Gibier de potence !

par C’est Nabum
lundi 22 avril 2013

En direct de ma Segpa

« J'espère vraiment me tromper »

Je vous ai déjà parlé de ce garçon qui est si désagréable avec tous les adultes, ses camarades filles et tous ceux qui veulent simplement être des élèves respectueux. Pour appartenir à la cour de « M » il faut déjà montrer des signes de rébellion ou de mépris, se targuer d'être une graine de voyou et user d'un langage que nous qualifierons élégamment d'excrémentiel...

« M » est encore un adolescent dans un déjà presque corps d'adulte. À quinze ans, il a oublié depuis longtemps son enfance. Il avance d'un pas chaloupé, protégé, camouflé sous deux capuches qui l'isolent totalement de ce monde qu'il déteste. « M » arrive toujours au dernier moment dans notre établissement. Il attend la sonnerie pour daigner se présenter d'un pas nonchalant, de cet air de celui à qui on ne le fait pas.

S'il est engagé dans une conversation téléphonique (il faut bien que les affaires se fassent) il ne l'interrompra pas. Son retard sera plus conséquent mais qu'importe, il semble au dessus des règles et des réprimandes. D'ailleurs, il fusille du regard l'adulte qui ose la plus petite remarque, un regard qui fait peur, un regard chargé de tant de menaces qu'il est compréhensible de reculer devant ce regard noir et méchant.

« M » s'installe lentement, ne quitte pas son manteau et ses capuches. Il tourne le dos à l'adulte et s'assoit de son propre chef. Il me faut une grande fermeté pour obtenir ce qu'il ne fera pas avec d'autres. Le cours ne le concerne pas. Il intervient pourtant assez souvent pour dénigrer les contenus, se plaindre de la faiblesse des cours, de la médiocrité de ses camarades, de l'ennui qu'il y a de subir pareille torture.

Il est évidemment bien au dessus des autres élèves. Il a un niveau scolaire qui aurait pu lui permettre de suivre dans l'enseignement général. Mais il se trouve chez nous pour détruire les efforts que nous pouvons faire, pour entraver le droit d'apprendre de ses condisciples (si ce terme à un sens quelconque pour lui).

« M » est un homme de clan. À la récréation, il s'isole, se met à l'écart de la plèbe. Il regroupe autour de lui sa bande de garçons, tous en admiration devant celui qui trône au centre du cercle. De quoi parlent-ils ? En quel langage ? Je n'en sais rien. Il est aux aguets, il surveille les adultes, tous des ennemis potentiels ou déclarés. Il complote, il a une vie en dehors de l'école, il vit des aventures qui ne sont certainement pas de son âge. Il a des ennuis avec les autorités.

Il a une influence particulièrement négative sur ceux qui lui vouent une admiration sans borne. Quand il n'est pas là, curieusement, on découvre alors des élèves plus calmes, agréables, qui acceptent de travailler et sont fiers d'une bonne note. Quand il est là, ils sont transformés. Ils doivent être à la hauteur de leur modèle …

« M » accumule les sanctions comme d'autres, jadis les bons points. Il insulte un professeur, déclare que sa classe sent la « chnèque » à sa mère. Il refuse systématiquement de s'excuser, choisit le travail qu'il condescend à rendre, ne répond pas à toutes les questions, s'habille, se lève et sort dès la sonnerie sans attendre d'y être invité. Il est maître à bord et ne reconnaît que son Dieu pour lui imposer sa volonté.

Il dépasse toutes les bornes. Vous pouvez croire que j'exagère. Nous l'avons envoyé vivre une expérience dans un autre collège. Une journée a suffi avant que d'en être exclu. C'est une tête brûlée, c'est un malotrus, c'est un gamin qui se prend déjà pour un caïd. Il n'est d'ailleurs pas suivi. Personne n'est venu chercher son bulletin. Il n'avait pas transmis l'information, j'ai appelé un père qui refuse de s'occuper de ces questions sans importance. Tout va bien !

« M » est surtout une calamité pour les filles. Il les terrorise, ignore leurs prénoms, ne leur adresse jamais la parole, refuse de s'asseoir à côté de l'une d'entre-elles. C'est un modèle d'intolérance, un garçon qui se prétend pratiquant alors qu'il nous donne l'image d'un individu sans foi ni loi. Je n'évoque pas son comportement vis à vis de mes collègues femmes …

Il est un parmi quelques autres. Des exceptions certes, des gamins qui rentrent dans les cas limites, la petite portion incongrue qui pourtant détruit avec une rare efficacité notre école. Ces quelques mômes, minorité agissante sapent de l'intérieur, minent l'édifice, réduisent à néant les énergies et les règles. Que pouvons nous opposer face à leur inébranlable détermination ?

« M » hérite ici du terrible qualificatif de gibier de potence. C'est bien le rôle qu'il nous joue à longueur de représentation. Il épuise les bonnes volontés, désespère les maîtres, décourage ses camarades, mobilise les conversations, émiette les cours. C'est un terroriste du quotidien scolaire. Pourquoi faut-il continuer à subir ce triste personnage ? Au nom de quelle logique stupide ? La survie de l'institution passe par une réponse appropriée face à de tels gamins, « Gibiers d'impuissance »

Insupportablement vôtre


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