Se tenir les côtes
par C’est Nabum
vendredi 24 juin 2016
Histoire d’en rire, aussi …
Si vous suivez mes pérégrinations et mes cascades, vous savez qu’après avoir essuyé tempête et crues sans n’avoir rien vécu de fâcheux, c’est à mon retour sur terre que j’ai chaviré la tête la première en un magnifique soleil qui n’est pas de saison. La chose serait comique si depuis, je ne me tenais pas les côtes pour m’empêcher de rire ou d’éternuer tout autant que de bâiller. Tous ces gestes de la vie quotidienne me sont insupportables …
Mais ce n’est rien comparer à la difficulté, voire l’impossibilité, à moins de passer des heures aux urgences, d’effectuer un cliché radiologique dans ce beau pays de France et surtout dans notre désert médical orléanais. Nous avons le malheur de vivre à quelques encablures de Paris et nos médecins, pourvu qu’ils aient un peu d’ambition, filent bien vite dans la capitale avant que d’aller vivre une retraite heureuse dans le sud méditerranéen.
La seule radio qui me reste à pouvoir passer serait celle de nos ondes hertziennes si d’aventure on m’y tendait un micro, ce qui n’est malheureusement pas envisageable partout. J’ai beau avoir un gros bleu sur le torse, ce n’est pas là que j’irai raconter mes prouesses. Mais ceci est une autre histoire, ne mélangeons pas tout.
Ainsi donc, obtenir un rendez-vous médical réclame des trésors de patience, de l’entregent, quelques privilèges et une bourse bien garnie. Le dépassement est proportionnel au délai d’attente, un savant calcul qui relève du libéralisme le plus éhonté. L’offre étant bien inférieure à la demande, le quémandeur n’a qu’à payer et se taire, en dépit de ses maux et de sa qualité d’assuré social. Le serment d'Hippocrate a su s’adapter aux contingences économiques tandis que les maladies ont appris à patienter pour des patients de mieux en mieux désignés de la sorte !
Si j’avais moins d’aversion pour l’avion, c’est en prenant ce mode de transport que j’irai aisément passer une radio dans un pays voisin. La chose serait alors beaucoup plus aisée et sans doute plus rapide. La honte n’étouffe ni les membres du conseil de l’ordre ni même nos responsables politiques. Dans ce petit monde des privilégiés, ce genre de problèmes ne se posent sans doute pas ….
Pourtant il faut sans cesse hurler notre colère et notre dépit. Six mois d’attente pour une dent qui a largement le temps de tomber entre temps. Dix à douze mois pour un ophtalmologue avec une visite qui coûtera les yeux de la tête. Le proctologue est plus prompt sans qu’il puisse résoudre l’urgence d’une diarrhée. L’urologue aime puiser dans vos bourses. Le cardiologue manque singulièrement de cœur, l’allergologue vous fait éternuer, tant ses tarifs sont urticants. Le médecin généraliste se spécialise dans la visite expéditive pour éponger la longue file d’attente de son cabinet.
Tout va bien dans ce royaume de France. Les privilégiés vont se faire soigner à l'hôpital américain par exemple, je ne vise personne … naturellement, et les gueux, les humbles, les gens ordinaires poirotent dans la salle commune des urgences transformée en cour des miracles. La honte n’étouffe nullement ceux qui ont organisé de manière systématique la casse du système médical, qui ont autorisé des prix extravagants à l’industrie pharmaceutique, qui permettent de privatiser l’hôpital public pour le profit toujours plus grand de carabins qui pratiquent le coup de fusil pour les soins. Et que dire des nouveaux arrivants dans notre région qui ne trouvent aucun médecin ! Un scandale absolu qu'il faut taire pour ne pas froisser ces jolis messieurs.
La colère me donne la fièvre. Je vais donc éviter de m’emporter : les pompes funèbres attendent aussi en se frottant les mains ! Au final, il n’y a vraiment que nous à ne disposer d’aucun moyen pour nous sucrer au passage sur la maladie de nos semblables. Nous devons même assez régulièrement mettre la main au porte-monnaie pour une cause nationale, une quête annuelle dans un Etat en faillite, incapable d’assurer les affaires courantes.
Il serait grand temps d'aliter tous les responsables de ce fiasco, de les abandonner sur des grabats honteux, de laisser moisir les coupables de cette gabegie organisée, de cette prévarication en blouse blanche. S’il faut arracher le mal à la racine, c’est bien là qu’il faut agir au plus vite tant l’état sanitaire de la nation se dégrade. Je me tiens les côtes, certes, mais je peux vous garantir que j’ai le bout de la semelle qui me démange et que j’ai grande envie de botter le train des ministres, députés et carabins qui sont souvent issus du même sérail, tous complices, tous responsables et tous la main dans la caisse commune.
Coléreusement vôtre.