La note est salée

par C’est Nabum
mardi 16 décembre 2014

Le divin vingt est vaincu 

L'école donne le ton …

La sacro-sainte note devrait vivre ses derniers instants. Qui versera un soupir pour ce vestige de la normalisation scolaire ? Sans doute les nostalgiques du classement, de la compétition à outrance entre coreligionnaires prêts à tout pour étouffer le voisin. La note était trop salée, elle a conduit le rafiot au naufrage et les élèves à la désespérance.

Il faut adoucir la note, briser son caractère cassant, stigmatisant, au profit d'une évaluation positive, bienveillante et clémente. Les temps ne sont plus au professeur sur son piédestal, tout puissant censeur, castrateur de toute une jeunesse incapable d'atteindre le niveau souhaité. Le divin vingt sera rangé dans la vitrine des trophées anciens, le redoutable zéro ira se payer une conduite.

On va laisser la marge orpheline de ses quatre chiffres, cette fraction sur vingt qui partageait le monde en deux : ceux au-dessus de la ligne de flottaison et les cancres, les affreux, les méchants, qui ne voulaient pas fournir l'effort demandé. Que seront les copies sans cette note, souvent de mauvais ton, claironnant notre incompétence ou célébrant nos prouesses ?

La marge va devoir se faire à des codes plus complexes, des merveilles de concision pour exprimer l'état d'avancement de la compétence envisagée. La note exigeait un barème, une longue suite d'obstacles à franchir qui valaient quelques points. On savait où on allait, on acceptait ce parcours du combattant, on calculait, on espérait, on pratiquait quelques impasses. Désormais, plus rien ne sera aussi simple …

Tout sera mesuré, calculé, pesé. Chaque action sera jaugée pour peu qu'un verbe d'action puisse exprimer ce qu'il convient de faire pour réussir quelque chose. L'enfance segmentée, découpée en tranches imperméables, examinée à la loupe. Chaque portion du travail sera évaluée derrière les formidables nuances de la science docimologique.

Votre savoir-faire à moins que ce ne soit, plus inquisiteur encore, votre savoir-être, sera rangé dans l'une des catégories définitives du nouvel art du jugement scolaire. Du redoutable et si humiliant, « non évalué » qui sous-entend sans vouloir le dire vraiment que rien n'a été compris, que si peu a été tenté pour aucune réussite, au peu glorieux « En cours d'acquisition » qui finalement est incapable de prendre position, jusqu'au merveilleux « Acquis » qui voudrait faire croire que c'est définitif, la nuance du jugement magistral s'exprimera avec aisance selon nos chers responsables.

Je me gausse. Nous changeons les vieux pots sans rien modifier véritablement du brouet scolaire. Quelle attitude adoptée vis-à vis-de ces si inquiétants contrôles qui s'appellent désormais des évaluations ? Conservera-t-on longtemps encore ce principe immuable que tout le monde est censé avancer à la même vitesse, doit produire la même quantité de travail dans les mêmes conditions ?

Nos responsables se lancent dans un grand chantier. Est-ce de la rénovation, terme très à la mode dans le milieu, ou bien un simple rafraîchissement de façade ? Je doute qu'on puisse faire du neuf avec une école qui n'a finalement jamais réfléchi à ses méthodes, ses principes et ses limites. On ripoline une fois encore, la note est le nouveau hochet de notre ministère. Laissons-le s'agiter avec cette belle clochette …

J'avoue ne plus avoir d'idées sur ce qu'il conviendrait de faire. La note avait ceci de fort commode qu'elle permettait de faire des moyennes, des comparaisons pour permettre, de manière fort injuste, il est vrai, d'orienter, d'éliminer les uns pour choisir les autres. Sur quels critères, tout aussi subjectifs, injustes et inégalitaires, se dérouleront les inévitables sélections prochaines ?

C'est toute la philosophie de l'école qui est à changer. Pourquoi toujours un jugement individuel quand le monde vit le plus souvent de la force collective ? Pourquoi évaluer si aucune exigence incontournable ne vient constituer un préalable ? Comment juger sereinement quand la statistique impose de manière artificielle des quotas de réussite ? On devine que quelle que soit la procédure choisie, le système est pris au piège d'une démagogie totalement ancrée dans l'idée que désormais il est interdit de reconnaître un échec.

Notre école a évacué l'échec, lui a retiré toute dimension formatrice tout en cessant de donner à la réussite une vraie valeur. C'est étrange, mais à force de ménager la chèvre et le chou, l'école n'est plus capable de rien. La note est salée, l'échec scolaire redoutable et l'agitation du moment retombera bien vite, chacun, une fois encore, n'en fera qu'à sa tête !

Normativement leur.


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