L’euro (2016) de toutes les surprises !

par Laurent Simon
samedi 9 juillet 2016

Cette fois-ci, l'efficacité et la réussite sont du côté des Bleus. Enfin ! L'équipe de France avait bien débuté le match, avait montré à nouveau ses qualités offensives, mais aussi, c'est nouveau, une défense irréprochable quasiment à tout moment, avec un Hugo Lloris magistral, mais aussi avec le tout nouveau parmi les Bleus : Umtiti. Malgré ses nombreux tirs, la Mannschaft ne marquait pas une seule fois, montrant une fébrilité inhabituelle face à la cage d'Hugo Lloris, avec des frappes non cadrées.

Et face à une Allemagne qui avait dominé une bonne partie de la première mi-temps, la France l'emporte finalement 2-0 en demie finale dans le temps réglementaire contre les champions du monde en titre, comme en 1998 (3-0) en finale contre le Brésil.

La "gagne" de Didier Deschamps était à nouveau passée par là.

De très nombreuses blessures...

Et ceci alors que de nombreux joueurs de talent n'avaient pu faire partie de la sélection tricolore : Mathieu Debuchy (Bordeaux), Raphaël Varane (Real Madrid), Benoît Trémoulinas (Séville FC), Jérémy Mathieu (FC Barcelone), Lassana Diarra (Marseille), Kurt Zouma (Chelsea), Nabil Fekir (Lyon), Paul-Georges Ntep (Rennes) du fait de blessures, ou suite à des blessures, ou Mamadou Sakho (Liverpool)  [1], sans parler de Karim Benzema et de Mathieu Valbuena.

...beaucoup de chance dans les tirages au sort...

Mais dans un Euro 2016 rythmé par les surprises, la France a eu beaucoup de chance ("dans le milieu du football, on dit que Didier Deschamps est né les pieds dans le bénitier") avec les tirages au sort et l'enchaînement des matchs (poule, 1/8 et 1/4), ne rencontrant un poids lourd, et lequel, qu'en demie finale, après élimination par l'Allemagne de l'Italie en quart de finale (1 -1, après tirs aux buts).

Ce qui a constitué une "première" mémorable pour l'Allemagne, puisqu'elle ne l'avait jamais remporté dans les matchs officiels contre l'Italie (4 défaites et 4 matchs nuls) dans les dernières décennies !

...de nombreuses équipes éliminées alors qu'elles semblaient décisives...

L'euro 2016 s'était déjà distingué par plusieurs surprises majeures, comme l'élimination de plusieurs équipes clés par des équipes a priori plus faibles :

ou par des 'petites' équipes :

...et le coachnig gagnant de Didier Deschamps !

Avec cette victoire hier contre l'Allemagne, la France aura donc finalement aussi rompu avec cette interminable série de défaites contre son voisin d'outre Rhin, qui finissait toujours par gagner, depuis 1958 !

En dehors de la chance (Pierre Ménès, à propos de D.D. : "quand on a de la réussite à ce point, c’est qu’on la provoque. Il a su insuffler à ce groupe une solidarité qui a fait merveille" [2]), l'Equipe de France a pu compter avec le coaching gagnant de Didier Deschamps, et avec la décision Le Graët - Deschamps de se passer du talentueux Karim Benzema, invoquant la nécessaire exemplarité : "Ce mercredi 13 avril, le président de la Fédération Française de Football a enfin tranché quant à l’avenir proche de Karim Benzema en équipe de France". .."Pour la FFF, mieux vaut se passer de notre meilleur buteur que de jouer l’Euro à domicile avec un public hostile". [3]

Cette décision "éthique" pourrait finalement avoir été décisive, malgré la perte apparente que représentait l'absence du meilleur buteur français. Lors de matchs amicaux, Dider Deschamps avait déjà saisi l'opportunité de se passer de Benzema et Valbuena (Allemagne et l’Angleterre, en novembre 2015) [4] et constaté l'efficacité de ses choix (Pays Bas, Russie, mars 2016, voir encadré) [5].

Des cycles de 20 ans dans le football ?

Finalement, il faut croire que la durée des cycles habituellement constatés (20 - 22 ans) par nous dès 2005, dans le monde [6], mais aussi sur plusieurs siècles en Amérique du Nord par les historiens William Strauss et Neil Howe [7] est un peu plus courte pour le football :

Voir l'encadré ci-dessous.

Notre article de mai 2015 "Cycles de 22 ans. Pertinence ? Utilité ? D.Cameron vs F.Hollande ? Printemps arabes ?" (Agoravox, 16 mai 2015) revenait sur ces questions :

  1. 1. Les cycles sont-ils mécaniques, inéluctables ? Avec des effets garantis ? "... Donc non, les théories des cycles ne sont pas à prendre comme mécaniques. Inéluctables, et donnant à penser qu'il serait impossible d'agir sur leurs fondamentaux. Bien au contraire ! ... "
  2. 2. A quoi donc peut bien servir la théorie des 22 ans ?

    "... Autre exemple, puisque" "nous nous attendions à des événements majeurs vers 2010-2012 : nous avions annoncé lors des 'printemps arabes' que la Libye (60 ans après l'indépendance et 42 ans sous Khadafi) et l'Egypte (89 ans après l'indépendance et 38 ans après la guerre de 1973) pouvaient basculer, après la Tunisie, alors que cela ne serait sûrement pas le cas dans les autres pays (arabes, ou Iran) où des révoltes existaient.

    Le cas de l'Iran est d'ailleurs très intéressant : nous avions annoncé que les révoltes suite à la réélection (truquée) de Ahmadinejad en 2009 ne déboucheraient probablement pas sur un changement , car elles arrivaient trop tôt. En revanche l'élection de 2013 (62 ans après 1951, 25 ans après la guerre avec l'Irak et 35 ans après la révolution de 1978) nous semblait propice à des changements durables. Ce qui semble se confirmer, même si ce n'est pas encore gagné.

    Encourager l'Iran à bouger, en le dédiabolisant, nous semblait donc de plus en plus pertinent, au fur et à mesure que l'on s'approchait de 2012 (61 ans après l'indépendance, et 24 ans après la fin de la guerre). Et a contrario le faire dès 2008, comme l'a essayé Barak Obama, était un peu trop tôt.

    Une bonne utilisation de cette théorie des cycles consiste donc à encourager, dans un sens conforme à sa propre politique, des évolutions qui semblent probables, et ne pas faire de mouvements à contre-temps.

Revenons au football

L'accès des Bleus en finale de l'euro 2016, et peut-être la victoire en finale, pourrait ainsi représenter une nouvelles série de victoires, et pourquoi pas la Coupe du Monde en 2018 ! Cela paraît possible, étant donnés les qualités offensives des Bleus, leur capacité à défendre, qui s'est révélée lors de cette demie finale, et les progrès accomplis depuis plusieurs mois et années.

Mais il faudra pour cela transformer l'essai, en consolidant cette équipe, qui a progressé lentement, et qui a encore une très grande marge de progression devant elle !

Extraits de l'article "Euro 2016 : pourquoi l'équipe de France peut se passer de Karim Benzema et Mathieu Valbuena", RTL sport, 31 mars 2016."

L'équipe de France a remporté deux matches amicaux (Pays Bas, Russie), "au cours desquels Didier Deschamps a effectué de nombreux tests plutôt concluants." ... "Le football est une somme d'affinités et de profils de joueurs à associer, et de ce point de vue-là le dossier Benzema-Valbuena ne devrait pas créer autant d'inquiétudes au sein du football français. 

Sur les deux rencontres face aux Pays-Bas et à la Russie, les Bleus ont montré une capacité à marquer des buts, et des buts très bien construits. Mises à part les deux pépites d'Antoine Griezmann et Dimitri Payet sur coup-franc, l'équipe de France a offert une capacité à enchaîner les passes et à trouver des joueurs offensifs en mouvement. Face à la Russie, la liberté de Griezmann, les permutations du trio offensif ainsi que l'apport des milieux ont offert des séquences rarement vues ces dernières années. L'intelligence de jeu des joueurs a donné un souffle nouveau à l'animation offensive. Les joueurs semblaient parler le même langage footballistique et les rôles de chacun coulaient de source. 

Antoine Griezmann en est l'exemple parfait. En présence de Dimitri Payet et Olivier Giroud à Amsterdam, il a pris les espaces et proposé des solutions offensives aux passeurs du milieu, tout en animant son couloir et bouclant les montées adverses. Mais dans un trio Gignac-Martial-Griezmann, le joueur de l'Atletico de Madrid a pris les rênes et s'est mué en plaque tournante du jeu, terminant avec deux passes décisives. Autour de lui, à chaque fois, les joueurs se sont aussi adaptés à sa polyvalence. Pour la première fois depuis très longtemps, le jeu était fluide et personne ne marchait sur l'autre, comme si chaque joueur était à la disposition du maillot bleu et non pas à la recherche d'un quelconque statut." [8]

En attendant, souhaitons déjà que l'Equipe de France saura bien jouer cette finale face au Portugal, et qu'un événement comme le "coup de boule" de Zidane ne viendra pas empêcher une nouvelle victoire des Bleus, cette fois en finale de l'Euro 2016 !

Comme le dit Pierre Ménès "la France a été plus convaincante que le Portugal sur l'ensemble de l'Euro. Et tout ce bon boulot qui a été fait contre l'Allemagne, il faudra le terminer dimanche en apothéose."

Quelques commentaires complémentaires

1. Certains journaux allemands (die Zeit, Süddeutsche Zeitung ) ou personnalités avaient 'soutenu' la victoire des Bleus, avant le match, "parce qu’ils s’inquiètent pour cette nation « à terre » comme la qualifie Die Zeit. « Une victoire sur l’Allemagne serait pour la France bien plus qu’un simple jeu. Ce serait un acte de libération (…). Et une France renforcée ainsi de l’intérieur serait une bonne chose pour l’Europe et aussi pour les Allemands », expliquait, grand seigneur, un éditorial de la Süddeutsche Zeitung 48 heures avant le match. « Politiquement, je suis pour la France. Mais sur le plan personnel, pour la Mannschaft », confiait un proche d’Angela Merkel connu pour sa passion pour le foot. [9]

2. A ceux des nationalistes et autres populistes, qui se sont accaparé l'espace Agoravox créé par Joel de Rosnay, et qui se féliciteraient de la ferveur et du patriotisme, légitimes, envers les Bleus : Pascal Perri rappelait très bien ce vendredi [10] l'impact décisif de la libre circulation des personnes (entre les pays d'Europe) en faveur de l'élévation du niveau des 'petites' équipes nationales.

Clapping gigantesque au retour des joueurs Islandais

 L'Islande, 330 000 habitants !, pays non membre de l'UE mais membre de l'Espace Schengen [11] comme la Suisse, en est l'exemple le plus criant.

Les bons joueurs des 'petites nations', rares au début, n'auraient pas pu aller si facilement dans les grands clubs européens, n'auraient donc pas pu élever leur niveau de jeu, et les équipes correspondantes n'auraient jamais pu se qualifier à l'Euro et même en huitièmes de finales ! 

 


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