Ecrire en analogique ou en numérique ?
par L’enfoiré
vendredi 23 janvier 2009
Un copain me disait, récemment, à la lecture d’un de mes textes que j’écrivais souvent comme je programmais. Pas faux, me suis-je dis. Je l’avais même écrit dans un de mes anciens articles « Le mal au blog » en disant que je ne voyais pas tellement de différences dans les deux disciplines.
"Les gens aiment bien qu’on les aide, qu’on les amuse et il ne faut pas trop les fatiguer", m’informait-il. "L’écriture n’est pas de la programmation", ajoutait-il pour m’inciter à plus de réserve, plus de souplesse ou moins d’autres choses dont je laisserais des traces personnelles. La façon d’écrire ne fait que refléter une foule de préalables.
On a déjà écrit sur le sujet, mais il était plutôt question de technique.
Alors, je me suis interrogé, introspectivement. Serais-je trop hermétique, trop froid comme le prétendait mon copain ? Pas de sentiments à chaud.
S’ils existent, sont-ils trop distillés derrière des pare-feux ? Le titre m’est venu par sa modernité. Qu’est-ce qui fait l’analogique ? Comment devient-on numérique ? Définir ce dernier petit nouveau est peut-être plus facile que de définir l’analogique humain.
L’idéologie de l’émotion communiquée par la chanson et la poésie serait dans le camp analogique dans son exclusivité. La froideur scientifique et de la raison dans l’autre.
Pourtant, question : Pourquoi comptait-on les pieds en poésie auparavant, sinon pour y associer le côté numérique ? C’est bien beau un quatrain. L’habitude qui part et qui revient de plus belle dans le mouvement de la chanson "rap", revendicative, scandée même dans une litanie avec peu d’observations analysées et des rimes finales très approximatives. Le côté chantant n’est manifestement plus là quand il s’agit de revendiquer. L’agréable disparaît pour faire passer "le" message qui n’est plus aussi rose qu’on le voudrait. L’harmonie a du plomb dans l’aile. L’époque a changé. Nous sommes en crise et cela ne date pas d’hier. Internet a fait ressortir une lassitude de l’angélisme et la chanson d’amour des "Années bonheur". A la recherche de nouvelles valeurs, dit-on. Mais quelles valeurs ? Cherche-t-on là où elles sont réellement ?
La programmation a une logique. La dichotomie du numérique s’associe normalement d’un arbre construit hiérarchiquement appelé organigramme comme squelette. L’écriture n’en aurait-elle pas ? L’analyse ne ferait pas partie de l’analogique.
Mes phrases seraient des instructions. Une erreur d’appréciation ou de tournure de phrase, un « bug ». Des erreurs d’écriture, des défauts qui se développeraient sans émotions. Alors que, dans les mains de l’artiste, les erreurs en deviendraient des diamants de beauté.
Nous retrouvons les sciences exactes face aux sciences humaines. Construire avec un préambule et des préalables à la thèse développée en chapeau. Des paramètres contenus et définis avant de procéder. La recherche des sources comme moelle épinière. Le pied de l’article avec ses conclusions plus intimistes, plus subjectives. Voilà, ma technique. Aurais-je dévié à ma tâche en cherchant la structure en tout ?
Le joueur d’échec, calculateur, aussi, voit, lui, plusieurs coups à l’avance. Un rédacteur qui se respecte ne devrait en connaître tous les coups de manière exhaustive. Il n’y a pas de hasard chez lui. Le scénario est connu, seule la forme est extensible ou non.
Le nouveau schisme de l’analogique et du numérique, n’en serait-il qu’illusion ? La nouvelle lutte entre cœur et raison, peut-être aussi. Artiste ou scientifique ou technicien ? Religion ou laïcité ? Foi contre espérance. Oppositions surfaites.
Le programme de différences et d’idées pour éveiller l’intérêt, la curiosité du lecteur par l’information ou par les seuls états d’âme qui se rejoignent toujours à l’infini. Amour courtois ou platonique que l’on retrouvait dans l’histoire sans même parler de numérique.
Écrire est le reflet de soi. Question de philosophie d’écriture et de manière de vivre, très certainement. La "rigueur" du rapport des faits ou la "décoration" enjolivée du poème. Aboutissements de deux formes d’écriture.
Le temps pour accomplir cette entreprise humaine, donne aussi une différence notoire entre les deux styles et leurs approches. La méthode analogique se limitant dans l’instant et l’instinct sur un coin de table. La méthode numérique moins consensuelle qui prendrait plus de temps pour se structurer dans la rigueur et la recherche de preuves tout azimut. Une musique, construite avec des phrases qui se terminent par des rimes pour le suivant. Dans les deuxième cas, pourtant, de manière pragmatique, les mêmes 26 lettres d’un alphabet organisées en mots, en phrases, en chapitres.
Est-ce faire preuve de trop peu de spontanéités que de prendre le temps pour écrire ? Je suis persuadé du contraire. Écrire un billet, un article est une foule de spontanéités mises bout à bout et cela, pas nécessairement devant une feuille blanche. Les idées viennent quand on ne s’y attend pas. Avoir le bout de papier sous la main pour se rappeler d’une élucubration passagère dans la systématique est alors le secours.
Analysons le phénomène, plus en détail, jusqu’à l’extrapolation.
Une construction programmatique ne joue pas dans le mélodrame. Elle se veut informative, exhaustive, sous forme de rapport le plus objectif et suggestif pour engendrer des réactions. Il y a les faits qu’il faut faire partager dans leur vérité en séquences chronologiques bien dissociées. Pas de panique. Du réel et du tangible. Des blocs de pensées avec une architecture structurée, complétés dans des temps plus ou moins longs, dans des espaces plus ou moins larges, appuyés par l’expérience et l’enseignement.
Pas de premier jet que l’on solde trop vite dans la boîte. Pas de répétitions, de redondances que les programmes détectent avec facilité. Pas d’endoctrinements, pas d’arrêt sur image. Des images qui se suivent du temps « x » au temps « y » avec des paramètres qui changent en permanence.
Technique de l’éprouver avec l’esprit en arrière plan et le cœur comme muscle plutôt qu’inspiration.
Pour parler dans le langage de la programmation, nous serions déjà à version 15.002 en gardant la mise à jour sous le manteau alors que le programme de l’autre serait toujours accroché à la version stabilisée n° 12.0.
Alors écrire, c’est quoi ? Trouvons-nous des idées dans des rayons d’une même librairie ou de magasins différents ?
La réponse trouve son origine derrière l’éducation et la formation de l’ego de son écrivain.
Pas de différence pourtant dans le mal à sortir ses mots dans les deux cas. Le fond fait partie des deux versions mais la forme prend des couleurs différentes.
La préface du livre d’Olivier de Kersauson, "Ocean’s songs" disait dans la préface que son livre lui avait été incitée suite à la rencontre qu’il a fait avec les fondateurs de Google. Rencontre entre celui qui avait passé sa vie à courir le monde et ceux qui l’ont apporté à domicile dans une dématérialisation du savoir. Deux personnes qui se ressemblent pourtant dans le virtuel ou réel mais qui restent sur de lignes parallèles, en se frôlant sans vraiment se toucher en dur. Deux mondes qui ne se comprennent qu’avec l’aide d’un mémento de vocables propres.
Il est à constater que chez l’interlocuteur de l’autre bord, il se trouvera une certaine aversion si le texte en lecture ne correspond pas à sa propre approche.
Problème plus existentiel que l’on résume ou assume avec sa propre vision. Le dialogue devient aussi compliquer qu’entre le religieux et le laïc sans confession sinon celle de la raison.
Trouver des compromis sans compromissions devient la difficulté majeur.
Les États-Unis sont un bouillon de culture des deux bords. Ils se chevauchent, s’imbriquent même avec des extrêmes incompréhensibles pour l’Européen. Créationnisme contre évolution. Même dans l’écriture. Les événements sont des agents de rencontres et de liaisons. Pas d’hommes bioniques mais des hommes de chair et de sang qui raisonnent. Le « to be or not to be » pourrait-il se transformer en « Believe it or not » et en "God bless you" dans ce cas ?
Voltaire, l’homme des Lumières, disait tour à tour "Moi, j’écris pour agir" et "Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer". Paradoxe de l’homme qui pense dans toute sa splendeur.
Gardons des interfaces, des vulgarisateurs, qui font les liens généralistes, sans gadgets entre ces deux pôles de l’attraction humaine.
Je m’en vais, dès lors, moi, "le numérique", compter les pieds de mon « poème ». A vous, « analogistes », de chercher les rimes. C’est décidé, je ne me lancerai qu’avec précaution dans les textes de chansons. Mais, imaginez ce que ce serait des chansons enfoireuses. Cela aurait du pied mais sans les mains.
Même Laurent Voulzy avouait que "Toutes les chansons racontent la même histoire".
Amusant de trouver dans la presse récente, ce choc des idées. Dans le même temps, on rencontre des périodiques qui rappellent que nous entrons en 2009 avec la tête dans les étoiles dont je parlais dans la "Théorie du tout" et qu’en même temps, fleurissent des articles qui on trait essentiellement à la religion. Sciences et vie, le côté "astronomie". Celui de l’astrologie, ailleurs. Historia parlait d’"Enfer et de Paradis", le magazine "Le monde des religions" de "La femme dans la religion".
Le Siècle des Lumières confronté à l’accroissement des créationnistes.
Caricatural tout cela ? Pas vraiment.
Le magazine « Science et Vie » l’a très bien compris d’ailleurs. Il joue sur les deux tableaux. Car, la Nature avec un grand « N », celle qui navigue entre les deux, on en jouit ou elle devient une ennemie pour les deux parties.
Aucun fatalisme, aucun surnaturel, aux travailleurs de l’ombre et de la lumière. Mais, au fait, qu’en pense les robots ? L’astrophysicien, Jean Pierre Petit, a même créer une genre nouveau la Bande Dessinée Scientifique dans un savoir-sans-frontières. Le 7ème ciel n’existe pas et n’est qu’un mythe. On vit seulement avec des illusions et des utopies que l’on retrouve comme la carotte devant l’âne de Buridan.
Pour toucher à l’actualité, sommes-nous à une autre croisée des chemins qui se matérialise par une personnalité comme Barack Obama, qui a probablement plus un programme de tout changer sans rien changer ? Paradis socialiste contre enfer capitaliste, lisais-je dans l’un des magazines. Un axe du mal ou du bien ? Certainement pas, surtout quand l’enfer, c’est toujours les autres. Son discours d’investiture va être très étudié sous toutes les coutures.
Dès le lendemain, c’était parti. Comment parviendra-t-il à renverser la situation ? Un travail de Titan. Alea jacta est.
Aura-t-il un esprit plus analogique que numérique ? Il faudra très probablement les deux. Il faudra comme disait Max Gallo en parlant de l’histoire "Imaginer avec prudence ce qui peut survenir et aussi s’y préparer, de tenter parfois de l’éviter et quelquefois de la favoriser". Pas de miracle, pas de prophétie à rechercher là-dedans. Du pragmatisme avec l’histoire qui reste le laboratoire de l’homme.
Nous l’avons, peut-être, échappé belle, d’ailleurs.
Jean-Luc Hees écrivait dans son livre qui se voulait le plus humoristique sur le sujet "Obama, what else ?". Le livre décrivait sans complaisance chacun des compétiteurs.
Obama avec « Yes, we can » pour saluer le "Retour du Jedi", de Rambo, du "Magicien d’Oz", avec, cette fois, « Out of Africa » vers un autre « American Dream » dans une "Stratégie du Choc" des idées et des mots, comme une autre ? Un homme complet, honnête, intelligent, courageux, intègre, charmeur, humoristique, sérieux avec l’analogique dans le cœur et le numérique dans la tête. Tout un programme. Programme mis en opposition avec la manière plus numérique de Sarkozy. Bling-bling contre Bing-Bong, je suis là et bien là ? Il faut retourner à la visite d’Obama chez Sarkozy pour en sentir déjà les prémisses.
"La démocratie et la politique sont trop important pour la laisser dans les seules mains des experts." disait quelqu’un.
Écriture, une passion des lettres à partager comme moteur de contacts. Tellement, volatiles et volontaires, ces écrits.
Ces mots, constitués que d’un ensemble de 26 lettres dans notre langage. Bien suffisantes pour en faire un fromage.
Les acteurs-lecteurs de cet échange, eux, seront-ils, analogiques ou numériques dans un match du cerveau émotionnel contre néocortical ?
Entrez vos mots de passe en minuscule, comme il est dit, et ne répondez surtout plus par la question : "Les chiffres, aussi en minuscules ?"
Avoir les boules, ça se fait aussi bien avec le boulier compteur que par les coups de boules.
Oui, brasseur de l’information pour taquiner les neurones, iconoclaste à mes heures et avec humour, ça me botte...
L’Enfoiré,
La manière d’écrire, une affaire de génome aussi à en voir les commentaires ?
Citations,
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« Réjouissons-nous de l’émergence du numérique et des services en ligne ou portables. La construction de gigantesques bases de données va permettre de retrouver la radio "en stock", c’est-à-dire quand on le veut, là où on le veut. », Jean-Marie Cavada
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« Pourquoi les gens naissent-ils ? Pourquoi meurent-ils ? Et pourquoi cherchent-ils dans l’intervalle à porter le plus souvent possible une montre à quartz numérique ? », Douglas Adams
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« Je jette un bouquet avec des fleurs de toute nature en espérant que les gens se serviront à leur gré », Jacqueline Rousseau
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« Quand les hommes veulent savoir l’histoire qu’ils font, ils tentent toujours de comprendre l’histoire que d’autres hommes ont faite avant eux, le plus souvent en ignorant le chemin qu’ils traçaient", Max Gallo