Au ras des pâquerettes

par C’est Nabum
samedi 25 mai 2013

Le quidam mal embouché

Le Taliban vous salue bien !

Lors d'une joute épistolaire, un quidam, de moi inconnu, a eu l'outrecuidance de me traiter de Taliban. Quel pouvait être le crime abominable que j'avais commis pour me retrouver ainsi placé au ban de l'humanité ? Avais-je du sang sur les mains ? Menaçais-je l'équilibre fragile de nos sociétés de liberté ? Rien de tout ça et pourtant, la sentence terrible tombait sans nuance ni précautions oratoires.

Je défendais un cinéma associatif, un refuge de liberté et de culture dans notre ville. J'affirmais que j'avais fait le choix personnel de n'aller qu'en ce lieu en refusant de laisser mon argent aux rouleaux compresseurs que sont les salles multiplexes. Je suis convaincu que la pluralité, l'ouverture vers des productions différentes ne peuvent être défendues dans ces grosses machines réductrices.

Un bien pensant, un homme qui a des exigences de confort m'a jeté cet anathème. Je suis un taliban de la culture ! Il n'y a pas à discuter. Ce monsieur préfère le confort des salles popcorn et stéréotypes à l'aventure des cinémas du monde entier. Grand bien en fasse à son séant. C'est donc en ce lieu qu'il place ses exigences culturelles. Je ne veux pas lui jeter la pierre …

J'aimerais simplement qu'il tolère un autre point de vue sans cracher à la figure de celui qui défend la pluralité, qui souhaite le maintien d'une salle art et essais en boudant par solidarité les salles à fric et à uniformité. Mettre en application pour soi même une conviction profonde serait un crime pour ce monsieur aux fesses plus sensibles que ses neurones. J'en reste bouche bée !

Que va me dire ce digne représentant du mercantilisme élevé en religion, de l'hédonisme érigé en principe d'action, de l'indigence intellectuelle brandie comme bouclier ? Fait ce qu'il te plait ! La doctrine est belle, elle ne suppose nulle entorse mon cher monsieur. Acceptez cependant que quelques voix s'élèvent pour vous en dire les conséquences.

Continuez à ne fréquenter que les salles de ces grands groupes et bientôt, dans tous le pays, vous n'aurez plus le choix de vos films. Les mêmes, matraqués, imposés, formatés seront à votre disposition et les films différents n'existeront plus. J'ai le droit de dire ce risque, d'affirmer ma position sans supporter une telle insulte. Faites mais en connaissance de cause !

Je vais encore essuyer les foudres de ce monsieur bien sous tout rapport. Je me refuse également à acheter sur internet. Ce choix s'applique notamment pour le livre, ce bien si précieux. Il faut sauver nos libraires. Je m'applique à moi même cette conviction essentielle. Vous qui placez le confort de vos nobles fesses au dessus de toute considération idéologique, vous devez préférer la fréquentation d'Amazon à celle d'un vrai libraire …

Je ne prends jamais l'avion. C'est également un choix personnel que je n'ai pas la prétention de vous imposer. J'ai néanmoins le désir d'expliquer cette attitude, de la placer dans une conception du Monde qui n'est certes pas la vôtre mais qui a aussi le droit d'exister. Notre folie du transport conduit notre planète à sa ruine. Votre désir d'exotisme se moque totalement des générations à venir, c'est votre liberté. Permettez-moi simplement de ne pas adhérer à cette folie !

Je pourrais évoquer d'autres comportements que je m'applique et que je cherche à défendre par la confrontation des idées. Où donc est l'intolérance que vous m'envoyez à la figure ? Je mets en cohérence mes convictions et mes actions, c'est bien la moindre des choses. J'ai la prétention agaçante, je vous le concède, d'en faire part. Voilà ce qui me vaut cette insulte infâme, ce mépris abyssal !

Votre idéologie a beau être dominante, elle n'en demeure pas moins le fruit nocif d'un système totalitaire qui impose, qui force, qui manipule, qui conditionne la presque totalité de la planète. Se dresser contre cette tyrannie, ce n'est pas un acte violent comme vous semblez le prétendre. C'est une nécessité. Vous pouvez continuer à vous faire le valet de cet impérialisme insidieux et pervers, vous pouvez continuer à préférer votre confort à l'intérêt supérieur. Nul ne viendra vous contraindre à agir autrement, bien au contraire …

Mais laissez donc faire ceux qui ne suivent pas le même chemin. Évitez donc à l'avenir ces mots qui tuent, ces maux dont vous ne mesurez même pas le sens et la portée. Les voix discordantes n'ont pas à être réduites au silence, elles portent une vérité qui tôt ou tard sera à prendre en considération. L'idéologie n'est pas un gros mot, c'est ce qui fécondera nos lendemains si nous voulons qu'ils existent.

Talibanement vôtre.


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