwy Plenel et de raser l’Internet. Nadine Morano en Charlotte Corday et Sarkozy en Robespierre maniant le karcher et le croc de boucher. Revenez sur terre. La tragédie revient comme farce disait Marx. Ce n’est qu’un jeu. Comme d’ailleurs ceux qui voient déjà les hordes de banlieusards déferlant sur la capitale pour rééditer la Commune de Paris, pas celle de 1792 mais de 1870. Et l’Occupation ? Eh bien disons que la France est occupée par le monde de la finance et que la république morale et vertueuse a disparu. Montesquieu ne séduit plus que les antiquaires. Place à la décadence. Quelle déprime. Surtout que le lendemain, lorsque l’orage arrive et que le ciel s’assombrit, nos campeurs se rappelleront ces leçons d’histoire à servir au frais avec du rosé et tout d’un coup, finies les vacances. Les âmes sont plongées dans le marasme de cet automne 2010 s’annonçant bien imprévisible. Allez, on ne va pas se laisser abattre. Sers-nous une mousse, Maurice !


Jeunesse déprimée en cet été 2010. Des jurys assassins ont bousillé deux ou trois ans de labeur fournie par des étudiants qui n’ont plus le moral. Les admissions aux concours se font-elles à la tête du client ? La jeunesse qui n’est pas sauvée par la fonction publique aura droit à la voiture balai. Direction l’ANPE puis le RSA à partir de 25 ans. Les futurs retraités devront cotiser plus longtemps mais n’auront pas de travail. Cherchez l’erreur ! Et si c’était ça le secret d’Eric dans secret story en sarkozie. Une mission pourrie et impossible à réaliser sans mettre des millions de Français dans la rue. Et ne comptez pas sur Alain Juppé, il a déjà donné en 1995 et son plaisir, c’est la fête du vin et celle du fleuve.


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