Austrogoths

par LM
lundi 8 septembre 2008

Manifestement peu remis de leur désastre du dernier Euro, les Bleus du boy-friend d’Estelle Denis ont aisément dépassé le ridicule, samedi soir, piétinés par d’innocents Autrichiens, grands par la taille plus que par le jeu. Une soirée navrante qui devrait sceller le sort de l’astrologue.

Bien sûr, l’équipe de France aurait-elle battu l’Autriche pour son premier match de qualification à la Coupe du monde 2010, qu’on se serait empressé de calmer les ardeurs en soulignant que ce n’était qu’un premier match, que ce n’était que l’Autriche, que tout n’était encore pas au point, mais que bon, trois points, c’est toujours ça de pris. Bien sûr. Et on aurait eu raison. Parce qu’après tout, match officiel ou pas, que l’équipe de France de football vienne à bout de celle d’Autriche semble être dans la logique des choses ; une normalité. Une évidence. Avant samedi soir, les statistiques le chantaient sur tous les tons : près de quarante ans que les Autrichiens n’avaient pas battu les Français. Il n’y avait donc pas grand-chose à craindre. Les co-organisateurs du dernier Euro avaient à faire valoir des gabarits impressionnants certes, mais sinon pas grand-chose. Aucune technique, aucune force collective notable, rien qui puisse mettre en danger les Bleus, fussent-ils nouveaux, fussent-ils peu habitués encore à évoluer ensemble. 

Mais cela c’était avant. Avant que le match et les ennuis ne commencent. Avant que Philippe Mexès, défenseur titulaire de la Roma, s’il vous plaît, n’entame une de ses pires prestations de joueur de football. Avant que la défense à ses côtés ne sombre dans le ridicule, avant que les hésitations ne se mêlent aux approximations pour transformer un match des Bleus en bal des nazes. Et autant le dire tout de suite : on n’avait jamais vu ça. En tout cas pas récemment. Même lors de la dernière raclée contre les Pays-Bas, les Bleus n’avaient pas semblé aussi dépassés, handicapés, sans solution et amateurs. Sans excuse, aucune. Juste une pitoyable succession d’erreurs grossières, sinon suspectes, qui laissaient par moment penser que certains sur la pelouse mettaient tout en œuvre pour enterrer le sélectionneur de noir vêtu, debout au bord du terrain, songeur et résigné, sur le visage un sentiment de lassitude de plus en plus présent au fil des minutes. Domenech abandonné par ses joueurs, un par un, tous sans exception, tellement peu appliqués, tellement peu concernés qu’il ne pouvait s’agir de leur part que d’un dénigrement majuscule des méthodes du style ou de la personne du sélectionneur de l’équipe de France. Ou alors un jour sans, mais un jour sans multiplié par onze, ce qui est assez rare, quand même, depuis que le football existe.



Samedi soir, le nouveau meilleur ami d’Alain Boghossian donnait l’impression de vouloir se mettre en colère tout en n’osant pas. Il contemplait, dépité, derrière ses lunettes sous ses sourcils, les gesticulations boulevardières des joueurs qu’il avait sélectionnés, en toute connaissance de cause, et dont certains s’étaient permis de le soutenir, d’ailleurs, au moment où une demi-France souhaitait sa tête au bout d’une pique. Samedi soir, Raymond n’y pouvait rien, quand Philippe Mexès, déjà auteur d’un premier auto goal du genou, ceintura comiquement un adversaire qui ne menaçait rien. Penalty, troisième but autrichien, fin du suspense : les Bleus, pourtant presque revenus dans la partie en début de seconde mi-temps, se laissaient sombrer, sans âme, sans courage, sans volonté. Raymond, lui, devait se demander ce qui lui arrivait, sinon qu’est-ce qu’il avait bien pu faire, et à qui, pour mériter ça ? Il devait peut-être même en vouloir à cet étrange M. Escalettes de l’avoir maintenu dans ses fonctions. Tout ça pour ça : un bal musette au pays des princesses. Samedi soir, Raymond ne pouvait plus se bercer d’illusion, il était bel et bien seul, à la tête d’une équipe sans meneur, sans âme, qui ne le mènerait nulle part, sinon d’un échec à l’autre au bord du gouffre.

Et les joueurs dans tout cela ? Rien de bien neuf : ils se comportent comme depuis de longs mois, comme s’ils n’en avaient à peu près rien à fiche de tout cela, l’équipe de France, le maillot, les succès d’hier, ceux d’avant-hier. Ils se comportent non comme des successeurs, mais bien plutôt comme des jeunes talents assez arrogants, qui roulent en carrosse dans leur club, et pensent manifestement davantage à éviter les blessures qu’à s’appliquer dans leurs gestes. Pendant l’Euro, on évoqua un problème d’ambiance, la difficulté des liaisons anciens-nouveaux, prétexte ensuite révoqués par les intéressés. Mais le pli était pris d’excuser l’inexcusable par des raisons vaseuses : le climat, les blessures, la vitesse des adversaires, et depuis samedi soir… leur taille. Parce qu’en effet tous vous le diront : ces Autrichiens étaient grands, si grands, trop grands pour nos petits Français, si petits, trop petits. Ce n’est pas possible, nous répète-t-on, de défendre contre d’aussi grands gabarits. Des gabarits de basketteurs. Mais comme le soulignait justement Jean-Michel Larqué, « si maintenant on perd contre des basketteurs… »

Alain Boghossian, assis sur son banc, arborait samedi la tête de celui qui ne comprend pas ce qu’il fait là. Nous non plus, on ne comprend pas ce qu’il fait là. Ce qu’il va bien pouvoir apporter à ce sombre Domenech, totalement dépassé, tellement même qu’il en apparaît d’un seul coup presque sympathique. C’est assez triste de voir quelqu’un qui ne sait pas nager se débattre en vain contre les vagues, avec pour s’en sortir une bouée jetée là au hasard, peu utile dans la tempête. A défaut de respect, ce sélectionneur-là, au rythme de ses défaites, ne va pas tarder à forcer la pitié.

Les joueurs quant à eux ne méritent pas davantage d’indulgence, tous coupables, tous responsables, certains pires que d’autres, mais très peu semblent concernés par ce qui se passe sur le terrain, seul endroit, pourtant, où on leur demande de s’exprimer, de faire leur métier. Et si possible dès mercredi, contre une équipe de Serbie qui saura quoi faire, on n’en doute pas un instant, pour glisser un peu plus de doute dans la tête et les pieds de ce onze tricolore devenu sujet de raillerie, prétexte à mauvais jeux de mots, qui finira à ce rythme par épuiser le catalogue d’injures du capitaine Haddock.


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