Crimes et délits : les médias souvent indulgents avec le show-biz
par Antoine Christian LABEL NGONGO
vendredi 10 novembre 2006
Vous n’avez qu’à remarquer comment les médias traitent les délits commis par des célébrités dans ce pays. Ceux qui ont un soupçon de jugeote constatent comme moi que tous les citoyens dans notre pays ne sont pas logés à la même enseigne.
L’angle choisi par un grand nombre de journalistes dans les reportages est biaisé. Les médias ont tendance à jouer le rôle de policier, juge, justicier et à nous communiquer les informations concernant une affaire à leur rythme.
C’est scandaleux de voir le tollé occasionné par un délit commis par une personne lambda qui commet un crime sur une personne connue. Les médias s’en prennent à cette personne et vont la dépeindre comme la pire personne ayant jamais existé. Ils vont lui trouver tous les défauts de la terre, vont ausculter sa vie misérable, faire une biographie cauchemardesque. Le public va prendre fait et cause contre cette personne, ce qui pourra influer sur la décision de Justice. Nul ne peut se targuer de n’avoir eu une certaine idée à la suite de matraquages multiples des médias sur une affaire de Justice en cours.
Nous le voyons encore aujourd’hui avec l’affaire Cécillon. Rugbyman hors pair, Marc Cécillon a grandi aux pieds des côteaux de Saint-Savin, mais c’est à Saint-Chef qu’il a choisi d’installer sa petite famille. Or ce dernier a commis un crime odieux sur la personne de sa femme ; certes il était sous l’emprise de l’alcool. Mais est-ce que cela suffit à excuser son acte ? Je réponds non. Ces derniers jours, les médias n’ont pas cessé de plaindre cet athlète, sportif génial. J’ai même trouvé qu’il y avait de la complaisance dans les analyses de certains. Mince, nous ne rêvons pas, il y a eu mort de femme. Ce n’est pas excusable et arrêtons de mettre « j’entends les médias » cette affaire dans le cadre d’une reconversion non réussie. N’avez-vous pas été sidéré de la comparaison avec Yannick Noah ? Quel rapport, me direz-vous ? La mort de cette femme, qui n’a rien demandé, semble passer aux oubliettes. C’est un être humain qui a été rayé de la carte Terre, certes par son mari célèbre, mais cela ne doit pas faire oublier l’acte odieux. La mort de cette femme va rentrer dans les statistiques des violences conjugales ayant entraîné la mort.
Les médias se focalisent sur la vie du meurtrier (certes en état d’ébriété bien avancé), en apportant de l’eau au moulin pour dépeindre la fin de sa carrière de rugbyman hors pair. Certains commencent même à faire des spéculations sur la sanction encourue : cinq ans de peine avec obligation de soins. Cela ne ramènera pas cette dame. La question est de savoir si la vie humaine vaut cinq ans. Où se trouvent les médias quand des crimes odieux sont commis sur des femmes dans certains quartiers de banlieues de grandes villes, quand la police se trouve elle-même dépassée par les événements ? Combien d’individus malsains massacrent leur femme sans que les médias ne se chargent de l’affaire ? Des statistiques chiffraient le nombre de décès de femmes par violences conjugales à plus de trois mille par an. Cela fait froid au dos.
Il serait souhaitable que les médias se positionnent en apportant des leçons de pédagogie à ces hommes barbares sur la manière de traiter leur femme, eux qui font penser aux talibans avec leurs méthodes archaïques. Nous pouvons souligner la nécessité pédagogique pour parler des crimes sur les femmes ou les enfants par mauvais traitements.
Nos médias doivent se recentrer sur leurs objectifs et remettre en question la façon dont ils gèrent les faits divers et la dimension qu’ils peuvent apporter. Quelles que soient les personnes mises en cause, les médias doivent avoir le même discernement, or ce n’est pas ce qui se produit. Selon la tendance d’un média, l’information sera traitée d’une façon complaisante, loin de la neutralité. Les reportages qui présentent chaque affaire devront être abordés de façon objective sans insistance sur la détresse psychologique. Les médias devraient respecter les victimes et faire attention dans la manipulation des informations émanant de témoins. Nous ne sommes pas des éponges attendant que les médias suscitent en nous la compassion, voire l’émotion. Le fait de relater des affaires tristes, intrafamiliales (crime, divorce chaotique, conflit d’héritage, etc.) nécessite de prendre du recul. La manipulation ne doit pas être à l’ordre du jour.
Les médias ne doivent pas faire de spéculation sur les décisions judiciaires, ils ne doivent pas se substituer à la loi et jouer le rôle de justicier, voire de rouleau compresseur vengeur. L’institution judiciaire existe bien dans notre pays, qu’ils la laissent faire son travail en toute quiétude.