L’Olympique lyonnais, cru 2006 : un peu bouchonné

par LM
jeudi 13 avril 2006

Battus en quart de Champion’s League il y a une semaine, battus mardi soir en quart de finale de la Coupe de France, l’Olympique lyonnais n’a plus que le championnat de France pour ne pas pleurer.

Jean-Michel Aulas a beaucoup d’humour. Au soir de la défaite de son équipe contre l’OM en quart de finale de la Coupe de France, il saluait le « formidable travail de Gérard Houiller », l’entraîneur lyonnais qui avait réussi à « qualifier l’équipe en quart de finale de la Champion’s League et de la Coupe de France, et être champion de France pour la cinquième fois consécutive. » Mort de rire.

Quelques semaines avant, ce même Jean-Michel Aulas salivait à l’idée de disputer « deux finales d’affilée au Stade de France », puisque cette année la finale de la plus prestigieuse compétition européenne se disputera au Stade de France, quelques jours après la finale de la Coupe de France, sur la même pelouse. Aujourd’hui, ces deux finales ont vécu, l’OL a raté la marche à San Siro, faute d’attaquants de classe internationale, et s’est lamentablement vautré à Gerland devant l’OM, faute d’une concentration évidente, voire d’une envie de mieux faire. Aulas était assez énervé et remonté contre Houiller dans les couloirs de Milan, gageons qu’il l’était au moins autant sinon plus mardi soir dans les vestiaires de Gerland. Alors, qu’il salue dans cette atmosphère-là le « beau travail » de Houiller sonne un peu comme une épitaphe pour ce dernier.

Lyon a échoué dans deux des trois objectifs fixés en début de saison. L’équipe n’a finalement pas progressé. Elle sera championne de France, pour la cinquième fois d’affilée, record absolu (enfin, absolu parce qu’on a enlevé le cinquième titre à l’époque à l’OM pour une histoire de billets dans un jardin), mais être champion en Ligue 1 ne représente pas grand-chose, tant ce championnat est faible, disons médiocre pour être gentil, un championnat payé très cher par la télévision mais dans lequel on ne voit que peu de buts, peu de grands joueurs, peu de jeu attractif. Les vingt équipes qui se battent dans ce championnat-là adoptent toutes la tactique de l’équipe de France championne du monde en 1998 : d’abord ne pas prendre de but. Une culture de la défense, de l’organisation rigoriste, quasi frigide, qui voit triompher des entraîneurs comme Puel à Lille ou Ricardo à Bordeaux qu’on jurerait originaires de feue la RDA tant ils communiquent chaleur et plaisir. Le spectacle n’est pas au rendez-vous, c’est le moins qu’on puisse écrire.

Les clubs, de toutes façons, n’ont pas les moyens de recruter des grands joueurs, ils doivent se contenter de seconds couteaux, la faute à une DNCG (je n’évoquerai même pas le pathétique comité national d’éthique de Rocheteau qui souhaite « faire peur » à coups de sanctions aussi aberrantes qu’inutiles et qui ternissent un peu plus l’image déjà floue de la LFP de Thiriez) qui s’étranglerait devant les déficits abyssaux de Chelsea ou du Milan ou du Real Madrid, mais qui reste convaincu qu’un club de foot doit se gérer comme un petit Casino... Et c’est ainsi que le grand club français du moment, l’OL, se retrouve avec en pointe John Carew, qui, hormis en Norvège ou en Turquie, championnats mineurs, n’a jamais brillé par son effiacité, et Fred, jeune Brésilien méritant, mais assez léger dans la finition. Rien à voir avec les flèches milanaises, comme Chevtchenko ou Inzaghi, bourreaux des gones il y a huit jours. On ne peut pas s’imposer en Europe sans grands attaquants. Déjà qu’avec de grands attaquants, ce n’est pas évident, regardez la Juve, à bout de souffle en Ligue des champions, mais impériale en championnat, une seule défaite pour l’instant. Regardez Chelsea, aux moyens illimités mais victime d’un tirage au sort peu favorable en huitième. (Le Barça, c’est autre chose que le PSV Eindhoven...)

On ne peut pas progresser quand on évolue dans un championnat dont le niveau se situe à la hauteur de celui de Suisse, ou des Pays Bas, mais loin de l’Allemagne, loin de l’Angleterre, loin de l’Italie bien sûr, de l’Espagne. L’Olympique lyonnais souffre de ce manque d’adversité qui ne lui permet pas de hausser son niveau de jeu. En deux minutes, à San Siro, le Milan AC de feu Berlusconi est venu rappeler à Houiller et à Aulas ce que c’est, le football de haut niveau, ce que sont des attaquants de haut niveau, qui peuvent se faire oublier 80 minutes durant mais qui ne ratent pas la balle de match quand elle se présente. Faute de numéro 9 décisif, les Lyonnais ont raté le coche, à deux minutes près, se lamentent-ils, mais peu importe, ils l’ont raté, ils n’auront été une fois de plus « que » quart de finaliste, ce qui ne suffit pas à se construire un palmarès. Quelques doux oracles, avant le retour à Milan, parlaient de Lyon comme d’un grand d’Europe, on est loin du compte. Houiller s’était félicité du tirage au sort (Milan, c’était « mieux que la Juve », avait-il dit à Aulas, pour le rassurer, peut-être), il s’est cruellement planté : il aurait mieux valu que ses joueurs affrontent cette Juve laminée par Arsenal que ce Milan AC, jamais génial mais terriblement dur à tordre. Bref, Lyon s’est planté dans les grandes largeurs, et que va faire Aulas désormais ? Se séparer d’Houiller ? Il y pense certainement, mais pour le remplacer par qui ? Se séparer de Carew ? Ca paraît nécessaire, mais le joueur a coûté cher, et quel club voudra l’acheter ? Acheter un grand attaquant ? On parle beaucoup de Drogba, mais ce dernier, en disgrâce à Chelsea, ne rêve que d’un retour à Marseille. De plus, Aulas aura du mal à garder Diarra, Cris, Wiltord, Govou, qui ont déjà maintes fois annoncé qu’ils souhaitaient aller voir ailleurs. Ce sont eux, les vrais piliers de l’équipe. S’en séparer apporterait des liquidités, mais coulerait l’équipe. Et puis, si ce sont des liquidités pour acheter du Frau, ou de l’Elber...

Alors, oui, les journaux feront de grosses manchettes à l’occasion du cinquième titre programmé de l’OL, assuré dans quelques jours si tout va bien, mais ne nous y trompons pas, l’équipe de Jean Michel Aulas a raté sa saison malgré un investissement colossal pour la Ligue 1, et va devoir faire face à une sorte de fin de cycle qui s’annonce périlleux. Un Lyon qui n’a pas de quoi rugir de plaisir, en somme, toutes griffes usées et dents branlantes. Un fauve de pacotille qui n’impressionne que Stade 2. On verra bien jusqu’à quand Aulas gardera le sourire.

Lilian Massoulier


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