Trois Fariboleries pour un mercredi
par C’est Nabum
mercredi 6 avril 2022
Propre - Âne
L'âne taillait sa route sur un chemin escarpé
Portant lourde charge comme tous ses voisins
Lorsque du tréfonds de ses entrailles, un pet
Vint frapper les oreilles d'un muletier malin
Le convoi transportait des bouteilles de gaz
Pour fournir en énergie un petit village
Même si ses bourriques ne sont pas des Pégase
Il pense à un astucieux bricolage
Pourquoi ne pas capter ce précieux méthane
Sans faire cette acensions inopportune
La flatulence n'est pas le propre de l'âne
Mais elle pourra en faire sa bonne fortune
Équipa ses animaux de quelques tuyaux
Afin de récupérer ce bon carburant
Qui alimentera au pays les chauffe-eaux
En lui permettant de gagner beaucoup d'argent
Le muletier connu un immense succès
Il se trouva rapidement le directeur
D'un des plus prospères consortiums français
Vendant de par le monde son récupérateur
La captation asinienne était si pratique
Qu'elle devint la principale source d'énergie
D'un pays cessant de tourner en bourrique
Grâce à cette curieuse idée de génie
Qu'importe si la prospérité a une odeur
La crise énergétique fut enfin résolue
Par un procédé qui poussa les décideurs
À nous glisser à tous un capteur dans le cul
Un soucis de taille contraria le pouvoir
Comment taxer le produit de nos entrailles ?
Un grand cabinet conseil se mit en devoir
De nous imposer un compteur sur notre attirail
Ce procédé pénétra dans les annales
Des curieuses astuces du trésor public
Quand survint un inconvénient peu banal
La ruine menaçait qui avait la colique
À toujours nous prendre ainsi pour des ânes
Ils recevront tôt ou tard un coup de sabot
Dans cette étonnante partie médiane
Qui ne nous distingue pas de tous ces nabots
La solitude d'une cistude
Ultime représentante de son espèce
Pleure la disparition de ses congénères
Autrefois petite compagne des druidesses
Elle vivait ici dès l'âge de pierre
La Loire ne lui réserve plus bon accueil
Bien des pièges se dressent sur ses berges
La rivière est devenue un linceul
Celle qui ne sera plus jamais son auberge
La dernière petite tortue se morfond
Depuis que son beau domaine est dévasté
Des engins monstrueux y construisent un pont
Défigurant à jamais sa belle vallée
Pour que traversent tous ces maudits camions
La cistude a subi bien des outrages
Comme l'odieuse destruction de sa maison
Dans la multitude des autres ravages
Sa carapace ne fit hélas pas le poids
Face à une pelleteuse ou un bulldozer
Elle finira écrabouillée comme il se doit
Au nom de leur dévotion routière
Les transporteurs doivent absolument passer
En dépit de l'absurdité d'une époque
Qui sacrifie notre biodiversité
Au nom de quelques maudits semi-remorques
Dans les étangs de Brenne, elle pourrait s'exiler
Exfiltrée d'une guerre qui se déroule ici
Mais comment peut-elle faire pour ainsi s'en aller
La route est si longue pour gagner le Berry ?
Comme les hérissons, ces malheureux martyres
C'est sous d'autres roues que finirait sa route
Les humains se font pires que des vampires
Pour toutes ces marchandises de la soute
La cistude se résigne à son triste sort
Latingy sera sa dernière demeure
Les impératifs économiques se font fort
Que la faune tout comme la flore s'y meurent
Sapiens
Qu'on le prétendît sage ne doit pas surprendre
Ce sont ses descendants qui le nommèrent ainsi
Étiquette flatteuse qui à tout prendre
Rejaillissait immanquablement sur ceux-ci
Les autres passagers de la planète Terre
N'ont à ce propos jamais été consultés
Il est vrai qu'ils avaient choisi de se taire
Pour ne pas subir de nouvelles contrariétés
Sa prétendue sagesse le pousse certainement
À détruire sauvagement tout ce qui l'entoure
Faisant table rase de son environnement
Provoquant le désastre partout alentour
Héritier d'un Dieu qu'il fit à son image
Sa parole devint sanctifiée et sacrée
Se permettant alors sans aucune ambages
De s'accorder le droit de tous les massacrer
Il affirma aussi, comble de l'hypocrisie
Que ses crimes étaient offrandes au créateur
Exigeant qu'il fit sacrifice de nos vies
Afin de gagner un paradis prometteur
Il réservera l'Enfer à cette planète
Pour toutes les autres espèces qui la partagent
Quand il leur accorda de pauvres miettes
Simplement pour assurer son nourrissage
Le temps est venu de clamer sa déraison
De libérer la Terre de cette engeance
Homo-sapiens ne sera qu'une illusion
La Nature aura légitime vengeance