Sarkozy est passé, je ne me suis pas cassé
par Philippe Bilger
mercredi 30 mai 2007
Si je n’avais à mettre en exergue qu’un seul avantage du blog, j’évoquerais cette capacité qui lui est offerte de rebondir en quelque sorte sur les médias, de continuer à gratter là où ils ont abandonné et de dénoncer le ridicule de certains comportements, plus qu’eux qui ne s’en soucient pas assez.
Prenons l’exemple de Yannick Noah. Interviewé dans le Parisien du 25 mai par Emmanuel Marolle, un journaliste bien trop complaisant, il se voit rappeler tout de même sa déclaration d’il y a un an et demi :"Si Sarkozy passe, je me casse". Sa réponse révèle le personnage qu’il est, tout étonné d’avoir été pris au mot.
En effet, plutôt que d’affronter sans détour sa responsabilité, il préfère s’en prendre à Alain Genestar et dénonce le fait qu’on ait, dans un entretien de deux heures, seulement retenu cette phrase. Si on déchiffre bien sa pensée, il avoue qu’en proférant cette menace (pour qui ?), il ne parlait pas sérieusement et que son engagement ne valait pas cher.
Après s’être vanté de n’avoir pas "retourné sa veste", comme tant d’autres entre les deux tours, il émet encore une protestation molle et insignifiante au sujet du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Puis il ne se déclare pas "prêt" pour l’instant à rencontrer le président mais "ça viendra peut-être" puisqu’on a "le temps, on est jeunes, non ?"
L’ironie déplacée, le ton rigolard sont évidemment destinés à masquer la gêne de ce sportif, de ce chanteur promu conscience militante à la suite d’un propos qu’il avait tenu sans y croire, comme une boutade. Je regrette que le journaliste n’ait pas poussé son avantage, en ne lui permettant pas d’emprunter un chemin de traverse. Pourquoi, en particulier, Noah n’est-il pas confronté à l’inanité de son discours belliqueux et à la perte de crédibilité qui devrait naturellement s’ensuivre ? Lorsque quelqu’un dont, par ailleurs, on célèbre le mode de vie, la famille élargie et les principes, vient à reconnaître que ce qu’il a déclaré était faux, une posture jusqu’au-boutiste seulement, on devrait y attacher plus de gravité. C’est à force de prendre des pétards mouillés pour de vraies provocations que les médias donnent un lustre usurpé à des personnalités discutables et participent de ce jeu moderne où, faute d’être parfaitement identifiés, la vérité et le mensonge nouent des rapports ambigus et en définitive dévastateurs.
Sarkozy est passé, il ne s’est pas cassé. Ce ne serait pas dramatique si, à l’avenir, Yannick Noah voyait sa réputation amputée de ce qu’il faut bien appeler cette "arnaque" politique.
Il n’éprouve ni haine ni rancoeur à l’encontre du "nouveau président". Nous non plus à son égard, mais qu’il ne recommence plus...