Quand Rosalie fait salon

par C’est Nabum
dimanche 23 février 2020

Simplement par dépit.

Rosalie est une pauvre bête qui va se faire du mauvais sang durant cette terrible semaine où on l’exposera à ce qui se fait de pire dans notre société : le candidat en mal de minutes d’antenne. Il va y avoir surenchère sur le propos de campagne, ce qui pour une fois ne sera pas tout à fait déplacé. Mais gageons que la brave ruminante enverra brouter les indélicats d’un pet riche en carbone pour leur rappeler que leurs simagrées écologiques ne sont que farces et menteries.

La bête promise à la boucherie, certes un peu soupe au lait, leur fera les cornes, un dernier pied de nez avant un sacrifice qui fera d’elle la vedette des étals, avec sa photographie accrochée au mur du magasin. L’époque est résolument à l’image, même dans l’assiette, il convient désormais d’afficher celle qu’on a débitée, au nom d’une traçabilité qu’on ne peut obtenir du reste pour le personnel politique, toujours pas contraint d'exhiber un casier judiciaire vierge.

Mais revenons à notre fumier, celui de l’animal à quatre pattes, bien plus sympathique du reste que ce troupeau d’endimanchés qui se pressent autour de leur paille. Vivre sur la paille, ceux-là ne savent rien de cette expression tandis qu’ils viennent flatter une profession qui a bien de la misère. Ce sont là les paradoxes d’un salon où l’on cause simplement sans jamais changer le cours des choses.

La belle Aubrac sait qu’on vient lui faire les yeux doux, qu’on va promettre une fois encore la lune aux éleveurs sans que rien ne change vraiment à leurs revenus. Fort heureusement, les céréaliers tiennent la puissante FNSEA et ses salaires exorbitants, eux vivent fort bien et se moquent des culs terreux qui continuent sottement à leur donner leurs voix lors des élections professionnelles. Rosalie n’est pas si bête, si on lui donnait une fourche, elle sait quelles têtes elle irait pendre au bout de son outil. Les produits phytosanitaires lui donnent des aigreurs, elle se plaint aussi de la disparition des oiseaux dans ses prairies tout comme de l’absence de ces sauterelles qui l’amusaient tant.

Au lieu de quoi, une nouvelle espèce de sauterelle vient tourner autour d’elle. Il est vrai que la Capitale veut se donner à une femme. Une qui n’a jamais dû poser ses fesses sur un tabouret à trois pieds pour traire une laitière. Pourtant, elles viennent pérorer autour des demoiselles, vantant leurs belles robes. On parle chiffon au salon !

Notre amie la vache aimerait cependant leur toucher deux mots. En pleine crise morale, elle aussi pourrait arborer le slogan contre le sexisme. Elle n’a jamais été consentante pour se faire engrosser artificiellement qui plus est par des humains vêtus de blanc. Privée d’un instant de plaisir, elle enfante sans même rencontrer le géniteur, c’est véritablement inacceptable. Elle envisage de demander à Polanski de tourner un film sur ce thème avec une copine dans le rôle-titre.

Pire encore, alors qu’elle sera sacrifiée sans avoir connu le mâle, elle ne coiffera pas le chapeau des Catherinettes. On la qualifiera le moment venu de ßœuf, animal à qui on a coupé ce dont on l’a privée. L’ironie humaine n’a pas de limite tout comme son indignité du reste. Alors, lors de ce salon où tout le monde cause, elle aimerait bien tenir une conférence de presse, pas celle qui met le foin en balles rondes, mais une belle réunion publique où elle couperait l’herbe sous le pied à toutes ces canailles en escarpins.

Hélas, les micros ne seront pas tendus vers elle. Ils iront tous vers Idéale, l’odieuse égérie Charolaise tout juste bonne à finir en miroton et qui aura l’honneur d’être cajolé par Freluquet et la marraine du panda.

De jalousie tout autant que de désespoir, il ne restera plus à notre pauvre Rosalie qu’à lever la queue pour éclabousser superbement ces indignes visiteurs. Son urine est jaune, voilà bien une couleur qui fera horreur à toute cette basse-cour élective qui ne fait que passer en coup de vent. Elle pourra s’en retourner la tête haute, son honneur lavé. Vivement qu’elle retrouve sa prairie et ses congénères. L’air est vraiment malsain dans ce lieu si mal fréquenté.

Soupeaulaitement sien.


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