Contador et le Tour ou quand le talent ne suffit pas toujours !
par Benjamin Delombre
mercredi 15 juillet 2009
Après une semaine de course, il apparaît que l’Espagnol Alberto Contador est, sur le plan de ses qualités intrinsèques et de sa forme actuelle, le plus à même de remporter la Grande Boucle. Seulement, les luttes intestines à l’équipe Kazakh Astana pourraient l’en empêcher.
A la moitié de ce Tour de France et après "l’escamotage des Pyrennées" par les coureurs, on peut penser que l’épreuve va se jouer entre les deux leaders de l’équipe Astana, Lance Armstrong troisième à huit secondes du maillot jaune, l’Italien Rinaldo Nocentini (AG2R), et Alberto Contador, deuxième à six secondes.Il apparaît en effet que le Tour désignera certainement son lauréat entre ces deux hommes tellement les autres "costauds" du peloton sont déjà loin au classement général alors que la grande bagarre n’a pas encore commencé. Débutera-t-elle d’ailleurs ? On peut se poser la question après les étapes des Pyrennées. Cadel Evans (Silence Lotto), dauphin de l’épreuve l’an passé compte près de trois minutes de retard sur les deux coureurs d’Astana. Quant à Carlos Sastre (Cervélo), vainqueur l’année dernière, il est seizième à 2mn52 de Nocentini. Seuls semblent résister les frères Schlek (Saxo Bank), Andy et Franck, qui accusent un retard respectif de 1mn49 et 2mn25 sur Nocentini. Ainsi il y a d’un côté, Lance Armstrong, bientôt 38 ans, vainqueur de sept Tour de France, qui est sorti de sa retraite sportive au début de l’année après trois ans d’absence consacrés à sa fondation(Livestrong). De l’autre, on trouve Alberto Contador, 26 ans et déjà lauréat du Tour de France en 2007, du Tour d’Italie et du Tour d’Espagne en 2008.
Le premier est donc une ancienne gloire du cyclisme, quoi que très peu populaire dans l’Hexagone lors de ses sept titres, et le second le champion du moment. Alberto Contador paraît être en bonne place pour remporter ce Tour de France du fait du début de saison mitigé de Lance Armstrong qui a chuté lors du Tour de Castilla-Leon, compromettant un temps son objectif de participer au Tour et ne remportant qu’un seul succès, fin juin, sur une modeste course dans le Nevada. Le Texan a certes bouclé un bon Giro en terminant douzième mais il convient de relativiser cette preformance quand on sait la difficulté qu’ont les vainqueurs du Giro à s’adapter au Tour de France -on peut citer les Italiens Cunego et Salvodelli respectivement lauréats de l’épreuve en 2004 et 2005. Sa place de douzième est donc encourageante mais peut-être insuffisante pour pouvoir prétendre gagner le Tour de France. La première semaine de course vient corroborer ces suppositions puisque Contador a devancé Armstrong lors du contre la montre à Monaco ( 22 secondes d’avance) et dans l’ascension du premier col hors catégorie de l’épreuve.(21secondes d’avance à Arcalis).
Pourtant, Armstrong n’a pas déçu lors des dix premières étapes. On l’a vu ainsi se montrer plus malin que Contador dans l’étape de la Grande Motte profitant d’une bordure pour distancer son rival ou encore prendre la tête du peloton avec fermeté pour ramener ce dernier sur les échappés dans l’étape de dimanche entre St Gaudens et Tarbes.Le Texan a d’ores et déjà rassuré sur son état de forme et devrait donc venir chatouiller Contador dans les Alpes.
S’il est un rôle primordial au sein d’une équipe cycliste, c’est celui du directeur sportif. Le patron des Astana, Johan Bruyneel, a en ce moment une place bien plus importante à tenir que dans les autres équipes. Dans la plupart des "teams" cyclistes comme dans tous les groupes sportifs d’ailleurs, le manager se doit d’être impartial avec ses coureurs ou ses joueurs. On peut se poser la question de savoir si le manager Belge l’est vraiment ? Johan Bruyneel sait pertinement que s’il en est là aujourd’hui, à diriger l’équipe la plus compétitive au monde, il le doit en grande partie à Lance Armstrong, celui qui l’a mis sur le devant de la scène en remportant "sous ses ordres" sept Tours de France. Cédric Vasseur qui a cotoyé les deux hommes lors de son passage à l’US Postal entre 2000 et 2001 déclare à ce sujet,"N’oubliez jamais qu’il (Johan Bruyneel) est là grâce à Armstrong [...] alors s’il doit faire pencher la balance du côté d’Armstrong ou de Contador, ce sera toujours en faveur de son ami Lance". Ce sont en effet des rapports amicaux qui rapprochent les deux hommes. Interrogé sur le plateau de Stade 2 dimanche, Lance Armstrong a même déclaré que la construction future d’une équipe américaine en duo avec Bruyneel avait été envisagée. On voit alors mal Johan Bruyneel se fâcher avec l’Américain.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que L ance Armstrong se sert de cet avantage en s’octroyant une liberté de paroles illimité .Il a ainsi déclaré à l’arrivée à Arcalis, après avoir concédé 20 secondes à Contador, "ne pas avoir été surpris qu’il (Contador) ne respecte pas les consignes de l’équipe". L’Espagnol, lui, affirme que cette polémique qu’il juge "exagée" le "fatigue" et ne souhaite pas "perdre d’énergie avec ce sujet". A propos de l’étape en question, le madrilène indique," J’ai attaqué et quand j’ai vu que j’étais seul, j’ai insisté jusqu’à la ligne pour creuser des écarts. J’avais la conscience tranquille, l’équipe n’en a tiré que des avantages au classement général." Le champion d’Espagne du contre-la-montre admet tout de même le malaise, "Si j’étais vraiment le leader, il n’y aurait pas eu de polémique après Arcalis".
Il convient aussi de remarquer que les deux coéquipiers ont des comportements hors-course totalement opposés durant cette Grande Boucle. Quand Alberto Contador mesure ses propos et reste concentré sur la course, Lance Armstrong met en évidence sa fondation Livestrong, plaisante avec son ami le comédien Ben Stiller quelques minutes avant le départ du contre-la-montre par équipe et répond favorablement à de nombreuses demandes d’interview. Par exemple, on l’a vu sur Stade 2 dimanche ou dans l’émission de Michel Drucker Vivement Dimanche.Bref, on croit rêver quand on compare cette attitude avec celle du coureur qui a remporté sept Tours de France et mené le peloton d’une main de fer. On le savait coureur intelligent, on le découvre homme d’affaire rusé. Son retour n’est bien sûr pas uniquement dû à sa soif de compétition. Comme il l’a dit au début de la saison, il a également pour but de promouvoir sa fondation. Dans cette optique, il ne peut plus se satisfaire d’apparaître sous les traits d’un coureur froid et craint, il se doit également d’être populaire à présent.
Lance Armstrong, dans ce Tour, dispose de l’appui de son directeur sportif et d’une partie grandissante du public ce qui peut être assez pour combler ses lacunes en qualités brutes qu’il a par rapport à Alberto Contador. Alors Armstrong en jaune sur les Champs-Elysées ? Pas sûr car ce n’est ni Johan Bruyneel ni ses supporters qui devront avaler les quarante kilomètres de contre la montre autour du lac d’Annecy ou la vingtaine de kilomètres du Mont Ventoux, bien nommé Géant de Provence, à la place de l’Américain.