La chasse aux œufs

par C’est Nabum
samedi 20 avril 2019

Pâques aux oisillons

Qui n’a pas organisé sa chasse aux œufs ? La main sur le cœur, il convient de renouveler sans cesse la tradition tout en défendant la confiserie tricolore. Les poules, les cloches et les lapins sont désormais chocolat. Seul l’œuf a le vent en poupe, lui qui se sème à tout vent dans tous les parcs et jardins, permettant aux enfants l’art délicat de marcher sur des œufs.

Le petit emballage restera longtemps un souvenir précieux pour cette quête magnifique. L’enfant déballe et dévore, ne se souciant guère de préserver une nature si prolixe en merveilles. Dans le lot des petits urbains en quête de caries, il en est même qui ignorent que l’œuf vient de la poule, non pas cet ersatz de l’industrie chocolatière, mais le véritable avec coquille, jaune et blanc à l’intérieur.

Nous faisons notre nid de telles fadaises, oubliant les traditions véritables et cette quête des enfants qui jadis allaient célébrer le retour du printemps en quémandant des œufs véritables, frais et biologiques dans les fermes contre de belles chansons et parfois une petite pièce en prime. C’était une époque d’ailleurs où les gens savaient chanter tout autant que recevoir.

Nous sommes passés imperceptiblement d’abord et de plus en plus brutalement au fil du temps dans l’ère de la surconsommation. Tout ce qui se vend est béni et il convient d’avoir deux choses essentielles pour célébrer une tradition revisitée par les marchands du temple : une bourse bien remplie et de l’estomac. Le gavage est à ce titre la plus grande préoccupation des organisateurs, oublieux sans doute que l’œuf d’Oie est bien plus gros que celui de la poule.

Je devine aisément le risque de me faire sonner les cloches à tenir des propos si peu consensuels dans cette période de vaste réconciliation autour d’un monument religieux en péril. C’est d’ailleurs faire fi du rituel catholique car d’une part l’incendie a fait couler les cloches en chocolat et celles-ci ne sont plus fondues en France et d’autre part, Pâques ne se célèbre qu’au pain sec et au vin.

Je peux tout aussi bien me faire voler dans les plumes, prendre quelques coups de becs à moquer la fureur de ces chasseurs qui veulent gober tout ce qui traîne. Il convient de couver nos futurs chevaliers de la consommation en les habituant à se jeter sur tout ce qui se mange lors des fêtes calendaires. Si la Dinde se donne en sacrifice à Noël, c’est l’agneau qui passe à la broche à Pâques tout en se demandant avant de trépasser quelle relation peut-on bien établir entre lui, pauvre bouc émissaire et les œufs cacaotés.

Je devine la perplexité de ceux qui se posent les vraies questions et qui, dans l’indigence orthographique de l’époque tentent vainement d’expliquer la distinction entre crises de foie et de foi. C’est à mon tour de surveiller mon clavier cherchant à traquer la plus petite coquille et ainsi à me faire prendre au jeu diabolique de la période.

Soudain je me rends compte que Noël se contente de crottes tandis que Pâques réclame des œufs. Ne serait-ce pas là une inversion des victimes expiatoires. La dinde laissant des œufs avec son sacrifice de la nativité, tandis que l’agneau libère ses déjections lors de la période pascale. Voilà enfin une logique dans tout ce cirque culinaire.

Mais j’y pense, puisque l’heure est à la reconstruction, vous feriez bien de surveiller les œufs semés sur le parvis de Notre Dame. Il se pourrait bien qu’ils soient en Or, pour peu que quelques généreux donateurs se soient mis en tête de participer ainsi à la grande œuvre de rétablissement des croyances même si ces grands capitalistes savent mieux que quiconque qu’il convient de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. Le Paradis fiscal est à ce prix.

La boucle est bouclée, certains vont tirer les marrons du feu tandis que le fils du charpentier lui même ira enfoncer le premier clou de la nouvelle charpente sous le regard des caméras du Monde entier. La France alors se relèvera de ses cendres, la croyance en la résurrection trouvant là, plus beau symbole encore que l’œuf de Pâques, pourtant symbole de la renaissance printanière.

J’espère que vous avez suivi ce billet sans queue ni tête. L’œuf dans sa forme ovoïde donne naturellement naissance à bien des surprises. Je vous ai mené en bateau avec délectation. Le rapport me direz vous ? La coque tout naturellement !

Ovulement vôtre.

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