Un pavé : « Y’en a marre ! »

par C’est Nabum
jeudi 30 mars 2023

 

Petit précis de l'usage

du parallélépipède rectangle contondant.

 

 

Battre le bitume ou bien le pavé, ce n'est absolument pas la même chose. Jadis, les choses étaient bien plus simples, le pavé jouait son rôle de régulation sociale même s’il imposait à son usage des secousses lors des transports. On peut supposer ainsi que le désagrément initial préparait à la seconde étape, qualifiée souvent d'émeute urbaine.

Notons à ce titre que le pavé courait rarement les chemins à l'exception notable des voies romaines, ce qui écartait singulièrement le risque de barricade lors des jacqueries d'autant plus que le tracteur n'était même pas une éventualité envisageable. La vie des monarques et de leurs troupes était des plus tranquilles.

Le pavé a bien sûr des nostalgiques. D'une tenue parfaite dans le creux de la main, le pavé standard, celui qui n'était pas régulier pour favoriser le passage des équidés, constituait le projectile idéal pour manifester son mécontentement. Il suffisait de venir avec un pique (qui si les choses s'enveniment, pouvait avoir un autre usage) et une pioche pour jouer les terrassiers et espérer paradoxalement faire tomber le pouvoir.

Ce préalable à l'émeute au pavé lors d'une exaspération sociale incontrôlée, supposait d'une part d'être muni de ces deux outils et d'autre part de savoir s'en servir. Nous mesurons ici, combien notre société a tout fait pour écarter ces deux éventualités. Nombre des outils sont désormais électriques et la main d'œuvre autochtone vient cruellement à manquer dans les travaux publics. Le pavé à ce titre reste à sa place faute de compétences.

Autre notion qui n'a sans doute pas échappé aux aménageurs urbains, le pavé contemporain est parfaitement lisse, uniforme (ce qui paradoxalement n'en fait pas un projectile idoine pour viser les policiers) mais le plus souvent de petite taille. Il y aurait trop à faire pour les sortir de terre et bien peu d’efficacité dans leur projection aérienne. Tout au contraire, ses petits pavés sont d'une stabilité incertaine par temps de pluie ou bien lors de l'usage des canons à eau, l'émeutier serait alors bien en peine d'assurer sa stabilité.

Le pavé a donc connu son heure de gloire et a dû céder sa place au tout venant de la contestation. Jeter tout ce qui vous tombe sur la main à la face d'un pouvoir qu'on exècre est d'une facilité enfantine, la ville, siège habituel de la révolte, étant désormais parsemée à qui mieux mieux, d'incitations matérielles au jet compulsif. Je ne vais pas dresser ici la liste de tout ce qui peut servir comme mobilier urbain qui est à la fois abondant et contondant comme si c'était là l'intention de l'aménageur.

Hélas, le problème de la technicité demeure. Sortir un potelet : javelot redoutable ou bien un panneau indicateur : massue idéale, exige de la sueur et des efforts. L'émeutier contemporain n'est ni formé ni désireux de consentir des efforts. Il prend tout ce qui est à portée de main, sans discernement ni cohérence, d'où la difficulté pour les cibles potentielles de parer tous les coups.

Enfin, l'usage des produits inflammables et potentiellement létaux a considérablement progressé laissant l'objet contondant à l'arrière-plan. Une caractéristique du reste partagée par les forces en présence. L'art de la guerre ayant fait des adeptes chez les deux parties qui se font face à face. Devant tant de violence, le pavé est regretté chez les esthètes et les gens raisonnables.

Pour éviter de mettre le feu, non plus aux poudres, mais aux divers produits de synthèse, tous plus prompts les uns que les autres à s'enflammer, revenons à de plus sages préoccupations. Le pavé autobloquant par exemple, qui se trouve surtout dans les allées des belles maisons bourgeoises serait d'un usage des plus simplistes. Le retirer constitue un jeu d'enfant, le tenir en main est aisé et le lancer tout autant. Il ne provoque que de légères contusions, c'est sans doute le point d'achoppement pour les plus extrémistes des provocateurs incontrôlés.

Mon idée tombe à l'eau, c'est sans doute ainsi qu'il est possible de jeter inutilement un pavé dans la mare pour finir par déverser de l'huile sur le feu.


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