Effet d’un excès d’information sur le comportement nocturne du chroniqueur

par Bernard Dugué
jeudi 4 décembre 2008

Voici en exclusivité une expérience réalisée sur un sujet internaute afin de saisir l’impact des informations sur un esprit qui éponge les faits jusqu’à l’overdose.

L’expérience a consisté à mettre un internaute en présence d’un téléviseur, d’une radio et bien évidemment, de son instrument naturel, le PC, sans lequel il est désorienté. Elle s’est déroulée pendant quatre heures consécutives, de 18 à 22 heures. Une série d’infos ont été lues, vue, écoutées attentivement.


Attentats en Inde. Le Zimbawe se suicide. Le choléra avance. Des chiens menacent les collégiens à Marciac. Un journaliste humilié par des policiers. Obama renforce son équipe préparée pour la guerre. Le monde s’enfonce dans la crise. Des collégiens s’amusent à se massacrer. Jane Birkin va occuper les médias pendant quinze jours. La télé publique ne sait plus où elle habite. Les rats ont envahi la gare de Saint-Lazare. Le grand duc du Luxembourg refuse de signer un texte. Le Canada est au bord du coup d’état. Les écolos s’affolent du climat. La Chine se fâche avec la France…


Notre internaute a été autorisé à dîner. En arrosant avec suffisamment de vin pour parvenir au pilotage du degré in vitro veritas. Puis l’internaute a été placé devant son clavier pour écrire un billet. Voici ce que nous avons trouvé sur l’ordinateur le lendemain.


Laisser vaguer son âme, composer une sonate d’hiver pour donner le ton d’un monde devenu morose, après tant de lubies progressistes. Les marchands sont les plus optimistes et les écoles de commerces sont les plus prisées. Il est plus facile de faire du fric dans la finance que dans l’industrie. La science n’a plus la cote, HEC et Harvard l’ont encore. Le mercantilisme tue le monde. Mais les sociétés s’offrent à la mort. Elles ne savent plus distinguer le morbide de la floraison. La vie est étouffée par la technique, l’espoir est enseveli par la fabrique des esclaves soumis à la consommation. Le progrès n’a de sens que pour les opportunistes. L’Occident est un cadavre vivant qui résiste. Les âmes cherchent leur salut terrestre sans y croire. La politique déçoit, l’économie est en crise. Les ventes sont en chute mais la déflation fait des heureux et le monde, en fin de compte, est devenu un univers de soldes.


Soldées les moyens pour les fac, les écoles, la santé, mais que d’affaires dans les bonnes cliniques pour gens friqués, les bonnes universités qui ont pignon sur campus dans les métropoles, les entreprises de cours particulier. Partenaire particulier ne cherche plus rien. Le monde est gris. Survivre est le seul destin. L’homme est dans la jungle qu’il a bâtie. Les uns y sont à l’aise, les autres finissent leur vie sous une tente un soir de décembre dans un bois de Vincennes. Les belles berlines pleines de gadget sont les lots gagnés et signes de réussite sociale pour les parvenus qui ont su suivre le bon parcours, se mettre des œillères et obéir aux canons de la production économique et financière. Le monde crève lentement. Les poètes se meurent lentement, les SDF crèvent rapidement. La société est affectée. Elle prend le ton de l’indignation. Mais l’impuissance est au rendez-vous. Ensemble, rien n’est possible, mais rien n’est impossible. Mais ensemble, les individus deviennent cons et ignares, imprégnés de bêtise. Ils ne savent plus ce que signifie possible et impossible. Bref, notre monde est impossible à vivre mais sans ce monde, la vie serait impossible.


Que dit notre président perché sur le perron de l’Elysée ? Il bavarde. Il débite des paroles comme on débite du bois à la tronçonneuse. La langue de bois ne se débite pas. Mais les esprits sont débités et dépités de ces députés maniant la langue de pute. De putasserie en cocasserie, le grand fromage républicain est coupé en tranche. Le grand inquisiteur fait la tronche et les restos du cœur offrent des tranches de vie à ceux que l’existence a privé de bien vivre. Le grand clown contemple la misère du monde. Logée parfois dans les centre d’hébergement mais aussi dans les demeures cossues habitées par des bobos en mal de sens, frustrés de ne pas s’offrir les caprices consuméristes que leur rang de parvenu impose. Ils repeignent de beaux meubles en bois parce que c’est tendance. Ils regardent M6 parce que ça leur donne l’impression d’être le centre du monde qui bouge. Mais ils sont déjà mort, eux et leur progéniture avortée gavée de jeux, privée de sens et d’émerveillement, capricieuse comme leurs parents, clones de l’absurdité, esclaves de l’adversité. Si c’est le seul moyen, nous déclencherons le froid pour fendre leur cœur de pierre. Et sur cette pierre je ne bâtirai nulle église ni centre commercial. Le monde a tué le bien et ne voit pas le mal. La planète se porte bien mais elle sert de miroir au malaise des gens qui causent, des tyrans écologistes, des clowns de la politique. La vie est un non sens et c’est cela le résultat du progrès. La civilisation cherche sa politique et les gouvernants cherchent la civilisation qui légitime leurs décisions. Le monde est devenu fou, comme depuis des siècles. Rien à attendre de veaux décérébrés. C’est la fête et le divertissement. Oublions le temps. L’humanité est condamnée à mourir. Pas comme l’éternité. L’humanité finira, sans qu’on ne fixe de date. Alors autant goûter chaque instant. Rester vivant et vivace. L’homme est aussi résistant qu’une plante. Résilient et d’un monde dont il ne veut pas être résident pour ne pas être éternellement assigné à résilience. Un jour, il faut bien couper le cordon. Et s’envoler vers d’obscures destinations. Car la lumière ne perce que quand l’existence se fêle. Les gens sont trop entiers pour refaire une civilisation. Ils préfèrent les centres commerciaux. Le grand aigle ne connaît pas la faim. Il plane sur l’adversité. Dévore les blasés, les dépouille de leur misère désenchantée et se joue des rizières dépeuplées.


Parler à sa brosse à dent sans rayer le parquer avec ses dents. Attendre des jours meilleurs. Obama ira loin dans son effort de paix. Il ira loin dans son effort de guerre. Nous sommes des rats de Schrödinger, à la fois mort et vivants.



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