Un repas dominical
par C’est Nabum
mercredi 6 novembre 2013
Bien dans mon assiette !
L'artisanat de la table
Depuis le temps qu'ils en parlaient, depuis le temps qu'ils espéraient trouver une occasion pour se retrouver autour d'une table ! Il a suffi que l'un d'eux prenne le téléphone et propose une date pour que celle-ci convienne à tous. Ne restait plus alors au maître queux qu'à mettre en musique ce moment en proposant un repas simple mais bon, prétexte à discuter sans manières ni chichis
C'est bien là le plus compliqué. La simplicité dans l'originalité, le goût et la finesse, l'accord des mets et des vins ; rien n'est simple pour celui qui veut faire de la table une fête sans qu'elle devienne un art trop savant. La table domestique ne peut être celle d'un restaurateur, elle doit demeurer accessible et modeste.
Ce sont les produits qui feront la différence. De l'authentique, du naturel, du goûteux. C'est sur les marchés et dans les bois que l'hôte va trouver la matière première de cette fête annoncée. La forêt toute proche fournira des pieds de moutons qui seront parfaits pour accompagner une viande. La pisciculture voisine nous régalera de sa palette autour de la truite. Les légumes du marché feront une formidable purée à l'ancienne. Le gigot en cuisson lente trônera en majesté au milieu de la table.
C'est dans la décoration et l'assaisonnement que se fera la différence entre un repas habituel et des petits plats qui se prennent pour des grands. La géométrie et la couleur se conjuguent afin d'enchanter les yeux avant de flatter les papilles. Des betteraves rouges anciennes, bicolores, se font fines lamelles pour recevoir un pâté de poisson. Un radis blanc donne l'hospitalité à un tartare de truite. L'équilibre et la diététique aiment ces mises en bouche simples et raisonnables. Et pour que les bulles viennent enchanter les têtes, un crémant conviendra parfaitement
Pour l'entrée en matière, un accord inhabituel s'impose : foie gras mi-cuit et filet de truite fumée. Une crème fraîche fouettée sucrée, rehaussée d' une pointe de moutarde à l'ancienne, vous assurera un franc succès tout en maintenant cette réputation d'originalité et d'inventivité que vous devez sauvegarder à chaque fois. Un petit Quincy donnera une touche locale qui ne sera pas pour vous déplaire.
C'est la viande qui constitue toujours le grand rendez-vous du repas, le passage obligé. Aussi le risque est-il grand de déplaire à cause d'une cuisson qui ne fait pas l'unanimité, d'une sauce trop forte ou un peu piquante. Il faut maîtriser les nuances et les épices, le redoutable accord des légumes et du plat. Vous aviez des pieds de moutons, vous choisissez une purée de légumes anciens pour rester dans le ton forestier : potimarron, panais et céleri feront parfaitement l'affaire d'autant qu'un peu de muscade et de l'ail confit lui donneront cette profondeur qu'elle mérite . Un Cahors d'une dizaine d'années apportera cette épaisseur qui le caractérise si bien.
Le plateau de fromage sera simple, composé uniquement de produits locaux où vache et chèvre se partageront la vedette car il faut des fromages moelleux pour faire couler le plat principal. Rien de très fort, il ne faut pas apporter de nouvelles touches ; le repas doit se terminer tranquillement, sans alourdir vos convives. Une tarte maison qu'une invitée vous a proposé de confectionner, conclura parfaitement ce repas entre amis.
Une promenade digestive en bord de Loire permettra de prendre l'air, de finir de se raconter les enfants, le temps qui passe, les maux qui se multiplient, les gros soucis et les petites joies. Au retour une tisane vous rappellera que vous n'avez plus vingt ans et qu'il n'est plus raisonnable d'ouvrir une autre bouteille. Le champagne va rester au réfrigérateur, ce sera pour une autre occasion.
Il faut se montrer raisonnable, demain c'est lundi et tous ne sont pas encore à la retraite. Les nouveaux inactifs plaignent ceux qui travaillent encore. C'est le moment d'évoquer les années qui leur restent à faire, cette échéance qui ne cesse de reculer, qui semble se dérober devant eux. Mais tant qu'on a la santé, n'est-ce pas ?... On se donne rendez-vous pour une prochaine rencontre en espérant cette fois, qu'il ne faudra pas tant d'années pour trouver une date commune.
Un repas dominical comme bien d'autres partout dans ce pays en crise où la table demeure une valeur refuge. C'est une partie de notre culture qui s'exprime ici ; nous sommes d'incorrigibles Gaulois et il est préférable de ne pas analyser notre taux de cholestérol. Pourvu que ça dure encore un peu… D'autres n'ont plus cette chance hélas !
Gourmandement vôtre.