Federer, un homme banal
par Renshaw
samedi 27 novembre 2010
Roger Federer accumule les records, devenant un joueur hors-normes. Le déroulement de sa vie n’est pourtant que l’illustration parfaite de la banalité humaine masquée par une carrière phénoménale due à la rencontre d’une personne. Où le destin d’un homme ne tient qu’à un être...
D’un titre volontairement provocateur ne découle pas nécessairement un tombeau d’insultes envers l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du tennis. Oui, Roger Federer a un, si ce n’est le plus beau palmarès de l’histoire du jeu. Il conviendra aux plus sceptiques d’effectuer quelques recherches sur Internet pour constater l’abondance de records que le natif de Bâle a chipé à ses illustres prédécesseurs.
Non, le titre n’est pas provocateur. Roger Federer, avant d’être un champion hors normes, un ambassadeur formidable pour le tennis, est avant tout un homme dont le caractère s’est forgé dès le plus jeune âge, car derrière le gendre idéal vendu par les médias se cache un personnage complexe qui aurait pu connaître une carrière à la Marat Safin s’il n’avait pas eu la chance de rencontrer la bonne personne au bon moment.
L’arrivée de Roger Federer sur le circuit principal remonte à 1998 où déjà de nombreux observateurs lui prédisaient un destin similaire à celui de Pete Sampras. Mais à 17 ans, le suisse est loin de toutes ces considérations. Comme la plupart des adolescents, le suisse s’inscrit dans une période rebelle au cours de laquelle il va avoir du mal à accepter le goût de la défaite, sur les courts comme dans la vie. Son père, dans la biographie officielle du joueur, l’atteste : "les défaites étaient des désastres pour lui. Et quand il n’aimait pas quelque chose, il pouvait devenir très agressif. Les dés et tous les jeux de société volaient à travers la pièce".
Impulsif comme la plupart des adolescents masculins, le suisse va donc avoir du mal à franchir ce cap. Entre 1998 et 2000, Federer ne parvient pas à canaliser son énergie. Il se disperse et commet parfois des gestes qui désarçonnent son entourage. Paul Dorochenko, préparateur physique du joueur entre 1998 et 2000, racontait une anecdote à ce sujet : "un jour je me rappelle, il nous avait mis hors de nous alors que l’on venait d’inaugurer de nouvelles bâches au centre d’entraînement. Il a voulu les "tester" en balançant l’une de ses raquettes qui a cisaillé littéralement la bâche toute neuve. Je me souviens encore de sa mère me disant : je doute beaucoup que mon fils soit intelligent en raison de son indiscipline, notamment à l’école".
Les turpitudes du suisse vont prendre fin grâce à une rencontre capitale en la personne de Mirka Vavrinec, en 2000 à Sydney. Plus encore que ses entraîneurs, l’ancienne joueuse de tennis va avoir une influence capitale dans le comportement de son compagnon car bien que celui-ci fut considéré comme talentueux, il a alors du mal à concrétiser les espoirs nourris en lui au moment où il rencontre Vavrinec. Celle-ci, la carrière brisée par des blessures, va transposer sa soif de victoires à Federer, maîtrisant l’énergie de ce joueur et lui donnant une réelle perspective professionnelle. Il n’est d’ailleurs pas un hasard qu’elle soit devenue son agent tant son influence fut capitale dans la réussite de l’ancien n°1 mondial.
Roger Federer va donc peu à peu gommer les signes parasites pour devenir à la fois un monstre physique, technique et mental. Et malgré son talent, il ne deviendra n°1 mondial "qu’à" 22 ans et demi, une précocité moindre que chez certains autres joueurs.
Pour autant, malgré l’effort réalisé et la maturité qui s’accompagne, le suisse gardera toujours cette part du refus de la défaite. Car avec sa place de n°1 mondial, ses succès et sa domination sur le tennis mondial, Federer veut tout contrôler. Et lorsqu’il n’y arrive pas, les vieux démons du suisse refont surface : jet de raquette à Miami en 2005 (contre Nadal) et en 2009 (contre Djokovic) lorsque la situation lui échappe, pleurs à l’issue de sa défaite en finale de l’Open d’Australie en 2009 au moment où Nadal assoit sa domination sur toutes les surfaces, énervement auprès de l’arbitre en 2009 en finale de l’US Open contre Del Potro (et qui lui vaudra une amende)... les exemples ne manquent pas pour témoigner cette part d’ombre que le suisse gardera toujours en lui.
Ainsi, Federer n’est qu’un homme banal. A l’adolescence, il se cherche et se perd dans des comportements impulsifs et immature. Il rencontre ensuite une femme qui va influer sur sa vie (ceux qui lisent cet article se reconnaîtront peut-être à travers cette histoire). Gendre idéal lorsque tout va bien et comportement exécrable lorsque tout va mal... une situation terriblement banale pour un joueur au palmarès exceptionnel.