La fonction perd de la hauteur

par C’est Nabum
jeudi 18 décembre 2014

Comédiens oui, tribuns, non !

Les discours de nos présidents.

C'est étonnant ce que nous avons pu perdre en éloquence depuis quelques années. La France, ce phare de l'intelligence et des lumières a pris l'habitude d'être représentée par des êtres de peu d'étoffe et d'encore moins de verve. Depuis le merveilleux discours de Dominique de Villepin aux Nations Unies, nous avons choisi de sombrer dans le ridicule.

Il est vrai que la voie a joyeusement été tracée par Nicolas et ses grimaces. Nous avons découvert que la plus haute fonction du pays pouvait parfaitement être tenue par un individu agité, instable, contrarié et toujours capable de débordements. Les mots s'effaçaient alors devant la posture, devant le jeu de comédien de celui qui ne croit pas en ce qu'il déblatère.

Mais rendons grâce au président précédent ; si les paroles pouvaient me faire froid dans le dos, il mettait assez de conviction pour emporter l'adhésion des foules, faire le spectacle devant les caméras et donner vie à ses délires. Il y avait encore quelques miettes de l'art du tribun, l'image mais pas le son. Nous ne savions pas alors que nous finirions par trouver pire.

Car depuis, le discours présidentiel est devenu soporifique, anesthésiant et souvent bêtifiant. Je ne sais quels conseils peuvent lui donner les spécialistes de la communication attachés à ses saillies, mais reconnaissons-leur une parfaite et irrésistible inefficacité. Quand François prend la parole, on a le sentiment d'entendre le ronronnement d'un vieux matou pas même matois. C'est le grand retour de Derrick sur nos écrans de télévision, le petit train d'interlude ou même la mire sans l'or ni l'encens.

Le ton est monocorde, le propos moralisateur à la petite semaine, le texte sans ponctuation, la voix sans éclat, le débit d'une lenteur sidérante. Chaque fois, je me demande si ce n'est pas un maître d'école qui découvre le métier pour la première fois. Il est engoncé dans sa fonction, coincé, hésitant, incapable de spontanéité et d'envolées lyriques.

Même quand les circonstances l'exigeraient, il ne se départit pas de ce ton lancinant et niaiseux. Qu'avons-nous fait pour mériter ce spectacle affligeant. Est-ce la fonction qui a chloroformé un homme, jadis drôle et piquant ? Est-ce le poids de l'échec qui le cloue ainsi au sol, le rend si triste et si insipide ?

Comment échapper à cette nouvelle fatalité ? Nous aimerions vibrer au discours d'un élu de la République, espérer des jours meilleurs, nous mobiliser derrière des perspectives fortes, clamées avec vigueur et conviction. Il ne doit pas manquer dans ce pays d'orateurs de talent, d'hommes et de femmes sincères qui portent une vraie vision d'avenir.

Au lieu de quoi nous avons mis à pied un jocrisse au profit d'un ectoplasme. Il y a de quoi désespérer du génie national, de la clairvoyance des électeurs ou simplement de leurs capacités auditives. Il est impossible qu'ils aient fondé leurs jugement sur le discours de ces tristes sires. Nous sommes tombés bien bas dans l'art de la dialectique.

Vivement un changement radical, un retour à la tradition ! Où sont les Jaurès, les Hugo, les Clémenceau ou bien le Grand Charles et son opposant irréductible, François le sphinx ? Entre un Guignol surexcité et un Gaston Lagaffe en latex, le verbe national a sombré dans le ridicule. J'espère que nous n'aurons plus à avoir honte du prochain tribun. Ce n'est pas ainsi que le verbe s'imposera à nouveau au cœur de notre République.

Verbeusement leur.


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