Histoire d’un chat noir

par C’est Nabum
samedi 5 janvier 2013

Une Bonimenterie de mon pays 

La ville des chiens à sa merci …

Il était une fois un chat noir irascible et belliqueux qui avait possession des quais dans une ville des bords de Loire. La cité était tenue par une meute de chiens qui, pour d'étranges raisons, avait abandonné le pierré à la gent féline. L'histoire de nos ponts le rappelle, les chats ont toujours eu commerce avec le diable le long de la rivière, et plus ici qu'ailleurs, la chose est vérifiée.

Notre chat noir rodait en maître le long de la rivière. Il chassait de son royaume souris et mulots, mouettes et cormorans, curieux et envieux. Point de chats de gouttière ni de gentils matous, seul il voulait parader en son domaine, la queue redressée, le poil hérissé pour montrer à tous qu'il n'entendait pas supporter le moindre rival.

Curieusement, il avait conclu un accord mystérieux avec le chef des chiens. Le gros berger qui régnait sur la meute lui avait octroyé le pouvoir sur les bords de la Loire. On prétend souvent que les chats n'aiment pas l'eau, celui-là démontrait le contraire et c'est avec un plaisir sans partage qu'il y promenait ses griffes !

Malheur à qui venait troubler son onde pure. Le chat, impitoyablement, le poussait à l'eau. Point d'autre animal, mon amiral, semblait-il se dire, car telle était la fantaisie de l'animal, il se prenait pour le plus haut gradé de la flotte. La folie le gagna et bien que la chose paraisse impensable, notre chat noir se prit du désir insensé de naviguer.

Pour montrer à tous qu'il n'avait pas son pareil, il prit la barre du plus gros rafiot des lieux. Un chat au gouvernail, la chose peut surprendre mais dans la cité des chiens, rien ne se déroule de manière ordinaire. Tout est possible et c'est d'ailleurs ce que cette fable va s'évertuer à vous montrer. Du haut de sa tourelle, notre chat eut la folie des grandeurs. Il ne tolérait désormais plus aucune autre embarcation à flot.

C'est ainsi que le long du quai de biens mystérieux naufrages survinrent. On se demande bien pourquoi au fond de l'eau, on retrouvait les bateaux. Étrange épidémie que voilà, d'un coup de griffe bien placé, des frêles esquifs sombraient dans l'indifférence féline. La vie n'était pas simple quand on avait le déplaisir de n'être pas l'ami du matou.

Pire encore, les chiens policiers étaient les cerbères des lieux. Gare aux autres chats qui s'aventuraient à laisser les gamelles ou leurs litières sur le pierré.. C'est à la fourrière qu'ils se retrouvaient sans autre forme de procès. Seul le chat noir et ses amis pouvaient sans crainte se poser où bon leur semblait. Le chef de la meute ayant une préférence affichée qui ne cessait de chagriner les pauvres chats battus.

Chaque fois que la ville faisait la fête, les chiens attendaient du chat noir qu'il fît étalage de son savoir naval. On lui confiait même la responsabilité de permettre la traversée du fleuve à une magnifique petite chienne de berger qu'on célébrait tous les ans en ce lieu. Auréolé de ce prestige magnifique, le chat noir avait le poil brillant et le port de tête altier. Il toisait alors d'un regard dédaigneux les pauvres chats pelés qui restaient à quai.

Dans la ville des chiens, les chats se faisaient des grimaces. C'est le bien triste résultat du règne sans partage du chat noir. Chaque bande féline enviant sa voisine, cherchant malgré tout à obtenir menues faveurs de celui qui ronronnait devant le chef de la meute. Les animaux, vous devriez le savoir, ont les mêmes travers que leurs amis les hommes. Il n'y a pas à s'en étonner hélas !

Les années passèrent ainsi de coups de griffes en batailles nocturnes, de traîtrises en querelles incessantes. Les chats se battaient comme des chiffonniers, les chiens prenaient toujours fait et cause pour le chat noir dont le pelage finissait par ternir. Ce qui devait arriver survint inévitablement. Une troupe d'oies, venue on se demande encore bien d'où, prit ses quartiers sur le duit d'en face. Les oies d'année en année se firent plus nombreuses tant et si bien qu'un beau jour, elles décidèrent d'investir la berge.

Le règne du chat noir prit fin à dater de ce jour. Rien n'est plus terrible qu'une oie qui défend son bout de pavé. Au Capitole, les troupes gauloises en avaient fait amèrement l'expérience. Notre chat noir peu enclin à connaître son histoire en deçà de l'année 1429, connut à son tour l'humiliation et le déshonneur.

D'un coup de bec bien placé, un jars fit rendre grâce à notre vilain chat noir ! D'autres prétendirent qui lui vola dans les plumes, ce qui semble peu probable. Toujours est-il que c'est perché sur une bourde, le corps enduit de goudron et couvert de plumes d'oie, que le chat noir quitta la ville sous le regard impuissant de son ami le chef des chiens !

Depuis ce jour, dans cette ville, tous les animaux font bon ménage en bord de Loire. Castors et oies, mulots et chats de gouttières, hérons et sternes, animaux des quais et animaux de l'eau se donnèrent la patte sous le regard émerveillé de leurs amis les chiens. Un seul être vient à manquer et parfois la vie en est facilitée. C'est la morale de cette fable dont il faut une clef pour en ouvrir le cadenas ! Si par hasard elle faisait grincer quelques dents, il suffirait que chacun en vienne à des positions plus sages pour que la concorde règne à nouveau au pays des chiens !

Chapitrement vôtre.

http://www.youtube.com/watch?v=OdN8zyMbrtw


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