Battre en retraite !

par C’est Nabum
jeudi 19 janvier 2023

 

Sauve qui peut…

 

La grande armée est En-Marche, elle avance vers son destin. Inexorablement, les maréchaux d'Empire assènent leurs arguments, déploient leur stratégie, affûtent leurs éléments de langage pour poursuivre dans la voie qu'a fixé le grand petit homme qui les dirige. Sur un sol fragile, dans la tempête sociale, la tourmente des sondages d'opinion et les précipitations d'indices toujours plus défavorables, il faut maintenir le cap.

Qu'importe les morts qui resteront en route sous les coups des inégalités sociales, de la pénibilité de certains métiers, de la faillite du système de santé qui ne permet plus un accès aux soins pour tous, il faut poursuivre la route sans se retourner. Il est vrai que ceux qui resteront sur le bord du chemin, ne valent pas tripette pour ces seigneurs de la guerre économique.

Le petit personnel, les soldats du génie, les cantiniers, les brancardiers et tous les fantassins vont tomber en cours de route, fauchés par le chômage, la maladie, les accidents du travail tandis que l'état-major, la cavalerie et les cadres de l'armée, seront une nouvelle fois épargnés. Il en a toujours été ainsi dans toutes les armées du monde, la chair à canon est quantité négligeable.

 

Alors, s'il y a quelques mutineries, il faudra faire appel comme à chaque fois au bras séculier, aux tribunaux militaires, au peloton d’exécution. Bien-sûr les temps ont changé, il conviendra d'y mettre un peu plus de forme mais rassurez-vous, durant les dernières manœuvres à grande échelle, les bleus ont mis la pâtée aux jaunes en y mettant les gros moyens.

Désormais tout est en place pour étouffer dans l'œuf les révoltes. L'armement des forces de la paix est conséquent, ils savent qu'ils auront l'appui des correspondants de guerre urbaine qui diffuseront des images désolantes des hordes sauvages qui s'en prennent aux magasins, aux installations publiques, aux véhicules et aux braves soldats de la paix.

Il faudra taper fort car la campagne qui s'annonce est à défaut d'être juste, parfaitement efficace pour réduire encore plus les futures pensions militaires tout en faisant de grosses économies en laissant sur le carreau bien des réfractaires. Les maréchaux se frottent les mains, ils gagneront de belles médailles sans jamais regarder le revers de leur ignominie.

Qu'importe la multitude qui se dressera pour dénoncer la retraite. Ceux-là de toute manière sont condamnés à la misère tandis que les troupes loyales seront largement récompensées. L'Empereur n'est pas là pour compter les dégâts collatéraux, sa mission est toute autre. Il entend rétablir un système de classe, de caste. Il favorise les uns et dépouille les autres. Sa Garde rapprochée ne se rendra pas à l'évidence et laissera mourir à petits feux les exaltés de la rébellion.

« Laissez-les s'épuiser dans des combats d'arrière-garde. Ils n'ont du reste guère de munitions pour tenir bien longtemps. Nous avons réduit leurs soldes, augmenté les prix de la cantine, nous avons frappé au porte-monnaie pour qu'ils se soumettent ou qu'ils crèvent ». Notre chef suprême retourne avec plaisir dans le discours guerrier, il a compris que par la peur et la terreur, il est possible de casser toute rébellion.

Il a encore appris que retourner des troupes ennemies est un bon moyen de remporter le rapport de force. Il a trouvé de misérables mercenaires prêts à vendre leur âme pour se ranger derrière sa réforme. Les félons sont nombreux dans pareil cas. Fort de ce retournement de circonstance, il entend gagner la bataille et laisser derrière lui les exclus de la galette.

Battre en retraite n'est pas très grave pourvu que l'on sauve l'essentiel : les gradés et les troupes d'élite. Le petit peuple de toute manière est d’ores et déjà condamné à la misère.

À contre-temps.


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