Kafka et le quatuor des Bermudes

par Pierre JC Allard
mercredi 17 juin 2009

Oui, Oui, c’est une parodie. Vous ne saviez pas que la vie est une blague ? Une caricature d’un original qui est dans un Ciel agrémenté de jeunes vierges et jalousement gardé par des anges ? Kafla, c’est pour rire. Comme Dieudonné. Marrons nous bien, y a que ça de vrai...

Oubliez le Triangle des Bermudes. Ces mystérieuses disparitions de navires et d’avions qui font les beaux dimanches d’août des publications spécialisées en Martiens et femmes à barbes à deux têtes palissent de banalité, maintenant que la petite île de l’Atlantique s’est trouvée une véritable vocation au-delà des bicyclettes et des terrain de golf : l’accueil des Ouighours.
 
Pour le moment, ils sont quatre. Un quatuor de Ouighours qui pataugent dans la mer turquoise. Peut-être en viendra-t-il d’autres, car ceux qui sont là ont l’air d’apprécier. Il faut dire qu’après 7 années de détention à Guantanamo, on aime bien quelques jours de vacances…. Qu’est-ce qu’un Ouighour ? Un musulman, de la province chinoise du Sinkiang. Comment un Ouighour va-t-il aux Bermudes ? En se fâchant avec les Chinois et en se réfugiant en Afghanistan. C’est tout près. Prenez la Route de la Soie vers l’est, tournez à gauche n’importe où et cherchez des gens qui n’ont pas peur des Chinois. Quand vous trouvez un camp confortable, planquez vous.

Si votre camp est bombardé, c’est sans doute les Américains. Fuyez vers le sud, traversez la premiere frontière, vous êtes au Pakistan. Tous musulmans. On est entre frères, mais les temp sont durs… Ne vous étonnez donc pas si la population locale, qui n’en a rien à cirer de vous, de la Chine ni de l’Asie Centrale en bloc, vous vend aux autorités pakistanaises pour un chameau ou un yak. Les susdites autorités vous refileront alors pour quelques dollars aux Américains qui cherchent Bin Laden. Vous êtes sur la bonne voie.

Chez les Américains, musulman, vous êtes dangereux. Vous étiez dans un camp ? Ça se gâte… Vous avez eu des mots avec les Chinois ? Impossible. Il n’y a pas de cases à cocher pour “Ouighour anti-chinois”. Les Chinois ne sont plus dans l’Axe du Mal – because tous ces trillions qu’on leur doit, n’est-ce pas – mais ils ne sont pas vraiment dans l’Axe du Bien. Votre cas est bien ambigu… Hop, charter sur Guantanamo !

Salahidin Abdulahat, 25 ans, et trois copains vont passer 7 ans à Guantanamo. Sont-il des terroristes ? Avaient-ils l’intention coupable de faire le coup de feu contre les G.I ? On les interroge, mais il y a toujours cette histoire de Chinois qui revient. On va donc les faire interroger aussi par les Chinois. C’est là que Kafka pourrait nous aider car, pendant 7 ans, on ne s’est pas apercu qu’ils n’avaient pas le profil Al-Qaeda. Mauvaises questions, sans doute.

7 ans. Jusqu’à ce qu’Obama décide que Guantanamo est bien encombré. Là, la lumière s’est faite. Parmi tous les gens à qui l’on n‘avait rien a reprocher, il n‘y en avait pas de plus inoffensifs que le Ouighours. Allez, sortez-moi ça ! Mais les Américains n’en veulent pas aux USA et les renvoyer chez eux serait mauvais pour l’image, car le Sinkiang est toujours en Chine où ils risqueraient la version orientale du waterboarding. Donc…

Donc, vite dans la cour du voisin. Le voisin, c’est les Bermudes. On peut s’arranger… Le quatuor Ouighour se retrouve donc sur le sable blanc des Bermudes au frais du contribuable américain et ça pourrait durer longtemps. Moins cher que de les garder en tôle, de toute façon…. Ils y auront peut-être des enfants et des petits enfants… Peut-être un mystère pour les anthropologues de l’avenir.

Agréable dépaysement pour Abdulahat, qui a maintenant 32 ans, car il est difficile sur cette planète de vivre plus loin de la mer qu’au Sinkiang. Il dit qu’il n‘en veut pas du tout aux Américains pour ces années à Guantanamo. Khaleel Mamut, un autre du quatuor, dit qu’il adore les Bermudes. “Vous lancez un appât, le poisson mord toute de suite… “

Il y a 13 autres Ouighours, encore à Guantanamo, et ils adoreraient aussi, sans doute. Prenez des Américains, des Ouighours, des Chinois, une plage aux Bermudes… et on peut faire du vaudeville avec Kafka. Tout est bien qui finit bien. Pourquoi “les” Bermudes, alors qu’il n’y en a qu’une ? Souvenez vous seulement que Dieu est grand et que les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre.

Pierre JC Allard


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