Football espagnol : les galactiques de la belote

par LM
lundi 21 novembre 2005

Ridiculisé par l’ennemi catalan (0-3 à Bernabeu), le Real Madrid, plus blanc que jamais, touche au transparent, à l’invisible, à l’insipide. La preuve par onze que le football n’est pas qu’une question d’argent.

Il y a dans le football, comme en politique, des phrases toutes faites, comme « ils ne passeront pas leurs vacances ensemble » ou « le Real Madrid est une grande équipe ». Aujourd’hui, le présent fait mal pour le Real Madrid. Le Real Madrid était une grande équipe, devrait-on dire. Parce que désormais, ce club légendaire, chouchou du roi d’Espagne et coiffeur de David Beckham, n’est plus qu’une sorte d’hospice pour anciens grands joueurs aux cheveux blancs et aux jambes lourdes.

Il fallait voir, samedi soir, les « merengue » comme on les appelle là-bas, balayés par l’ennemi catalan de toujours, le FC Barcelone, aux joueurs plus jeunes, plus rapides, plus brillants que ceux de la Maison Blanche. Il fallait lire sur les visages très entretenus des stars, venus d’ailleurs arrondir leur compte en banque, tout le désappointement du monde à chacun des trois buts spectaculaires et cruels de ceux d’en face, mobiles, motivés, et encore aptes à jouer au football.

Le Real de Madrid était une grande équipe, oui, une équipe mythique, même, il y a longtemps de cela, au début de la coupe des clubs champions, à l’époque des Di Stefano et consorts. Mais le Real aujourd’hui, géré comme une promotion de la star academy, ressemble aux Harlem Globe Trotters, une sorte de super club pour exhibitions, mais pas un club capable de disputer de vraies compétitions.

On ne peut pas jouer au foot sans ligne de défense, sans une liaison cohérente, au milieu du terrain entre cette défense donc et l’attaque, sans un gros travail de récupération du ballon. Or, le Real joue aujourd’hui sans schéma tactique, sans récupérateur, sans patron dans sa défense, non, juste à la place des noms connus, ronflants et plus que fatigués, des Roberto Carlos par là, des Zidane par ci, des Raul ici encore, tous jusqu’à la corde raclés, tels des fonds de tiroir, dont on ne peut plus rien tirer. Prenez le côté gauche, par exemple : Roberto Carlos y a tracé son chemin, depuis huit ans, mais il ne parvient même plus à le suivre désormais, il ne parvient qu’une ou deux fois par match à accélérer encore. Et il lui arrive encore plus rarement d’y retrouver Zidane, de retour de méforme, la barbe longue, dont la fameuse roulette n’est plus qu’un gimmick loupé une fois sur deux.

Voyez Raul, au visage marqué au bout de trois minutes de jeu, un des joueurs les plus essorés d’Europe, recuit et archicuit, qui essaie encore, tente beaucoup, se bat intelligemment, mais n’a plus que cette volonté-là à proposer. Plus de capacité à accélérer, créer l’intervalle, être décisif. Que dire de Ronaldo, et de son genou et demi, qui arrive quand même à marquer trente buts par saison, mais on se demande comment, tant il est désormais, à son tour, l’ombre de la terreur qu’il inspirait quand, à dix huit ans à peine, il était venu éclairer le Barça, en provenance du PSV Eindhoven. A l’époque, Ronaldo était aussi décisif que l’est aujourd’hui Ronaldinho...

C’est ça, les Real/Barcelone aujourd’hui, la confrontation entre le noir et blanc et la couleur, le tube cathodique, profond et lourd et le plasma, qui se fixe au mur, le bus à impérial et la Porsche. Le Real était une grande équipe, c’est aujourd’hui une vitrine clinquante, contre laquelle les équipes sont assurées d’avoir une bonne dizaine d’occasions franches, et donc de pouvoir marquer à tous les coups, ou presque. Par moments, en de courts instants, les blancs parviennent à faire peur, arrivent à accélérer et gagnent des matches. Ils se qualifieront même sans doute pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions. Mais il est à parier gros qu’ils n’iront guère plus loin, trop affaiblis par leurs failles défensives, indignes d’une équipe de ce standing. Une sorte de paquebot de luxe sans hélices.

Alors, évidemment, on peut toujours être impressionné de jouer face à Zidane, ou d’échanger son maillot avec Beckham. Il n’empêche, aujourd’hui les joueurs du club de la capitale espagnole sont sans doute plus durs à battre aux cartes qu’au foot !

Les Lyonnais pourraient s’en inspirer pour une victoire de prestige, mercredi prochain. A moins que, soudain, les anciennes vedettes ne retrouvent des ailes, que la magie n’opère à nouveau du côté des « galactiques ». La magie, oui, c’est bien cela dont ils auraient besoin, les coéquipiers d’Helguera, un bon tour de magie, un lapin qui disparaîtrait du chapeau ou un truc de ce genre, seul miracle capable de transformer à nouveau cet orchestre de bal populaire en groupe à la mode.


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