Nagučre civiles

par C’est Nabum
lundi 3 décembre 2018

Ce n’est qu’une misérable insurrection mon Prince !

Quelle désolation de voir ce bon peuple, naguère si civil, s’emporter ainsi et se livrer à des exactions inqualifiables, des excès en tous genres, des brutalités indignes. Oui, vraiment, mon bon Prince, votre honneur, nous avions bien raison de ne pas les considérer, de les ignorer et même de les dénigrer avec cette hauteur de vue qui distingue notre caste de cette lie miasmatique.

Vous avez bien fait de prendre de la distance, de ne cesser de voyager ici où là afin d’éviter d’être contaminé par la seule présence à proximité de votre Palais, de cette horde haineuse. Nous allons continuer à faire barrage, à user du bras séculier pour taper toujours plus fort sur ces manants, sans prendre la précaution de trier parmi ces enragés. La lie est comparable dans l'opprobre.

Mais sachez mon bon Seigneur que nous usons aussi d’une stratégie éculée certes mais toujours aussi efficace. Nous laissons faire les plus exaltés, nous les poussons même à libérer leurs instincts destructeurs. Ceux-là sont nos plus fidèles soutiens, ils profitent de la colère pour se livrer au pillage, à la destruction, au carnage. Que de belles images nous avons ainsi pour l’édification des masses. Bien vite, l’opinion publique, exaspérée par ce que les caméras leur montrent avec délectation, horrifiée par le coût exorbitant que la communauté devra payer, se tournera vers nous et réclamera le recours à l’armée et à l’état d’urgence.

Nous qui naguère étions un pouvoir fort civil, nous allons nous draper dans l’uniforme de la Patrie en danger. Adieu les libertés publiques, la loi martiale et les tribunaux d’exception matraqueront à tour de bras les casseurs comme les autres. Leurs gilets jaunes, tenue parfaitement ridicule au demeurant, vous aviez bien raison de le signaler mon bon Prince, seront maculés du sang impur d’un peuple qui refuse de se laisser tondre. Nous leur ferons rendre gorge, comme tous les pouvoirs forts l’ont toujours fait partout dans le monde.

Je ne doute pas mon grand Monarque qu’en vous rendant en Argentine nous avez humé le doux parfum de la dictature d’antan. Voilà des gens qui ne sont pas laissés ennuyer par les soubresauts d’un peuple qui aspirait à un peu plus de justice sociale. La belle exigence que voilà alors que la Terre court à sa perte. Continuons de leur faire croire que c’est de leur seule faute et nous aurons encore les mains libres pour piller les ressources de la Planète, pour nous enrichir honteusement, pour prétendre défendre l’écologie alors que nous cherchons seulement de nouveaux gisements fiscaux.

J’aurais bien une suggestion mon grand et admirable Prince, usons d’un peu de pédagogie pour convaincre les récalcitrants de nos véritables motivations écologiques. Plutôt que de tirer à balles réelles sur ces meutes alcoolisées et hirsutes, usons de décharges électriques létales afin de leur administrer la preuve du bien fait de cette solution. Qu’importe s’il nous faudra plus de centrales nucléaires pour calmer la foule …

Nous pourrions même, l’idée me vient soudainement, comme un éclair de génie, créer des centres de rétention pour Gilets Jaunes dans les vieilles centrales que nous serons bien obligés de mettre en sommeil. Un séjour prolongé au cœur du réacteur contraint au repos, permettra à la fois de trouver une réponse à sa reconversion, tout en irradiant cette foule dubitative de la pertinence de votre option.

Voilà noble et brillantissime Freluquet premier ce que j’avais à vous écrire, vous qui n’avez pas le temps de vous pencher sur les menus soucis des vos sujets égarés. Ne soyons plus civils, usons de la manière forte pour juguler l’insurrection. Soyons impitoyables et profitons de l’aubaine pour accroître encore la pression fiscale sur ces misérables vermines, cloportes tout autant que parasites détestables.

Profitez-bien votre Grandeur de vos voyages. Nous aurons bientôt la situation bien en main, dans une main de fer, ça va de soi ! Bien à vous votre Philippe Édouard du Havre de Paix ...

Civilement vôtre.


Lire l'article complet, et les commentaires