La grosse commission

par C’est Nabum
vendredi 10 août 2018

Les latrines de la République.

Une affaire défraie la chronique, défèque tout autant pour nous permettre de profiter des remugles de notre belle République. Une commission sénatoriale s’empare du dossier afin de mieux tirer sur la chaîne et de faire jaillir la vérité. Des journalistes s’empressent d’écrire des papiers qui seront soigneusement coupés en petits carrés, souvenirs des temps anciens. Une porte laisse passer à travers un petit losange, les œilletons des caméras.

Les belles latrines que voilà. On s’y presse en nombre, s’y confesse avec cette retenue qui sied aux gens importants, usant de circonlocutions avant que de libérer la parole et leurs entrailles. C’est un bonheur de langue de bois, de mots qui s’échappent au compte-goutte. Chaque terme est soupesé avant que de tomber dans les béances de cette sordide affaire.

Les mines des participants sont éloquentes. Il y a de la constipation dans l’air. On devine qu’il est bon de poser ici pour la postérité à la condition de savoir garder une parfaite maîtrise de ses sphincters. Le Président préside, non pas sur une chaise percée mais sur un trône qui lui donne le droit de parler bien plus que les autres, de répéter sans cesse ce qui vient d’être dit, car voyez-vous, chez les sénateurs, la compréhension se fait plus lente.

Le rapporteur rapporte, joue de la nuance, cherche la petite bête et analyse scrupuleusement les selles du chef de cabinet. Étonnant renversement des termes à défaut des rôles ! Dans cette Raie publique, les chefs de cabinet sont si nombreux qu’on peut se demander à quoi peuvent bien servir ceux dont ils ont la responsabilité du siège ministériel. Mais ceci est sans doute une autre histoire.

On ne peut que jubiler à l’idée qu’un colon vienne ici déféquer, pardon témoigner. C’est sa contribution au pot, il avoue ne rien savoir, ne jamais regarder où il met les pieds. J’espère pour lui que c’est du pied gauche, un pied depuis longtemps inactif chez lui, qu’il a écrasé le dossier. On peut s’étonner du reste que le mensonge ne soit pas plus sévèrement réprimé dans nos sénatoriales toilettes sèches.

Sèche est bien l’adjectif qu’il convient tant le discours est lancinant, sans flamme, sans chaleur. La biomasse ici n’a que peu de chance de fournir une énergie qui manque singulièrement à tous les participants. Pourtant, ils sont diablement nombreux dans les feuillets. On y fait même venir quelques haut gradés qui pour une fois sont de corvée.

C’est à se demander qui peut bien payer tout ce personnel de service. La salle est pleine de gens silencieux, qui assistent à la confession d’un seul. Les membres ne disposent que d’une minute pour intervenir tandis que président et rapporteurs restent longtemps sur le siège, occupant la place sans se soucier de l’envie pressante des autres d’établir enfin la vérité. D’autres sont là sans doute pour la sécurité, pour d’autres tâches plus subalternes encore.

C’est véritablement une farce. L’affaire en question nous fait toucher du doigt les frais dispendieux d’une constitution qui vacille sur ses bases. Il conviendrait que quelques citoyens viennent eux aussi porteurs d’un brassard autour du bras, en observateurs tatillons, pour mieux juger de ce qui est utile dans la procédure.

Pour enterrer une affaire, il convient de créer une commission. C’est le retour de la fosse sceptique et pourtant dans le même temps c’est la foire au tout à l’ego. On les devine nos joyeux drilles qui profitent de l’occasion pour péter plus haut qu’ils n’ont le séant, ils se délectent d’avoir enfin un peu de lumière.

Que deviendront les dépositions ? Je ne puis vous le dire ce qui est certain c'est que rien de tout cela ne permettra de produire un compost digne de l'appellation « bio ». Tout ce qui sort de l’endroit est suspect, douteux, ampoulé et entaché d’hypocrisie. On veut encore nous faire prendre les vessies pour des vieilles badernes ! Cette fois, c’en est trop !

Scatologiquement leur.

Documents joints à cet article


Lire l'article complet, et les commentaires