Paris Football Gay : l’Act-Up du Football

par Animal Politique
jeudi 5 novembre 2009

Sur fond de procès en homophobie, un phénomène tout aussi alarmant touche le foot : la naissance des clubs communautaires sans but sportif.

Les déclarations du PFG, en écho aux propos tenus samedi soir par le président de Montpellier, Louis Nicollin, dit « Loulou », sur cette « petite tarlouze » de Benoît Pedretti, ont trouvé en quelques heures une résonance démesurée dans les différentes tribunes des médias nationaux. A titre d’exemple, I-Télé ouvrait ses éditions dimanche soir (01/11) sur ce fait d’actualité insignifiant. C’est d’ailleurs la deuxième fois en un mois que ce club amateur de football jouit d’une couverture médiatique hors normes, et ce sans une Coupe de France à la clé : au début du mois d’octobre, le PFG avait dû essuyer le refus du Créteil Bébel (une équipe de musulmans pratiquants) de disputer un match « amical » contre eux, conduisant à l’exclusion de ce dernier du championnat local et engageant une éphémère réflexion sur l’homophobie avérée dans le football.

Alors que ce fait divers aurait dû rester confiné à un règlement personnel entre hommes (sic), soit entre Loulou et Beni - pour qui « l’affaire est close » -, voire à des réactions propres et limitées aux associations de défense des homosexuels, sa récupération par une équipe amatrice de football a laissé apparaître les premières limites d’un type de structure naissant dans le milieu du sport : le club communautaire sans but sportif.

Pesant mélange des genres

Le PFG - insistez bien sur le F pour ne pas commettre de bévue - revendique clairement son positionnement sexuel, ou plutôt ses positionnements sexuels, estimant être « le premier club de football à réunir officiellement des joueurs homos et hétéros, pour défendre le droit à la différence. » Pourquoi ne pas s’appeler alors le « PFGH » pour « Gay & Hétéro » ? Dans la poursuite de sa présentation, le club se définit comme une « association dont la démarche s’inscrit dans une logique de lutte contre les discriminations, dont l’homophobie » et ambitionne de « stimuler l’émancipation des gays et de promouvoir le coming-out de sportifs gays. » Et quid du football ? Rien au regard de cette présentation officielle... Si ce n’est, dans la continuité des objectifs précédents, de « faire appel aux dirigeants et aux éducateurs du monde de football pour qu’ils soient dorénavant vigilants sur les actes et les propos à caractère homophobe. » Ainsi, à peu de choses près, le PFG s’assimile tout simplement à une association militante de défense des homosexuels.

C’est à partir de là qu’on peut s’interroger sur le bien-fondé d’une telle association : une équipe de football est destinée à jouer au football et non à orchestrer un militantisme, déjà alimenté par un nombre florissant d’associations. Même si le club rappelle sur son site qu’« il n’est pas un club communautaire », « ouvert à tous hétéros comme homos » où se « côtoient des blacks, des blancs, des beurs, toutes religions confondues » - où est le rapport ? -, sa vocation première n’est pas le football mais bien le communautarisme. A cet égard, le Créteil Bébel avait justement invoqué par la voix d’un de ses dirigeants, Zahir Belgharbi, leurs efforts pour rester neutres, en ne s’appelant pas « le club de football islamique » ; auquel cas, les salves de l’artillerie politico-médiatique auraient été déclenchées.

Les politiques s’en mêlent et s’emmêlent

Notre discrète secrétaire d’Etat aux Sports était d’ailleurs montée au créneau sur cette affaire du « Créteil Bébel », se plaçant une nouvelle fois en porte-parole de la morale commune et s’alignant, une fois n’est pas coutume, sur ses confrères politiques. « Très choquée », elle avait déclarée à cette occasion : « Mais où va-t-on là ? [...] Si ça continue, on va refuser de jouer contre des Noirs, des Juifs. Le communautarisme n’a pas sa place dans le sport. » « Ce n’est pas une attitude républicaine de refuser de jouer pour des motifs de religion », compléta-t-elle. Mais que vient faire la République dans ce match amical ? Et à quel communautarisme doit-on s’attaquer - les pratiquants musulmans « neutres » ou les gays revendiqués - ?

Du côté de la Mairie de Paris, même son de cloche, mais sans aucun doute possible sur l’équipe supportée. Le communiqué officiel de la Mairie rappelait que « le refus de jouer un match au seul motif de l’orientation personnelle des joueurs adverses est un fait particulièrement grave et contestable. » ; communiqué marqué d’un véritable enthousiasme pour le PFG qui « depuis sa création, véhicule les valeurs essentielles de respect des autres, de diversité, de tolérance et de générosité. » Bertrand Delanoë n’a pour sa part jamais caché sa fidélité aux couleurs arc-en-ciel.

Quant à la Fédération française de football, c’est un laconique couplet sur sa « détermination à lutter contre l’homophobie » qu’elle avait servi, précisant que les deux clubs ne lui étaient pas affiliés. Pas vu, pas pris ! Ce à quoi a répondu Vikash Dhorasoo, parrain du PFG depuis 2006, avec lucidité : « Les ligues et les fédérations font semblant de lutter contre les discriminations et le racisme. »

Sous pression, au grand dam des cristoliens, la Commission Football Loisirs, organisatrice de la compétition, avait alors exclu l’équipe du championnat. Quelques jours plus tard, le 10 octobre, l’équipe du Créteil Bébel est revenue sur sa position et a laissé entendre qu’elle accepterait de jouer le match. Des pourparlers sont engagés actuellement avec le PFG qui s’est dit favorable à l’organisation d’un « grand match contre les discriminations. » Et à quand un match contre les communautarismes ?

Le football professionnel frappé

La meilleure défense, c’est l’attaque : Tandis que le PFG avait évoqué un temps des poursuites judiciaires contre le Créteil Bébel, il est monté au créneau samedi contre un des acteurs principaux du football professionnel, s’engageant sur la voie de la « judiciarisation » de la liberté d’expression. Le PFG a en effet diffusé immédiatement un communiqué sur les propos tenus par Louis Nicollin estimant qu’ « il ne devrait donc plus être possible d’entendre de tels propos de la bouche d’un responsable du football français. » Il est vrai que le président de Montpellier , dinosaure du football français, n’en était pas à ses premiers faits d’armes après autres « bande de pédés », « les pédés », etc., entendus sur d’autres terrains, et qui constituent sa marque de fabrique. Il n’empêche, il est à présent sous le coup d’une convocation devant le Conseil National de l’Ethique (CNE) et il risque une exclusion temporaire des terrains.

Pour son ami Jean-Claude Lemoult, « il s’en fout », « rien ne l’empêche de recommencer » et c’est tant mieux ! Et puis depuis quelques semaines, avec les « claques dans la gueule » de Kombouaré à destination de Christian Gourcuff ou encore la « raclure de bidet » de Francis Decourrière au sujet de Tony Chapron, on n’est plus à une élucubration poétique près ! Laissons le mot (et le bon sens) de la fin au président de Révolution LGBT (association de défense des droits des homosexuels), Alexandre Marcel, et qui est intervenu en faveur de Loulou : « Je dénonce les dérives de certaines associations qui brandissent l’étendard de l’homosexualité pour un oui ou pour un non. [...] Selon moi, il n’a rien dit de grave. Il aurait tout aussi bien pu dire "petite gaufre" ou "petite crêpe". »

PFG, il faut choisir : le foot ou la politique ?

Pierre-Emmanuel Levacher

Un article du site www.animalpolitique.com

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