People contre people...

par Brady
lundi 31 juillet 2006

C’est l’événement de cet été, du moins selon les journaux télévisés : le mariage de Jean Reno aux Baux de Provence. Le troisième de l’acteur, mais le plus médiatisé. Il faut dire que les témoins étaient Johnny Halliday et... Nicolas Sarkozy.

Bien sûr, libre à Jean Reno de choisir les témoins qu’il veut. Par contre, on peut se demander si les médias n’en font pas trop dans la couverture de ce mariage de la vedette avec le mannequin Zofia Borucka. D’ailleurs, le nom de la mariée n’est pas fréquemment cité dans les médias, ce n’est pas elle la vedette qui vaut ce coup d’éclairage sur le troisième mariage de Jean Reno. Non, les vedettes, ce sont les témoins, qui font la une du Dauphiné Libéré et de Gala. Johnny et Laetitia Halliday, bras dessus bras dessous avec leur petite Jade (eh oui, même pour moi qui ne lis pas la presse people, la vie du couple Halliday n’a aucun mystère grâce à des journalistes télévisées qui vont au bout de l’investigation...). Et surtout, Nicolas et Cécilia Sarkozy, celui-ci étant le témoin de Jean Reno. Et ça nous donne donc des couvertures de presse avec les deux témoins en vedette et les mariés à la portion congrue, dans un petit encadré. Et en pleines vacances, entre deux tournées des plages, on nous ressort le refrain du Sarkozy l’ami des people... Enfin, pas de tous.

Car si Sarkozy est pote avec Jean Reno, il n’est pas pote avec son réalisateur fétiche... Luc Besson qui, en effet, n’a pas hésité à l’incendier lors de la crise des banlieues : "Racaille, pedigree, je n’ai rien entendu d’aussi violent depuis Le Pen et sa haine de la différence. A la fin de ’Banlieue 13’ (produit par Besson), on voit un ministre de l’Intérieur qui déclare : ’Y en a marre de cette racaille qui coûte une fortune à l’Etat’. A tel point que je me demande si ’Karcher 1er’ n’a pas piqué les dialogues à ’Banlieue 13’. Et puisque l’on parle de la drogue, la vraie, la dure, ce n’est pas dans le 93 qu’on la consomme le plus mais à Neuilly. Ce n’est donc pas le Karcher que (le ministre de l’Intérieur Nicolas) Sarkozy devrait passer chez lui mais l’aspirateur !". Luc Besson qui, bien qu’il ait contribué à la réussite de Jean Reno avec Subway, Le grand bleu, Nikita et surtout Léon, ne fut pas invité à la noce... Fallait-il faire un choix ? D’autres people n’ont pas caché leur hostilité à Nicolas Sarkozy : Djamel Debbouze et Joey Starr n’effraient pas particulièrement le ministre candidat, en revanche, les propos de Lilian Thuram sont plus dérangeants tant le footballeur dégage l’impression d’être plus posé, plus réfléchi que les deux autres vedettes des cités... Et puis, Sarkozy s’inquiète aussi du point de vue des deux personnalités préférées des Français : Yannick Noah aurait déclaré : "Si jamais Sarkozy passe, je me casse" dans une interview à Paris Match censurée. Quant à l’Abbé Pierre, s’il s’exprime rarement, c’est un euphémisme de dire que le fondateur d’Emmaüs n’a que modérément apprécié la politique d’expulsion des gens du voyage.

 

Il faut dire que Nicolas Sarkozy s’est construit un ’casting’ de people pour l’entourer : Johnny Halliday et Jean Reno, donc, mais aussi Michel Sardou, ancien Chiraquien, Christian Clavier (également ami d’études de... François Hollande), et Didier Barbelivien.

Alors, certes, Nicolas Sarkozy n’est pas le premier et ne sera sûrement pas le dernier a essayé de fédérer un comité de people pour l’encadrer. Si des personnalités sont déjà entrées au gouvernement (comme Irène Jolliot-Curie à l’époque du Front Populaire, Maurice Herzog et André Malraux sous De Gaulle), Mitterrand fut le premier à se constituer un comité d’artistes, autour de Jacques Attali, Pascal Sevran, Roger Hanin (son beau-frère) et... Gilbert Bécaud. Sauf que déjà à l’époque, il eut un ’contre-comité’ orchestré notamment par Le Luron qui, imitant Bécaud, entonna un "L’emmerdant, c’est la rose" en direct... Il y eut ensuite Jacques Chirac qui exposa en 1995 un comité de soutien constitué de Sardou, Line Renaud, Gregory Peck, Richard Virenque... avant que David Douillet ne le rejoigne en 2002.

Dernièrement il y a une nouvelle tendance : les politiques n’invitent plus des people, les politiques deviennent des people. Ainsi, les deux couples infernaux du PS, DSK-Anne Sinclair et François Hollande
- Ségolène Royal ont-ils droit à la couverture d’une presse peu connue pour ses analyses politiques, Paris Match, Gala, et les heureux spectateurs de Saga ont pu savoir qui gardait les enfants dans le couple Hollande-Royal... Chacun se crée son propre comité de soutien. Sauf que...

Sauf que, d’une part, je m’en fous un peu de savoir qui soutient qui et ce n’est pas les analyses politiques de Jean Reno ou Luc Besson qui peuvent me convaincre de mon vote. En revanche, je suis inquiet par la dérive d’une politique de plus en plus vide de sens, qui repose de plus en plus sur l’image et de moins en moins sur le fond des idées. Et puis, d’autre part, l’exemple de l’accrochage Sarkozy-Besson aujourd’hui comme l’accrochage Mitterrand-Le Luron hier montre que, quand on joue à se créer un comité people, il y a le risque de voir naître un contre-comité... Le plus bel exemple en date reste le referendum sur le TCE où Jack Lang eut la lumineuse idée de convoquer un comité de vedettes pour le ’oui’, avec Josiane Balasko et Phillippe Torreton en tête. Sauf que, pas de chance pour son comité, Robert Guédiguian et Anémone eurent moins de moyens mais plus de détermination dans leur comité pour le ’non’.

Il reste à se demander si les people sont, eux, réellement gagnants de cette ’symbiose’ avec les politiques. Certes, on peut penser que Barbelivien tire profit de l’aura médiatique de Sarkozy pour se relancer, alors que dans le camp d’en face, Lilian Thuram peut préparer sa retraite sportive en se montrant en opposant politique redouté. Il reste à savoir si les conflits d’opinion ne risquent pas de diviser les people entre eux, à cause d’un domaine dans lequel ils auraient mieux fait de ne jamais s’immiscer... et à comprendre aussi pourquoi la presse se focalise autant sur l’image plus que sur les programmes... Ah, suis-je bête, c’est parce que c’est plus vendeur ! Comme quoi, la presse française a encore un certain sens des priorités...


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