Petit précis forestier à usage des futurs électeurs !

par C’est Nabum
vendredi 16 septembre 2016

De la langue de bois en général.

Ainsi donc, il est de plus en plus évident que la prochaine campagne sera un nouveau sommet pour l’exploitation forestière de notre belle langue française. Les bûcherons du mensonge, les scieurs de long de la démagogie, les menuisiers de la tromperie et les ébénistes de la forfaiture vont encore faire assaut de tous bois pour pendre la langue dans les cimes des futaies. Comme ils ne cessent de nous prendre pour des imbéciles, nous devrons jouer les naïfs et croire encore qu’un perdreau de l’année sortira du chapeau ou bien de l’urne funéraire de nos espoirs rabotés.

Dans les assemblées politiques : les gentils rassemblements des fidèles admiratifs du discours pompeux et ressassé, le sol sera jonché de copeaux et de sciure. Il est vrai que dans chaque camp, les différents protagonistes font du petit bois sur le dos leurs camarades et néanmoins collègues, de parti. Les uns scient la branche sur laquelle leur voisin est assis, les autres font des bûchettes pour compter leurs soutiens quand tous, dans un ensemble merveilleux, aiment à faire des étincelles à coups de phrases assassines. Tous se mettent d’accord pour devenir, le temps des divisions passé, des loups qui nous guettent au coin du bois.

La haine sera au cœur du débat, le nœud de la querelle. Les glands ne sont pas que les seuls fruits du chêne : quand ils se déchaînent nos lascars font en la matière belle et grande récolte. La presse, quant à elle, aime à faire ses choux gras des petites phrases qui font mouche. Les bonnes feuilles voleront bien bas et crisseront sous nos pas. Le printemps sera l’occasion de voir un sol jonché de prospectus, de déclarations de foi, de grimaces sur papier glacé. Seules les papeteries se frotteront les mains dans ce gaspillage éhonté.

Les vieilles branches s’afficheront au grand jour ; ayant refait leurs armures pour se donner bonne mine et apporter leur contribution à la fonction chlorophyllienne , elles ne manquent jamais d’air … Les Français de souche auront leur candidate ; les déracinés se contenteront de regarder le spectacle de loin, sans pouvoir mettre la main dans le panier à bois. Pourtant, ce sont bien eux qui seront enjeu de la consultation. Comme il n’y aura pas la plus petite éclaircie sur le front de l’emploi, c’est l’affront de la peur et de la haine qui servira de tuteur aux propos forestiers.

Le bois s’impose à tous ces charmants personnages qui se sont faits les professionnels de la navigation en eau trouble. Ils restent à flot depuis si longtemps que nous en venons à penser qu’ils sont éternels. C’est sans doute ce qui nous pousse à confier notre avenir à des vieillards cacochymes, des souches véreuses, des arbres creux et des vieilles branches. Nous devons avoir une classe politique qui n’est jamais caduque et continue de se maintenir en dépit des échecs à répétition et de l'empilement des affaires..

Nos joyeux drilles du suffrage universel rebondissent toujours après une défaite. On en vient à croire qu’ils descendent du caoutchouc, à moins qu’ils ne soient de ces essences dont on tire des sèves si collantes que les drôles d'oiseaux y restent prisonniers. Ils serait grand temps d'effectuer une coupe claire dans cette forêt primaire. La canopée ne dégarnit que les crânes de nos arbres vénérables.

Laissons la métaphore s’époumoner. Je n’ai qu’un seul désir : qu’enfin on les fasse stères, qu’on les brûle au bûcher de leur immense vanité. Je peux même passer mon temps à souffler sur les braises pour qu’à jamais disparaissent ces bois insincères. Les discours feront long feu ; la langue de bois est leur unique refuge ; la petite maison forestière des joueurs de pipeau est un pauvre chalet qui tombera au premier souffle du grand méchant loup. Il est grand temps de leur couper le sifflet et de laisser pourrir les planches vermoulues de notre démocratie.

La galle du chêne sera sans doute la prochaine et ultime étape de ce lent processus de décomposition. Elle proviendra d’une épidémie transmise par les arbres de la forêt de Tronçais, qui sont, comme chacun sait, destinés à la construction marine. Laissons couler ces vilains rafiots et apprenons enfin à ne plus jamais supporter la langue de bois.

Xyloglossiement leur.

 


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