Le blues du gardien de but au moment de l’ascension

par LM
vendredi 26 mai 2006

Psychodrame à Tignes : Grégory, jaloux de Fabien, a failli tout plaquer. Mais Raymond, avec son forfait altitude, a réussi à rattraper le coup. (De sang.) Lilian, comme toujours, relativise. C’est un peu Dallas avant le Mexique, samedi.

L’équipe de France de football est partie en altitude chercher la sérénité. Manifestement, ils n’ont pas encore planté le drapeau.

Mercredi, au retour d’une ascension pourtant bien vécue par l’ensemble du groupe, un incident, qualifié de majeur par la presse, est venu troubler la tranquillité des marmottes.

Le gardien numéro 2 n’aurait pas apprécié l’attitude du gardien numéro 1, qu’il estime « protégé ». Fou de rage, il aurait même quitté un moment l’hôtel, donc le groupe, permettant au gardien numéro 3 de devenir numéro 2, à son tour.

Expliquons-nous : loin des 3000 mètres, Fabien Barthez aurait ressenti d’une légère douleur au mollet. Qu’à cela ne tienne, l’encadrement de l’équipe décide d’écourter l’escalade du Marseillais.

Derrière le divin chauve, le Lyonnais chevelu, Gregory Coupet, numéro 2 donc, ne supporte pas ce départ prématuré et juge l’attitude du crâne sacré déplacée. C’en est trop pour lui, la goutte d’eau qui fait déborder le casque.

Toute cette saison, il faut dire, Coupet et Barthez se sont à distance tiré la bourre pour savoir lequel des deux serait désigné gardien titulaire par Raymond l’astrologue. (Gardien numéro 3, Landreau n’était pas de ce combat-là).

Au vu de ses résultats et de ses performances, Coupet, qui avait déjà assuré l’intérim durant la longue suspension de Barthez pour crachat, méritait largement la place de titulaire. Seulement voilà, l’abonné de SFR en a décidé autrement, et comme c’était prévu par les spécialistes de la chose sue mais pas encore dite, Barthez a été désigné numéro 1 (sans doute sur la pression de Zidane.)

Sur le moment, Coupet n’a rien dit, a accepté le choix de Domenech, s’est contenu, une fois de plus, mais une fois de trop, peut-être.

Arrivé à Tignes sans doute déjà très nerveux, le gardien lyonnais n’attendait plus qu’une étincelle pour prendre feu.

Ce qui fut fait mercredi, en pleine ascension, la veille de l’Ascension.

Donc, Barthez a mal, on l’arrête, Coupet dégoupille, s’entretient avec Raymond, le ton monte (alors que tout le monde était déjà descendu), Coupet voit rouge, prend femme enfant et bagage, quitte l’hôtel, avant de... revenir, quoi, « une demi-heure après » selon Domenech : « A un moment, il a craqué, comme ça arrive et comme ça peut arriver quand on est sous pression, quand on est au haut niveau, et que c’est pas facile. Il est parti, il est revenu de lui-même, sans souci. Ça a duré une demi-heure, en tout et pour tout. Il a pris conscience de ce qui était en train de se passer. On en a rediscuté, on s’est expliqué, et le problème pour nous est réglé. Pour nous l’incident est clos. Des soucis, on en aura encore. Une vie de groupe, c’est fait de problèmes. »

Un peu comme dans Les Bronzés, en somme. Mais des bronzés pas vraiment « amis pour la vie ».

En tout cas, l’incident semble effectivement clos. Dans les journaux télévisés du soir, ce jeudi de l’Ascension, le lendemain de l’ascension, on voyait un Coupet sourire et se prêter aux jeux de ballon, ici un taureau avec Barthez, et Coupet dans le rôle du taureau qui tente d’attraper le ballon, là une accolade, et encore des éclats de rire. Tout va donc de nouveau bien dans la maison bleue. Juste un « coup de blues », pour reprendre l’expression du sélectionneur, qui, fait nouveau, ne s’est pas exprimé par le canal SFR, mais bien en utilisant le canal historique habituel, le média banal. Le journaliste avec sa caméra, son micro, son dictaphone. Les temps changent.

Et, à propos de l’affaire SFR, on apprenait mercredi que l’équipe de France (ça aussi, ça va leur mettre un coup) a perdu un éminent supporter en la personne de Jean-Pierre Elkabbach, qui souhaite voir « perdre » Domenech. Le sémillant et très moraliste animateur radio ne pardonne pas au sourcilleux bleu d’avoir squeezé la presse lors de l’annonce de la liste des 23 au profit d’un opérateur téléphonique.

Passons.

Et revenons-en à Coupet qui vient de là, qui vient du blues, avec l’analyse du meilleur analyste des bleus, aussi à l’aise pour parler des banlieues que de tactique offensive, j’ai nommé Lilian Thuram : « Cela fait plus d’un an qu’il y a une compétition très importante entre ces deux gardiens, et tout naturellement, je crois que c’est difficile d’accepter. Cela s’est passé très tôt et c’est bien. Greg aurait pu garder ça à l’intérieur de lui et ça aurait mis le groupe en danger. » Donc, selon le sage de la défense, vaut mieux s’engueuler un bon coup avant que tout commence vraiment, comme ça, ce sera ça de moins à gérer pendant la vraie compétition.

Il n’empêche que lors du dernier entraînement des bleus, Coupet a été acclamé plus qu’à l’accoutumée, et qu’on peut raisonnablement craindre quelques réactions anti-Barthez samedi à l’occasion du match contre le Mexique, manifestations hostiles qui risquent de ne pas simplifier la vie du groupe. Le Stade de France a déjà prouvé dans le passé qu’il pouvait se comporter de manière aussi stupide que bien d’autres enceintes. On peut donc craindre une soirée chaude.

Une soirée qui sera aussi le dernier match de Thuram, de Zidane sans doute aussi, de Barthez également, dans le stade qui les a vus naître à la gloire. Il serait dommage que cette belle histoire se termine en eau de boudin.

Pendant ce temps-là, dans l’indifférence quasi générale et sur W9, l’inoxydable Thierry Roland a commenté l’indiscutable et terrassant succès des moins de 21 ans sur l’Allemagne, 3 à 0, quel beau score. Des « bleuets » qui sont désormais tout près des demi-finales de leur Championnat d’Europe. Ce qu’on appelle une irrésistible ascension.


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