Anelka et Ribéry ne sont pas Richard Virenque !
par Georges Yang
lundi 21 juin 2010
Ce qui arrive à l’équipe de France de football est sordide, non pas du fait de la défaite face au Mexique, mais de la manière dont cette défaite s’est programmée. Tout et son contraire a été dit et écrit concernant la piètre performance de cette équipe. Ce n’est pas la première fois que la France perd un match important et ce ne sera pas la dernière. Chaque nation a ses mauvaises périodes, ses coups du sort qui font que la victoire n’est pas au rendez-vous. Raymond Domenech a sa part de responsabilité dans ce fiasco, mais aussi la Fédération, incapable de prendre des décisions cohérentes depuis au moins 4 ans. Les joueurs, aussi, qui pourtant ne sont pas nuls, parce que si c’était le cas, pourquoi seraient-ils tant payés dans les clubs étrangers ? Mais la presse, la télévision et les politiques tant de droite que de gauche ont aussi à prendre leur part dans cet échec que tout le monde voyait venir, sans oser se l’avouer.
La France s’était déjà qualifiée contre l’Irlande dans un match plus que discutable. Ce n’est pas le fait que Thierry Henry ne se soit pas dénoncé pour sa faute de main (qui l’aurait fait à sa place ?) qui est à blâmer, mais plutôt l’arbitrage. Mais après une qualification que l’on peut reconnaitre comme contestable, l’équipe de France était attendue au tournant.
Puis arriva la pénible affaire des prostituées, là non, plus, pas de quoi fouetter un chat ou un footballeur. Des histoires de cul, il y en a toujours dans le sport et pas plus en France qu’ailleurs.
Domenech n’est pas forcement un mauvais entraineur techniquement, mais il a commis des erreurs de communication avec les médias et a eu une attitude soit trop excessive, soit trop laxiste avec les joueurs, ayant ses têtes de Turcs et ceux à qui il pardonnait les écarts les plus irresponsables. Des joueurs comme Pirès, Trezèguet et Dhorasoo en ont fait les frais en leur temps. Mais ne lui a-t-on pas sinon imposé, du moins suggéré fortement les icônes de banlieue, même en méforme pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec le sport et rester dans le politiquement correct ?
La France a perdu, et alors ! Ce n’est pas un drame national au moment où nous subissons la crise économique et financière, Sarkozy, la réforme des retraites et la spéculation contre l’Euro ! Mais, tout en ayant économiquement et politiquement les pieds sur terre, on peut aussi aimer le foot et le beau jeu.
Le problème vient de plus loin, de l’après victoire de 1998, où la presse a créé de toute pièce un mythe, celui d’une France multi-ethnique capable de gagner. Alors qu’il ne s’agissait que d’un leurre médiatique et politique, d’une fable à usage interne pour noyer le poisson. Que quelques individus doués pour le foot arrivent à gagner de l’argent, beaucoup d’argent, ne résolvait nullement les inégalités sociales, les problèmes de racisme de délinquance et d’emploi.
Pire cette France multi-ethnique, qui aurait pu être celle de la fraternité entre les différentes composantes de la nation, est devenu une glorification de la banlieue, des « quartiers », comme s’il était impossible d’être noir, arabe ou kabyle et de nationalité française sans venir d’une barre HLM pour être digne d’intérêt. Et cette mystification a dépassé le cadre du foot. Le rap, le street-wear, l’argot wesh-wesh, la soit disant « culture de cité », se sont imposés comme des modèles d’intégration et de promotion sociale. Et de se pâmer et d’exulter devant cette non-culture au lieu d’essayer d’appliquer des méthodes plus classiques d’intégration et d’assimilation. Et que de rire forcés aux médiocres bons mots de comiques venus de la zone.
Car si les Français jouent mal en équipe nationale, ce n’est pas parce qu’ils sont nuls. Sinon, pourquoi se les arracherait-on à prix d’or à Chelsea ou Arsenal ?
Ce qui est frappant, c’est que l’on a tout permis, tout pardonné à des joueurs plus motivés par leurs clubs qui les payent rubis sur l’ongle, que par leur pays qui malgré les primes et les grands hôtels ne leur apporte pas de satisfaction morale en compensation de ce qu’ils empochent ailleurs.
Les coureurs cyclistes gagnent nettement moins que les footballeurs, ils ont été systématiquement fustigés par la presse, par les Guignols et par Internet, alors qu’ils font souvent des efforts surhumains pendant les courses et que les presque anonymes du peloton ne roulent pas sur l’or, tant s’en faut. Et pourtant, en dehors des Championnats du Monde et des Jeux Olympiques, eux aussi courent pour des équipes professionnelles et des sponsors commerciaux. Pourtant, il suffit de voir l’ardeur des cyclistes Français pour tenter de gagner l’étape du 14 juillet du Tour de France, pour se dire que ces gars là, ils ne courent pas uniquement pour une banque, une assurance ou une marque de frites.
Richard Virenque a été lynché, moqué, pris en dérision alors qu’il n’a pas commis le quart des frasques de certains membres de l’élite du football français. Or, les cyclistes viennent depuis toujours du milieu ouvrier ou rural, que ce soit jadis Anquetil et Poulidor ou plus récemment Virenque et les frères Jalabert, sans parler de l’armada de coureurs bretons. Prolétaires blancs, certes, mais exactement comme Ribéry, ils ne se sont jamais fait remarquer dans le même registre. Bien sûr, il y a le dopage, les transfusions, l’EPO, dans le cyclisme professionnel, et même amateur, mais est-on si certain que les footballeurs soit totalement clean ? Et puis, malgré les quolibets, les moqueries incessantes, Virenque n’a jamais insulté personne, il se serait même excusé d’avoir dérangé les autres à l’insu de son plein gré !
Malgré tout, les cyclistes, mal aimés, considérés comme des imbéciles en dehors de Laurent Fignon, n’ont pas commis d’exactions notoires, du moins parmi les Français et se retrouvent mis au ban de la société au non d’un moralisme de bazar qui fait la chasse aux « tricheurs ». Les seuls mouvements de mécontentements sont des départs différés ou des menaces de grève quand ils se sentent pourchassés dans des affaires de dopage. Ils ont tout au plus neutralisé une étape après des années de harcèlement. Commencez d’abord par monter l’Iseran ou le Ventoux, chargé ou non, quand il grêle ou qu’il fait 30 °C, avant de les traiter de fainéants dopés jusqu’à la glotte !
On ne peut non plus parler de ces minorités visibles que l’on ne retrouve pas dans le cyclisme. Vikash Dhorasoo est aussi membre d’une de ces fameuses minorités, mais d’une visibilité qui n’intéresse ni les médias, ni les politiques car il ne draine pas derrière lui un électorat potentiel et ne peut en aucun cas calmer une émeute en banlieue malgré sa bonne volonté évidente. C’est une des raisons pour lesquelles il est resté sur le banc et qu’il a eu le temps de faire un petit film de remplaçant.
Wayne Rooney est aussi un prolétaire, sans grand bagage intellectuel, et qui « va aussi aux putes » et pourtant il ne se comporte pas comme Anelka ou Ribéry. Tête de mule certes, véritable bourrin doué pour le ballon rond, il n’en est pas pour autant un membre à part entière de l’équipe d’Angleterre qui joue le jeu.
Ce qui se passe depuis des années avec l’équipe de France de football n’est donc ni un problème de classe sociale, ni de diversité, mais un manque de désir de jouer en équipe nationale de la part de certains joueurs. Boli, Thuram avaient envie de jouer et même Thierry Henry, quand au meilleur de sa forme, il était négligé par les médias au profit de Zidane.
La France institutionnelle, à différents niveaux, est responsable de ce fiasco. Domenech en tête et les joueurs sélectionnés pour aller jouer, car en fin de compte, ce sont eux qui sont sur le terrain balle au pied face à l’adversaire. Mais la presse, la télévision, la Fédération ne peuvent s’exonérer de cet échec aussi facilement en se trouvant un ou des boucs émissaires. On avait déjà mal joué contre le Sénégal en Corée, et cela s’était fini autour d’une couteuse bouteille de vin ! Cette fois ci, même un Romanée-Conti ne suffira pas à faire passer l’amertume de la défaite.
Quant aux politiques tant de droite que de gauche, ils ne devraient pas être fier. A droite d’abord, la politique de la ville, la promotion par le sport, n’ont été que poudre aux yeux. A gauche l’angélisme s’est transformé en cécité. Le ver était déjà dans le fruit quand Zidane a été décrété icône nationale. Et Georges Frèche et Marine le Pen vont peut-être exulter devant cette débandade, alors que le problème n’est ni celui de la couleur de peau des joueurs, ni de leur religion, ni de leur origine, mais d’un manque de désir, de patriotisme ajoutés à une vision mercantile du jeu. On ne demande pas à un joueur d’être musulman, chrétien, jaïniste ou athée, mais de marquer des buts ou d’empêcher d’en prendre. (Si possible sans prendre un rouge ou un pénalty comme Abidal hélas est coutumier).
Bref, notre équipe, gagnera encore, perdra des matchs aussi, car cela est de l’ordre des choses. L’important en ce cas est de perdre avec honneur, dignité et courage. Ce n’a pas été le cas pour cette Coupe du Monde, ce n’est pas pour autant la fin de celui-ci.
Rendez-vous pour l’Euro 2012 avec une nouvelle équipe, motivée cette fois !