Mais où est passée Cecilia ?
par Loewenguth Pascal
mercredi 18 avril 2007
Il y avait, à Rome, au coin du palais des Ursins, une statue en marbre sur laquelle, chaque nuit, des mains facétieuses et anonymes placardaient satires et railleries. Ah ! Le joli temps que c’était quand on prenait encore le temps de mettre ses indignations en forme, quand la poésie servait d’exutoire à la tyrannie ! Nul doute que, si un tel défouloir existait aujourd’hui en France, on y trouverait des centaines d’hymnes à la cuisse - très belle mais supposée un peu légère - de Cecilia Sarkozy.
Car c’est la rumeur du moment : « Où donc a bien pu passer Cecilia Sarkozy ? ». Il y a une semaine, une recherche sur Google avec les mots-clés « rumeur Cecilia Sarkozy » ne renvoyait que quelques pages, essentiellement à propos de la brève aventure de Cecilia avec le publicitaire Richard Attias. Aujourd’hui, ce sont plusieurs centaines et le bruit s’étend sur toute la Toile.
Pourtant, on en trouve peu de traces dans la presse officielle. Le journal « 20 minutes » note bien l’absence de Cecilia durant les fêtes de Pâques, le « Monde » y fait une courte allusion. En dehors de cela, rien. Une chape de plomb. Soit les journalistes des grands quotidiens nationaux n’ont pas Internet, soit ils ont une trouille bleue à l’idée d’évoquer, ne serait-ce qu’allusivement, une information qui pourrait déplaire à notre futur président.
Par contre, sur Internet, la rumeur enfle. Daniel Schneidermann en parle brièvement sur son blog. On en parle sur les forums. Sur les sites d’extrême droite, on se déchaine, allant jusqu’à affirmer que Nicolas Sarkozy aurait pété les plombs, frappé son épouse et démoli son appartement. On parle aussi d’une main courante déposée par Cecilia. Selon d’autres, elle filerait le parfait amour avec l’écrivain à succès Marc Levy. Même le président François Mitterrand y fait allusion sur le blog posthume qu’il anime directement depuis l’au-delà !
Bien sûr, l’infidélité supposée de Cecilia Sarkozy relève de la vie privée. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis où un président a manqué d’être destitué à cause d’une petite tâche sur la robe d’une secrétaire ! La réserve des journalistes français serait louable si on imaginait sans peine le déferlement de sarcasmes qui aurait accompagné la moindre infidélité de François Hollande ! Ah, si celui-ci s’était un jour aventuré à jeter un regard un peu trop appuyé sur le popotin d’une jeune militante, on aurait eu droit aux gros titres du Figaro, à un éditorial rageur de monsieur Elkabbach, à une analyse au vitriol de... Et sans doute à des photographies choc en couverture du Point et de l’Express ! Tant il est vrai qu’au cours de cette campagne, rien n’aura été épargné à Mme Royal : ni les fines allusions à ses prétendus et innombrables « amants », ni les insinuations sur les « tensions » au sein de son couple, ni ! A tel point que j’en arrive parfois à m’étonner de ce qu’on ne lui ait encore jamais prêté, du moins à ma connaissance, d’aventures gomorrhéennes ou de relations sadomasochistes !
Le vrai problème, ce n’est pas la vie privée de monsieur Sarkozy. Il a des difficultés conjugales ? Et alors ? après tout il n’est pas le seul. Il a du mal à gérer le stress de la campagne et cela rejaillit sur sa vie de couple ? On veut bien le comprendre. Il lui arrive de s’emporter contre son épouse ou de s’agacer des fréquentes absences de madame ? Cela ne me choque pas. Non, le vrai problème c’est que personne, parmi la horde de journalistes qui le suivent et l’entourent, n’ose lui poser la question ! Personne n’ose l’aborder en lui disant : « Dites, monsieur Sarkozy, elle est où votre épouse ? ».
Au fait, j’allais oublier : le nom de la statue, à Rome était « Pasquino ». C’est devenu « pasquin » dans notre langue, un mot qui désignait à la fois un bouffon et une satire. Un mot qui n’est, vous l’avez compris, plus en usage aujourd’hui.