Pour un titre de noblesse…

par C’est Nabum
mardi 8 août 2023

Marcel, Comte de Sully.

Je sais mon peu de goût pour l'orthographe et ma grande faculté à prendre un mot pour un autre aussi je ne fus nullement étonné lorsqu'une vieille connaissance me réclama de but en blanc un titre de noblesse à moins que ce ne fut un passeport pour une notoriété factice. Ce quidam voulait devenir Comte de Sully et me demandait sans ambages de lui offrir ce si respectable quartier de noblesse sous le prétexte que nous étions tous deux natifs d'un village ayant magnifique château sur douves.

Nous avions déjà un Baron sous la main, je ne voyais pas pourquoi il fallait y adjoindre un compagnon au sang bleu de Loire, un titre supérieur dans cette noble et historique hiérarchie. Certes notre ami disposait d'un grand courant de sympathie parmi les autochtones et de nombreux appuis dans la direction de la cité, mais de là à prétendre accéder à une particule, rien n'était moins élémentaire que cette requête.

Il s'agissait sans doute de prolonger la grande épopée des « De la Trémouille » suivie de celle des « De Béthune » à une nouvelle grande saga familiale dont il serait la tête de pont à moins qu'il ne fut l'emblématique patriarche. Éveiller des ambitions est sans doute le but de cette particule qui attise tant de convoitise. Je n'étais cependant en rien habilité à adouber ou oindre quiconque, fut-il un personnage incontournable sur la place, n'étant ni chevalier ni prince de sang en dépit de mon patronyme.

Je devais sans nul doute avoir commis grande méprise concertant la quémande de ce sympathique solliciteur. Il me fallut examiner de plus près la chose pour découvrir qu'il ne demandait pas l'impossible mais tout simplement un rôle titre dans une Bonimenterie que d'aucun désigne par le vocable Conte. C'était donc cela.

J'eus alors bien du mal à lui faire comprendre que ce titre de gloire ne s'acquiert pas d'un claquement de doigt. Rentrer ainsi dans l'univers de mes personnages récurrents suppose d'être un archétype suffisamment caricatural pour se glisser dans mes écrits quel qu’en soit l'époque. Rejoindre Irène, Archimède, Jacquenotte, Gaston, et Houlippe et compagnie n'est pas à la portée du premier venu.

Puis j'en vins à songer que cette curieuse demande relevait de la flatterie. Mes histoires avaient pris une importance suffisante pour que figurer dans la distribution devenait un honneur ou pour le moins, un objet de désir. Je devais marquer ma reconnaissance à mon ami pour ce signal fort qu'il m'adressait en flattant une vanité qui n'est plus à démontrer.

Je me flanquais donc de ce que je fais le plus facilement et même quotidiennement : un billet ordinaire pour évoquer Marcel et son envie de figurer dans mon Panthéon de papier. Il n'était rien de plus simple que de trouver une entrée pour dérouler la page du page, la nouvelle carte d'identité du récipiendaire.

Point de médaille ni de titre mais tout simplement quelques lignes d'une gloire illusoire. Marcel fait son entrée dans mon univers, hérite d'un texte qui lui fera l'honneur de la Toile. Est-ce ce qu'il attendait ? J'en doute mais je ne me vois pas glisser sa vie dédiée à son cher club de football dans une fiction épique.

Mon imagination quoique débordante quand la Loire roule des épaules, se prend parfois les pieds dans le gazon dès que le quotidien le plus ordinaire réclame sa part de sornettes. J'ai fait de mon mieux pour que Marcel voit son envie matérialisée. Il serait désormais Conte de Sully, un miracle indéniable pour ce personnage d'exception.

À contre-emploi.


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