Tête de Turc
par C’est Nabum
jeudi 11 août 2016
En mon Mosphore intérieur
Au nom de Mustafa Kemal Atatürk
Jusqu’à peu, grand spécialiste des tinettes et des sanitaires, je n’avais de la Turquie qu’une vision incertaine, un parti pris qui m’interdisait de me pencher plus avant sur le sujet. C’était pour moi un trou noir, une source d’inquiétude et d’inconfort que je partageais sans doute avec quelques amis arméniens. Soudain, l’actualité a pris le pas et la grande nation du Bosphore est sous les feux de la rampe …
Je ne voudrais pas que nos amis d’Istambul pensent que je me paie leur tête. J’ai simplement perdu la boule et mes propos s’égarent dans les nombreuses confusions sémantiques quand mon radio-auto ment et profère des sornettes à propos d’un coup d’état manqué. Le rétablissement par exemple de la peine de Maure est une supercherie géographique. Si les Perses ont fait leur trou au confins de l’Asie et de l’Europe, ils n’ont rien à voir avec leurs coreligionnaires nord-africains.
Erdoğan aboie et les Européens se tassent. Il montre des muscles de lutteur, grande spécialité de ce pays et soulève la fonte qu’il fait retomber sur la tête des séditieux ou supposés tels. On ne plaisante pas au bord de la Mer Noire qui pourrait bien passer au rouge si on n’y prenait garde. Pour l’heure, c’est le temps de la purge ; ce qui nous conduit de nouveau à la position accroupie. Il est des évidences auxquelles on ne peut échapper.
La reprise en main est féroce : le pouvoir place les juges sous les verrous, il envoie les enseignants au coin et met la presse au marbre. On ne plaisante pas avec l’autorité du président et malheur à qui s’oppose à lui. La population le suit comme un seul homme ; on marche au pas à Ankara, en ligne de mire à Izmir, sans faire les malins à Mersin, sous les éclats à Ankara. Même Poutine reconnaît en lui un compagnon d’armes ; c’est vous dire qu’on chante désormais au canon dans les rues turques.
Mais tout va bien ; l’Europe ne lui ferme pas ses portes à la condition que le brave homme n’aille pas trop loin dans sa reprise en main. Seul notre bon premier ministre s’indigne qu’une démocratie puisse mettre en place un état d’urgence. C’est l'hôpital qui se moque de la Charité. On aime à se voiler la face au royaume des jocrisses. Ils finiront bien par se mettre d’accord autour d’un bon café, eux qui sont si peu à thé.
Nous devons nous habituer à suivre désormais le pouvoir turc à la Thrace. Il laisse derrière lui un sillage qui n’est pas sans rappeler les génocides du passé. C’est pas toujours Byzance pour ceux qui se dressent contre l’homme fort du pays. Alexandre Le Grand n’a qu’à bien se tenir ; il a trouvé un successeur, un homme capable d'entrer dans l’histoire par la grande porte des funérariums. De la graine de dictateur qui fait Kémal.
La laïcité a elle aussi du plomb dans le Coran. Il n’y pas qu’un âne qui s’appelle Anatole, les imams montent sur leurs grands minarets pour chanter les louanges du grand redresseur de torts. Ce sont les Kurdes qui vont, une fois encore, être les dindons de la farce et nous ne pouvons rien faire que compter les arrestations et les entorses aux droits de l’homme. Pour ne rien voir ni ne rien entendre, nous fermons les persiennes en prenant l’expression au pied de la lettre persane.
Voilà un billet qui va déplaire à ce brave candide à dictateur. On sait le peu de goût qu’il a pour la liberté d’expression. Il est fort à parier que l’ambassade vienne réclamer la tête de l’imprudent qui rejoue à l’envers l’indélicatesse de Montesquieu à l’instar de celle d’un journaliste allemand qui a osé la satire à son encontre. N’étant pas du sérail, je risque l’anathème, la mise au petit coin ou la fatwa. Je ne vais tout de même pas publier ce texte d’Amsterdam comme mon glorieux devancier. Tout ceci n’est que farce et dérision, je vous en laisse juge !
Turqueriement vôtre.