La chocolaterie du Saint siège
par C’est Nabum
lundi 18 avril 2022
Crise de foie au Vatican
Une cloche, un lapin et une poule tinrent grand conciliabule autour d'un œuf qui les intriguait tous les trois. Si les deux premiers étaient certains de n'être en rien responsables de l'œuf la poule prétendit la main sur le cœur que son coq lui ayant depuis longtemps posé un lapin, il n'était pas question pour elle de procréer en ce jour de la résurrection du Christ.
Que l'œuf se trouvât ou se trouve ? sous cloche et non pas sous couveuse sema le trouble chez le lapin qui songea qu'il pouvait y avoir là un autre miracle, une nouvelle expression de la métempsychose par le truchement d'un morceau de la vraie croix, une forme de clou du spectacle pour parachever dignement la période du carême.
La cloche fut prise de violents maux de tête. Non seulement on lui avait envoyé tous les chemins qui peuvent se rendre à Rome mais qui plus est, on la rendait responsable d'un miracle qui tenait plus de la coquille que de la légende dorée. Il y avait de quoi avoir le bourdon, ce qui ne manqua pas de lui arriver.
Les trois complices se dirent alors qu'il serait bon de proclamer pour l'occasion une trêve en ce jour béni. La chose fut établie quand un comparse sonna le rappel en prétendant que l'œuf venait de faire un malaise. Il se fendillait de toutes parts sans pour autant laisser s'échapper un poussin. Bien au contraire, il y avait en son cœur matière inerte d'une couleur inhabituelle.
Les trois amis s'approchèrent pour constater de visu l'affirmation de ce quidam, un koala réputé pour être particulièrement excité. Ils se méfiaient de cet animal chaud du bonnet et d'un commerce discutable. Ils voulurent s'assurer par eux-mêmes de la déclaration d'un personnage en qui, il ne fallait pas se fier.
La cloche sonna le rappel pour que le constat se fit collectivement. Le lapin se fit tirer l'oreille tandis que la poule lançait des œillades à ce koala qui ne la laissait pas indifférente. Malgré tout, ils parvinrent à s'approcher de ce curieux phénomène. L'œuf n'était pas conforme aux standards de la catégorie. Si la taille n'est nullement un critère en la matière, sa composition laissait les observateurs dans l'expectative.
Chacun resta sur ses gardes, craignant que la Pâques n'entraîne une nouvelle manifestation spectaculaire de nature à bouleverser la face du monde. Ils avaient bien raison car ce qui se tramait sous leurs yeux allait effectivement transformer à jamais les rituels du bouc émissaire. C'est la cloche qui se résolut à faire le premier pas vers ce mystère insondable. Sortant d'un fondeur de réputation internationale, elle se dit qu'il fallait battre le fer tant qu'il était chaud.
C'est donc de la pointe d'un bourdon rentré précipitamment d'un long voyage aérien qu'elle effleura l'œuf mystérieux. Celui-ci, sans doute touché par la grâce se mit à fondre, trahissant dans l'instant une composition qui méritait qu'on s'y pencha attentivement. La poule trempa son bec, la lapin une patte, pensant qu'en ce jour sacré, cela pourrait lui porter chance.
Tous de constater que la chose avait fort bon goût et je ne sais quoi de revenez-y qu'ils appliquèrent à la lettre. Si l'œuf était marron, nos trois amis n'en furent pas pour autant chocolat, bien au contraire. Ils venaient de déguster cette délicieuse confiserie que le grand créateur sème à tout va en ce jour de renouveau pour son cher fils.
Hélas, mille fois hélas, ce patriarche était de plus, un formidable confiseur. Emporté par son élan et surtout par son enthousiasme d'avoir trouvé un symbole digne de ce nom pour célébrer le renouveau de nature et le miracle de la résurrection, il fit subir la même transformation à nos trois amis. Une poule, une cloche, un lapin et un œuf en chocolat furent exposés l'année suivante à la vitrine de la pâtisserie du Saint Siège. Le koala se dit qu'il avait eu chaud et parti sans demander son reste. Depuis ce curieux épisode, il est de coutume de manger leurs effigies en chocolat pour le plaisir de tous les gourmands.
À contre-emploi