Kohsro Besharat pendu pour corruption sur terre ce mercredi 15 mai 2024

par Sylvain Rakotoarison
mercredi 15 mai 2024

« Il est (…) temps pour les États de lancer des procédures pénales, en vertu du principe de compétence universelle, à l’encontre de toutes les personnes soupçonnées de responsabilité pénale pour des crimes relevant du droit international, même s’il s’agit de hauts responsables iraniens. » (Diana Eltahawy, le 24 janvier 2024).

Ce matin, je me suis réveillé avec la nausée. J'ai appris que Khosro Besharat (39 ans) venait d'être exécuté par pendaison ce mercredi 15 mai 2024 dans la prison de Ghezel Hesar à Karadj, dans la province d'Alborz, en Iran. De quoi avoir envie de vomir toute la journée. Je n'ai pas entendu ceux qui, à l'indignation facile, occupaient l'IEP de Paris pour s'indigner de ce qui se passe à Gaza en fermant systématiquement les yeux sur ce qui se passe dans les régimes islamiques, en particulier en Iran, pays qui condamne à mort et exécute à tour de bras, le champion du monde de l'exécution, avec au moins 853 exécutions en 2023.

La mère de cette énième victime des mollahs, Khadijeh Azar-Pouya avait adressé une lettre au rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, Javaid Rehman, en février 2020 pour lui demander de prendre des mesures juridiques afin d'arrêter et révoquer l'ordre d'exécution de son fils. Elle a accusé le Ministère iranien du Renseignement d'avoir orchestré un complot à Mahabad et Orumiyeh pour condamner son fils et les six autres co-accusés : « Mon fils n'avait que 24 ans quand il a été arrêté (…). Il a passé la fleur de sa jeunesse en détention sans avoir commis aucun crime. Je suis complètement brisée et vieillie, et les mots rire et joie n'ont plus de sens pour moi. (…) Ce qui est (…) douloureux et frustrant, c'est qu'après plus de dix ans d'attente pour l'acquittement et la libération de mon fils, uniquement en raison de l'absence de toute preuve ou fondement pour prouver sa culpabilité, la 41e chambre de la Cour suprême a malheureusement confirmé la condamnation à mort (…). Comment est-il possible que [cette chambre] de la Cour suprême puisse annuler la première condamnation à mort (…) sur la base de preuves et d'aveux insuffisants, mais que la deuxième fois, sans aucun changement dans l'affaire, elle confirme ce verdict ? ».

Khosro Besharat était un Kurde sunnite et il ne faisait pas bon de vivre au pays des mollahs (chiites). Il avait 24 ans quand il a été arrêté en janvier 2010 à Mahabad, dans la province de l'Azerbaïdjan occidental, comme prisonnier politique de la minorité kurde.

Dans une lettre écrite en 2021, Khosro Besharat a raconté son calvaire pendant sa détention (citée par le site Kurdistan Human Rights Network) : « C’était en janvier 2010 lorsque j’ai été arrêté par les forces de renseignement à Mahabad et immédiatement transféré au Ministère du Renseignement à Orumiyeh. Ils m’ont soumis à diverses formes de torture pendant un mois complet en cellule d'isolement. Souvent, de minuit au matin, des bruits terrifiants, des cris et des hurlements de quelqu’un en train d’être torturé remplissaient l’air, instillant la peur et le tremblement dans tout mon corps. Je n’ai pas pu dormir jusqu’au matin à cause de la peur, et cela m’a beaucoup affligé et torturé mentalement. Ils m’attaquaient souvent les mains par derrière, me faisant gémir de douleur. Plusieurs fois, ils m’ont suspendu au plafond pendant des heures avec des menottes, et à d’autres moments, ils m’ont retenu sur un lit, frappant violemment la plante de mes pieds avec des câbles électriques, faisant presque sortir mon cerveau de ma bouche, et mon mes yeux se détachaient de leurs orbites, tandis que mon cœur avait l’impression qu’il était sur le point d’éclater. (…) Ces tortures ont continué pendant trois semaines, après quoi ils ont menacé d’arrêter les membres de ma famille. Durant ces tortures et menaces, l’interrogateur a noté les charges retenues contre moi et, dans cet état, j’ai été obligé de signer et de laisser mes empreintes digitales sur le même papier. À ce moment-là, j’avais l’impression de ne pas exister dans ce monde et je ne savais pas que je signais. ».
 

En mars 2016, un procès bâclé et très inéquitable l'a condamné, ainsi que six autres co-accusés, pour « action contre la sécurité nationale », « propagande contre le régime », « appartenance à des groupes salafistes » et « propagation de corruption sur terre ». Khosro Besharat et ses tristes compagnons d'infortune n'avaient pas pu se défendre de ces accusations fallacieuses. Jugés par la 28e chambre du célèbre et cruel tribunal révolutionnaire islamique de Téhéran, présidée par le juge Moghiseh, les prévenus ont été informés le 25 mai 2016 de leur condamnation à mort.

Après un recours, l'affaire a été renvoyée devant la 41e chambre de la Cour suprême présidée par le juge Razini qui a annulé le verdict en 2017 et a renvoyé l'affaire à la 15e chambre du tribunal révolutionnaire islamique de Téhéran, présidée par le juge Abolghasem Salavati. Cette dernière a confirmé les sept condamnations à mort en juin 2018. Après un nouveau recours devant la 41e chambre de la Cour suprême, cette dernière a validé le verdict le 3 février 2020 sous la pression du Ministère du Renseignement. En septembre 2020, la 38e chambre de la Cour suprême a rejeté un nouveau recours pour obtenir un nouveau procès.

Par ailleurs, Khosro Besharat et ses autres compagnons d'infortune ont été condamnés le 30 juin 2018 à dix ans de prison par la 12e chambre de la cour d'appel d'Orumiyeh, accusés dans une autre affaire d'un « implication dans un meurtre » par une collision avec une automobile (qu'ils ont nié farouchement ; on notera cependant qu'en Iran, il est moins dangereux d'être l'auteur d'un meurtre que d'une "corruption sur terre").

Au contraire d'un semblant de procédure (avec appel, recours, etc.), ces procès étaient truqués, les juges ont abouti à leur verdict en quelques minutes seulement sur la seule base des aveux exprimés sous la torture.

Khosro Besharat a été mis en isolement dans sa prison le 1er mai 2024, juste après l'exécution d'un de ses co-accusés, Anvar Khezri. Cela pressentait hélas une exécution imminente. Anvar Khezri avait lui-même été mis à l'isolement la veille de son exécution, le 30 avril 2024 et sa famille n'a pas été avertie pour un ultime adieu. Khosro Besharat, lui, a quand même pu revoir sa famille le 5 mai 2024, seulement vingt minutes, pour lui dire adieu. Quatre autres co-accusés ont été exécutés avant eux : Ghasem Abasteh le 5 novembre 2023 (torturé peu avant son exécution), Ayoub Karimi le 29 novembre 2023, Davoud Abdollahi le 2 janvier 2024 et Farhad Salimi le 23 janvier 2024.

Le 24 janvier 2024, à la suite de cette troisième exécution, la directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International Diana Eltahawy, avait vivement réagi : « L’exécution arbitraire de Farhad Salimi met en évidence une tendance alarmante des autorités iraniennes à recourir de manière disproportionnée à la peine de mort contre des membres de minorités ethniques opprimées d’Iran. L’exécution arbitraire de Mohammad Ghobadlou a sidéré ses proches et son avocat, qui attendaient qu’il soit rejugé, sans savoir que les autorités judiciaires au plus haut niveau contournaient secrètement les procédures et bafouaient de manière flagrante les principes fondamentaux de l’humanité et de l'État de droit. ». Mohammad Ghobadlou avait été exécuté le même jour que Farhard Salimi, et était un manifestant de 23 ans souffrant d'un handicap mental accusé d'avoir renversé un fonctionnaire pendant une manifestation (son procès avait pourtant été annulé le 25 juillet 2023 mais le nouveau procès n'a jamais eu lieu).

Et Diana Eltahawy de poursuivre : « L’implacable frénésie meurtrière des autorités iraniennes à la suite du soulèvement ”Femme. Vie. Liberté“, qui a conduit à l’exécution arbitraire de centaines de personnes à l’issue de procès manifestement inéquitables au cours de l’année écoulée, souligne la nécessité de renouveler et d’étendre respectivement les mandats du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Iran et de la mission d’établissement des faits des Nations Unies, lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il est également temps pour les États de lancer des procédures pénales, en vertu du principe de compétence universelle, à l’encontre de toutes les personnes soupçonnées de responsabilité pénale pour des crimes relevant du droit international, même s’il s’agit de hauts responsables iraniens. ».

À la mort de leur co-accusés, en janvier 2024, Anvar Khezri, Khosro Besharat et Kamran Sheikheh avaient observé une grève de la faim pour protester contre leur procès inique. Sans effet sur les autorités iraniennes, froides et cyniques.

Le septième co-accusé de cette imposture de procès est Kamran Sheikheh, lui aussi sous isolement depuis quinze jours, et tout indique qu'il sera hélas très prochainement exécuté. Honte à ce régime assassin, alors que dans les années 1970, l'Iran était un pays moderne avec les femmes capables de faire autant que les hommes, sans soumission de genre. Depuis 1979, la potence est devenue le seul outil pour se faire respecter. Que les victimes de ce régime abominable reposent en paix. Et que les tortionnaires s'inquiètent à jamais.


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Sylvain Rakotoarison (15 mai 2024)
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Pour aller plus loin :
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