Le mal des jeux Olympiques

par escatafal
jeudi 17 avril 2008

Je voudrais rappeler que, s’il y a autant de problèmes à propos des jeux Olympiques à Pékin, c’est uniquement à cause de la démagogie et de la voracité financière du Comité international olympique.

Je ne veux pas jouer les anciens combattants, ce que je ne suis pas ayant eu la chance de naître après la guerre, mais je voudrais rappeler que, s’il y a autant de problèmes à propos des jeux Olympiques à Pékin, c’est uniquement à cause de la démagogie et de la voracité financière du Comité international olympique. En disant cela, je pèse mes mots car, finalement, tout tourne autour de l’argent et des intrigues qui vont avec, ne serait-ce que pour désigner les villes ou régions ou Etats chargés d’accueillir les Jeux.

L’argent, et l’hypocrisie qui l’accompagne, a d’ailleurs toujours été un problème aux jeux Olympiques. A cause de lui, il y a eu des Jeux un peu partout y compris dans des endroits peu fréquentables, notamment à Berlin en 1936, où chacun savait (ou aurait pu imaginer) que c’était le dernier coup de pouce à donner à un régime abject qui commençait à effrayer toute l’Europe. Pour d’autres raisons, à cause de l’argent aussi, il y a eu pendant très longtemps un affrontement qui n’a pas toujours été à armes égales, entre les ressortissants des pays communistes de l’Est européens, véritables athlètes d’Etat donc professionnels, et ceux des pays occidentaux qui étaient amateurs.

Même s’ils arrivaient peut-être à toucher un peu d’argent sous une forme ou une autre, ces derniers risquaient la suspension à vie s’ils étaient seulement soupçonnés de professionnalisme. Quelle pudibonderie de la part des membres du CIO et notamment de son président dans les années 50 ou 60, Avery Brundage, qui, si mes souvenirs sont bons, était lui-même milliardaire. Dans ces conditions, il était de règle de voir des athlètes ou des nageurs, pour ne citer qu’eux, arrêter très tôt leur carrière sportive (avant 20-25 ans) pour préparer et assurer leur avenir ailleurs, dans la mesure où leur sport n’était pas admis au professionnalisme. Ce fut le cas jusque dans les années 80.

Ensuite, avec l’arrivée de M. Antonio Samaranch à la tête du CIO, on ouvrit toutes grandes les vannes de l’argent pour que celui-ci coule à flots. Les résultats ont dépassé toutes les espérances, d’autant que cette ouverture a presque coïncidé avec l’effondrement du communisme. Le capitalisme triomphant allait s’emparer aussi des jeux Olympiques, et rien ne serait trop beau ni trop grand, pour cette manifestation planétaire chaque année bissextile. Mais, comme chacun le sait, l’argent ne fait pas le bonheur et il n’a pas fait celui des JO.

Les jeux Olympiques, où les participants étaient surtout heureux de participer, appartiennent plus que jamais au passé. De nos jours, il faut gagner à tout prix ou, au moins, obtenir une médaille. Quand je dis à tout prix, tout le monde comprend que je fais allusion au dopage qui, toutefois, existait bien avant l’ère Samaranch plus particulièrement dans les pays de l’Est (dopage d’Etat). Il en est de même de l’époque où les jeux Olympiques permettaient à certains sports, parmi les plus anciens, d’exister grâce à eux sur le plan international. Enfin, les compétiteurs qui se retrouvaient tous pendant quelques semaines dans le village olympique, image suprême de la fraternité sportive notamment pendant la guerre froide, sont de moins en moins nombreux, les stars préférant une suite dans un hôtel prestigieux.

Tout cela était prévisible, mais aujourd’hui les jeux Olympiques sont devenus une machine infernale où ses membres, et notamment son président, sont plus puissants que des chefs d’Etat. Pourquoi ? Parce que leur pays a parfois besoin des Jeux pour asseoir son assise internationale, comme ce fut le cas en 2001 pour la Chine, ou pour revigorer provisoirement son économie comme pour la Grèce la fois précédente, sans oublier les arrière-pensées électorales de ceux qui promeuvent une candidature, et là les exemples sont encore plus nombreux. Bien entendu tout cela n’est pas sans risque sur l’équité sportive, ni sur l’évolution du sport dans certaines disciplines.

Ainsi, certains sports qui n’ont rien à faire aux jeux Olympiques, y ont été admis presque sans l’avoir demandé, parce que leur attraction télévisuelle est indéniable, donc susceptible de rentabilité pour des médias tels que NBC ou TF1. En revanche, les sports dits mineurs n’intéressent plus personne ou presque parce qu’une médaille en lutte, en haltérophilie ou au tir à l’arc n’a aucune valeur marchande.

Pour ma part, même si je n’ai aucune compétence technique sur ces sports, je me souviens très bien des deux médailles d’argent en lutte de Daniel Robin aux JO de Mexico ou de la médaille d’argent de Daniel Senet aux JO de Montréal en haltérophilie. A l’époque, ils avaient été fêtés comme il se doit sur le plan national. Ce ne serait plus le cas aujourd’hui et c’est dommage, car les efforts faits par ces compétiteurs sont aussi importants que ceux des stars de l’athlétisme, sans parler des sacrifices de tous ordres y compris financiers.

Pire encore, pour faire de la place à certains sports à la mode, le beach-volley par exemple, on n’hésite pas à diminuer le nombre d’épreuves dans certaines disciplines, voire à menacer de supprimer des sports plus anciens. C’est le cas de l’escrime qui a perdu les épreuves par équipes de fleuret masculin et d’épée féminine, alors qu’il y avait une grande tradition olympique. Il en est de même pour le kilomètre en cyclisme sur piste, et nous pourrions citer de nombreux exemples comme ceux-là. La boxe elle-même fut un temps menacée, alors que les jeux Olympiques ont révélé quelques-uns des plus grands champions de l’histoire de ce sport (Patterson, Ali, Foreman, Leonard, etc.).

En outre, après avoir attiré les basketteurs professionnels de NBA, les joueurs de tennis, les coureurs cyclistes sur route, on rêve de séduire les footballeurs, les rugbymen et les golfeurs. Là, ce serait « du lourd » en termes de notoriété et en retombées financières, à condition toutefois que ces derniers jouent davantage le jeu que les stars américaines de la NBA, pour qui les Jeux sont loin d’être une priorité, ou que les joueurs de tennis beaucoup plus intéressés par une victoire à Wimbledon, Roland-Garros ou Flushing Meadow. Il est vrai que pour Kobe Bryant, Amare Stoudemire ou Roger Federer, une victoire aux JO ne leur apporterait rien en termes de notoriété (ils n’en ont pas besoin), ni sur le plan financier (ils n’en ont pas davantage besoin). La remarque vaut pour les meilleurs footballeurs ou pour Tiger Woods le golfeur.

En conclusion, je vais redire une nouvelle fois qu’il est bien triste de voir le sport et les jeux Olympiques à la totale merci de l’argent. Je dirais aussi que ce qui arrive aux dirigeants du CIO, avec les Jeux de Pékin, ne m’attriste pas plus que cela. S’ils avaient donné les Jeux ailleurs qu’à Pékin en 2001, par exemple à Toronto, Paris ou Osaka qui étaient aussi des villes candidates, ils n’auraient pas ce type d’ennuis. Il y aurait encore moins de risque si les Jeux avaient lieu tous les quatre ans dans une ville désignée à cet effet. Seulement voilà, le facteur économique reste le plus important.

Cela étant, le Comité olympique international avait simplement oublié que certaines personnes sur cette terre ont quelques valeurs enfouies au fond de leur conscience, et comme elles rencontrent un écho de plus en plus important dans ce monde de marchands, les manifestations hostiles ne font que commencer. Espérons toutefois que ce ne sera pas un simple feu de paille, car les différents gouvernements des grands pays, entre autres la France, vont mettre toute leur énergie à éviter des difficultés à leur ami chinois, tellement important sur le plan commercial.

Michel Escatafal


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