OM : la clé Deschamps
par LM
vendredi 26 mai 2006
Cluedo sur la Cannebière : Jean Fernandez aurait été assassiné par le colonel Anigo, peut-être avec un chandelier, mais rien n’est sûr. Le professeur Diouf n’aurait rien vu venir, et le sergent Deschamps serait pressenti pour résoudre le mystère.
Du rififi à l’OM. Ca faisait longtemps. Ce club « original », pour ne pas dire crapuleux, a encore connu hier un de ces épisodes qui font sa petite histoire. Le petit Jeannot, tout en retenue et en discrétion sur son banc durant la saison, a préféré s’envoler pour les hivers bourguignons, la saison prochaine, pour le club de Guy Roux, ex-entraîneur « crapuleux », pour ne pas dire original.
Pourquoi ce soudain pataquès dans le club de monsieur Louis (Acariès) qui jure ses grands dieux qu’il souhaite plus de « stabilité » à tous les niveaux, du côté du Vélodrome ? Jean Fernandez a toujours crié son amour pour l’OM, sa ville, son œuvre, il a toujours confessé un attachement très fort pour cette Provence-là. Alors, pourquoi partir ? « J’ai été surpris car quelques jours avant qu’il ne me fasse part de son départ, après le match de Bordeaux, on travaillait en parfaite osmose sur l’avenir avec lui et José (Anigo). »
C’est Pape Diouf, qui s’exprime ainsi, le président de l’OM. Diouf fait partie de ceux, comme Acariès, comme Dreyfus, qui veulent construire un club solide, en finir avec les guerres intestines, s’appuyer sur une base fiable pour retrouver un peu des lueurs d’antan. Le problème, dans tout ça, c’est... José Anigo. Entraîneur des minots, puis de l’équipe première, Anigo est aujourd’hui directeur sportif de l’OM. C’est une figure du club, difficile à contourner, un Marseillais pure souche, qui d’ailleurs n’hésite pas dans les interviews à prôner un OM « 100% marseillais », considérant que seuls des joueurs du cru peuvent comprendre le club, donc s’y épanouir. C’est une monumentale ânerie, évidemment, il suffit de se pencher sur la dernière époque glorieuse de l’OM, celle des années Tapie, où le club était coaché tour à tour par un Belge (Goethals), un Yougoslave (Ivic), un Allemand (Beckenbauer), de temps en temps un Français (Gérard Gili), jouait sur le terrain avec de l’Anglais, du Brésilien, du Ghanéen, enfin tout ce qui fait le foot d’aujourd’hui, tout ce qui a toujours fait le foot. Anigo rêve d’un onze issu des quartiers de Marseille, mais le dernier jeune talent issu de cette pépinière, Mathieu Flamini, lancé d’ailleurs dans le grand bain par Anigo, a eu vite fait d’aller voir ailleurs, à Arsenal, pour apprendre plus, et plus vite qu’à l’OM où il aurait passé son temps à rattraper les erreurs de Déhu, ou de Taiwo... Bref, Anigo est aujourd’hui directeur sportif, et à ce titre s’exprime volontiers, et souvent, sur les performances de l’équipe, voire sur les choix de l’entraîneur.
Certaines de ses récentes critiques seraient venues aux oreilles de Jean Fernandez, sorti un peu lessivé il est vrai d’une saison irrégulière. Quand Anigo parle, il parle fort, avec un vocabulaire simple et parfois fleuri, et ça peut vite gonfler, ou vexer. Toute patience a des limites. Pourtant, Anigo, lui, n’entend pas ces critiques, dans le sens où il ne les comprend pas. Dans un entretien accordé mercredi au journal L’Equipe, il se disait victime de sa « mauvaise réputation ». Il assurait qu’il s’était tenu à carreau jusqu’ici, qu’il s’était calmé, qu’il avait accepté même qu’on le rende responsable de certains recrutements hasardeux (Gimenez Mendoza) : « ...ces casseroles j’aurais pu les partager (Jean Fernandez avez souhaité recruter ces deux joueurs) Moi, je n’ai rien dit. J’ai fermé ma gueule et j’ai encaissé. J’ai tout pris pour moi. » Avant d’assurer : « Jean il a été le boss de son équipe. Je n’ai jamais mis le nez dans les compositions d’équipe [...] Mais voilà, on cherche un bouc émissaire. Tu ne peux pas toujours plaire aux gens, et si je voulais plaire, je m’y prendrais autrement. » Donc c’est pas lui. Il n’empêche que le club réfléchit quand même sur l’attitude à adopter vis-à-vis de ce directeur sportif un peu « remuant ». C’est lui qui allume tous les feux, qui n’hésite pas un instant à chambrer les joueurs parisiens, le staff ou les joueurs, c’est lui qui attise toute braise passant à sa portée. Il est ce qu’on pourrait appeler sur le Vieux port ou ailleurs une sorte d’embrouilleur, pour rester poli.
Un fouteur de merde, pour parler comme lui. Anigo c’est un peu ce qui reste de plus vivant de l’ancien OM, l’OM à la nanard, roublard et truqueur, gouailleur et magouilleur. Dans cette affaire Fernandez, on parle de dérapages verbaux, mais aussi d’agressions physiques « dont auraient été victimes plusieurs membres du club » selon L’Equipe, qui parle encore de « brimades envers certains joueurs » (« On m’a aussi reproché d’avoir reçu des joueurs dans mon bureau », explique Anigo dans L’Equipe, « mais on ne m’a pas mis à ce poste pour recevoir le jardinier. ») Une enquête de police, ajoute le journal, est en cours « autour de divers incidents. » C’est sans doute ce style d’OM que fuit Fernandez (qui touchera quand même un salaire de 38 000 euros sur le banc d’Auxerre), sans doute pas assez armé pour subir ce genre de traitement une saison de plus. On peut penser qu’Anigo a fait pression, plus ou moins directement sur le coach marseillais pour le pousser à partir. On peut penser qu’il tire quelques ficelles. Pas tout seul, sans doute. Anigo s’appuie sur les supporters, l’autre âme du club, qui pour l’instant lui font confiance.
Aujourd’hui, pour remplacer l’ancien Messin nouvel Auxerrois Jean Fernandez, on évoque la piste Deschamps. L’ancien capitaine de l’OM, et des Bleus, pourrait peut-être se laisser convaincre d’embarquer sur ce qui ressemble quand même, de près ou de loin, à une galère. « Le prochain entraîneur n’a pas à avoir peur. Il sera comme Jean », assure Anigo. C’est justement ce qui pourrait bien faire reculer Deschamps, homme solide, entraîneur rigoureux, que l’on imagine mal accepter d’être « supervisé » par un José Anigo qui n’a qu’un passé anecdotique dans le foot, là où « Dédé » affiche un palmarès unique. On se dirige donc naturellement vers un match Deschamps-Anigo, une sorte de jeu de chaises musicales, une seule chaise, un seul retenu. Et à y regarder de près, l’OM pourrait bien perdre sa prochaine saison (ou la réussir) sur ce seul choix-là. Embaucher Deschamps, écarter Anigo, garder Ribéry et renforcer la défense, alors là oui, le boulevard Michelet pourra à nouveau vibrer.